Le soulier de satin

C'est un univers en soi. Avant d'entamer la lecture: ouvrir le livre et lire au hasard. le ton est partout, constitutif de l'oeuvre, homogène. Je ne suis pas fan, mais le choix des mots ou le rythme des répliques vaut le détour.

Il y a dans cette pièce quelque chose de l'ordre du monstrueux. C'est une sensation d'avalement, par le texte, que l'on ressent, et qui m'a été désagréable. Trop de tout, pour être honnête. Trop de personnages, trop de lieux, trop d'actions, trop de répliques... Certes, il y a la représentation symbolique de l'amour, tout du long, et de ses vagues et pérégrinations... Mais c'était too much. {10}

L'écriture, ample, lyrique, aisée, est belle. Mais l'auteur, avec cette pièce de théâtre, fait de la littérature, donnant un peu l'impression qu'il est pris au piège de ses propres talents. C'est très bien écrit, les répliques comportent parfois (souvent) des saillies intéressantes, mais le foisonnement général est lassant. On sent dans ce fourmillement toute la complexité psychologique du personnage qui s'exprime : il y a quelque chose de sensuel, de goulu chez Claudel qui cohabite (difficilement) avec ses évocations religieuses, ses ambitions spirituelles, ce qui se traduit par une écriture riche, touffue, presque saturée, donnant à la longue une très curieuse impression de faisandage.

Des pages sublimes et d'autres, nombreuses, auxquelles je suis restée assez hermétique... Une pièce que j'aimerais voir jouer pour mieux la comprendre et y goûter.

Ainsi parlait Sacha Guitry et je ne peux qu'être en accord au vu du supplice que peut représenter la lecture de cette pièce. Longue, interminablement longue la lecture de ce pavé s'apparente plus à une corvée qu'à une partie de plaisir. Incroyablement embrouillée, l'intrigue est entrecoupée de longues tirades mystiques qui pourraient séduire des chamans en transe mais ne parviennent qu'à dérouter le lecteur lambda. Tout au long des quatre journées qui constituent l'oeuvre, je n'ai pu que compter le nombre de pages qui me séparaient de la fin de ce livre. Les protagonistes se complaisent en permanence à comparer leur amour à une crucifixion mais le lecteur innocent aura bien envie à la lecture de cet ouvrage de penser que c'est lui qu'on porte sur la croix.
Ceci dit, il semble difficile de nier le talent de Paul Claudel qui réalise ici une véritable pièce de théâtre-fleuve, un pavé mêlant tous les genres littéraires (dans un mélange peu digeste), multipliant les personnages et utilisant tous les mécanismes du théâtre.