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Critique de 5Arabella


Ecrit rapidement d'après les dires de l'auteur en 1905, le texte de cette pièce paraît pour la première fois en 1906 à compte d'auteur. Mais Claudel va refuser jusqu'en 1948 que la pièce soit portée sur la scène. Ce n'est qu'à cette date qu'il autorisera Jean-Louis Barrault avec qui il entretenait des liens privilégiés, à mettre en scène la pièce dans laquelle Barrault jouera également le rôle de Mesa.

Il faut dire que d'après Claudel lui-même, cette pièce est l'histoire un peu arrangée de l'aventure amoureuse qu'il a vécue de 1900 à 1905 avec Rosalie Ścibor-Rylska. Ils se sont rencontré sur un bateau qui les amenait en Chine en 1900. Elle est mariée à Francis Vetch avec qui elle a quatre fils. Malgré ce mari qui s'éclipse, elle va devenir la maîtresse de Claudel dont elle va partager la vie, habitant même avec ses enfants au consulat, ce qui finira par devenir scandaleux. Elle va disparaître en 1904, enceinte de Claudel. Elle ne donnera de ses nouvelles qu'en 1917, ils se retrouveront en 1920. Malgré le mariage qu'il a contracté entre temps, et les enfants qui en sont issus, il continuera à lui vouer, ainsi qu'à leur fille Louise, un attachement très fort jusqu'à sa mort et elle sera une grande source d'inspiration pour son oeuvre.

La pièce commence sur un bateau en route vers la Chine. Une femme, Ysé et trois hommes qui d'une façon ou d'une autre sont les hommes de sa vie : son mari, de Ciz, Amalric, un homme qu'elle a connu avant son mariage avec qui elle a vécu une histoire d'amour qui n'est pas forcément terminée, et enfin Mesa, qu'elle vient de rencontrer et avec qui une relation privilégiée est en train de se nouer.

Au deuxième acte, de Ciz est sur le point de partir pour une durée indéterminée dans une expédition risquée. Ysé essaie de le retenir, mais il est décidé. Survient Mesa, Ysé lui demande de conforter de Ciz dans son intention de partir. Ce que Mesa fait sans en avoir l'air. L'histoire d'amour peut commencer.

Au troisième acte, le décor change. Ysé et Amalric, avec qui elle vit à présent, même si elle a donné naissance à l'enfant de Mesa qui est avec eux, sont au coeur d'un soulèvement autochtone. Amalric a l'intention de faire sauter la maison plutôt que d'être pris. Survient Mesa qui veut décider Ysé à partir avec lui en amenant son enfant, il a un sauf-conduit. Elle refuse. Mais elle va revenir vers Mesa blessé pour mourir avec lui.

Après un premier acte réaliste, la rencontre des personnages sur le bateau, avec l'évocation des rituels de ce type de voyages, des situations concrètes, la pièce s'oriente dans le deuxième et encore plus le troisième acte, vers autre chose, une aventure symbolique et mystique, jusqu'à a fin dans laquelle nous assistons à une sorte de mariage, de rituel à la fois profane et sacré, où le sacrifice final permet d'une certaine façon de sanctifier et d'effacer le poids du pêché, par lequel les amants se purifient et se rejoignent dans et pour l'éternité. le trivial et les souillures de la vie se lavent dans le sang du martyre, permettant aux personnages de se rejoindre dans un monde héroïque. le désir charnel du début de la pièce se transforme en un amour qui touche au divin, qui est en quelque sorte un pont pour atteindre l'au-delà, la transcendance. L'union des deux amants leur permettant de se sauver conjointement dans la mort partagée.

C'est une proposition littéraire forte et personnelle, à laquelle on peut ou ne pas adhérer. La langue somptueuse de Claudel, ses métaphores poétiques, son mysticisme, peuvent aussi bien séduire que rebuter. Cette vision des relations amoureuses, comme une porte vers un autre monde divin, comme si le monde des hommes ne suffisait pas, peut aussi apparaître comme une fuite de la réalité. Mais si on arrive à s'immerger dans le rythme des mots, dans la cascade d'images, c'est un magnifique voyage dans une sorte d'univers parallèle, peut-être juste celui de la poésie.
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