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Critique de KateMoore


En Floride, au milieu de nulle part, Pearl, quatorze ans, vit avec sa mère, Margot, dans une Mercury. Cette voiture lui avait été donnée pour ses seize ans par ses richissimes parents.
La Mercury Topaz, de couleur rouge à l'origine, est posée sur un terrain de caravanes avec une sympathique pancarte : « Bienvenue au Camp d'Indian Waters ».

La vie de Pearl se résume à ce terrain de camping, à la décharge toxique juste à côté et l'école.
Sa seule amie, Avril May, vit, elle aussi, sur ce terrain dans une caravane avec ses parents.
Leurs seuls loisirs : fouiller la décharge à la recherche de quelque chose d'intéressant, aller fumer des cigarettes au bord d'un ponton, les pieds dans l'eau.

Dans leur vie, Pearl et sa mère ont trouvé un certain équilibre, dans leur voiture-maison, restant, quand même, dans une grande précarité.
L'irruption d'Eli, qui va devenir l'amant de Margot, rompt cet équilibre déjà très fragile.

« Quand je repense à ma vie dans la voiture, je la vois divisée en deux parties : avant que ma mère ne rencontre Eli et après. Ces mots, avant et après, sont comme des heures marquées sur une pendule. » (page 18).

Jennifer Clement, dans son livre « Balles perdues », nous donne à voir une Floride rurale, faite de « paumés » ; loin des pièges à touristes, des richissimes américains venant passer une retraite dorée ou des Cubains, non moins richissimes, ayant pu se payer le passage entre Cuba et la Floride.

Cet Etat est l'exemple même de cette Amérique à deux vitesses : violences sociales, économiques……
Ces américains modestes ont juste le droit de respirer les vapeurs toxiques de la décharge municipale. On y stocke des déchets hospitaliers, des détergents chimiques… Tout ce qui peut-être dangereux pour un être humain, sauf bien sûr pour ceux qui habitent le Camp d'Indian Waters.

« Dans notre coin de Floride, tout était perturbé. La vie était toujours comme une chaussure qu'on aurait mise au mauvais pied. » (page 16).

"Mme Roberta Young affirmait que la décharge avait des effets néfastes sur le secteur et que nous étions en train d'être lentement contaminés. Elle avait écrit des pétitions et les avait envoyées aux instances locales et fédérales. Mais personne n'était jamais venu pour inspecter la décharge ou vérifier notre eau." (page 68)

Le port d'armes légalisé, aux Etats-Unis, par le deuxième amendement de la Constitution et géré par les Etats, est aussi un point que l'auteur aborde.
Jennifer Clement détaille largement les problèmes causés par ce phénomène. Certains habitants du campement se livrent à un trafic très lucratif.
Des armes qui passent de main en main sans que l'on sache leur provenance, ni leur destinataire.
Un jour, Corazon, en couple avec Ray (deux Mexicains vivant du trafic), en nettoyant un revolver, tombe sur un pistolet encore plein de sang.

« Chez les Mexicains aussi, il y avait des armes partout.
Il y avait des fusils de chasse alignés le long d'un mur, et en piles dans le couloir qui menait aux chambres. Dans les deux chambres se trouvaient des mitraillettes, entreposées sous les lits. Dans le salon, de grands conteneurs remplis de pistolets. Des boîtes de munitions étaient également empilées le long des murs dans presque chaque pièce. » (page 135).

« Les armes appartenaient au pasteur Rex et à Eli. Ils se les procuraient grâce au programme du pasteur, ou ils les achetaient à des vétérans dans les hôpitaux ou dans des foires aux armes. Corazon les nettoyait et Ray aidait Eli à les revendre au Texas, mais surtout, il les passait au Mexique. » (pages 136-137).

Pearl est, à mon avis, le seul personnage solaire de ce roman. Elle est débrouillarde et essaie de voir le côté positif de la vie. Même si chaque jour qui passe, Pearl peut être reprise à Margot par les Services de protection de l'enfance et envoyée dans un foyer.

« Grâce à ma mère, je savais que la mémoire était seule capable de remplacer l'amour. Grâce à ma mère, je savais que le monde des rêves était l'unique endroit où je pouvais aller me réfugier. » (page 260).

« Balles perdues » est à la fois un roman très sombre, très triste mais avec beaucoup de poésie et d'humour.

Un(e) journaliste du Washington Post a écrit à propos de ce livre : « « Balles perdues » nous donne un aperçu du quotidien de ceux qui bataillent chaque jour. Ils sont peut-être les enfants oubliés de l'Amérique, mais après avoir refermé ce livre, vous n'êtes pas prêts de les oublier. »
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