Comme un modeste papillon égaré sur un pétale, je me mêle discrètement au raffinement ondulatoire de vos délicieux tableaux , Frédéric, et vous transmets enfin mes impressions de lectrice, de curieuse éveillée, de peintre ému(e)........
Un jeune artiste dont l'intimité s'accointe avec le mystère, piège la beauté dans les frêles membranes de somptueux bouquets, leur accordant un supplément magique et ineffable. Les fleurs semblent porter en elle un message secret, emprunté au langage des pinceaux.
Et ces pinceaux voient rouge...
Jan entend battre le coeur d'un coquelicot, celui d'une pivoine, et, espionnées de près ses fleurs parlent et s'empourprent comme la chair d'étoffes embrasées.
Si le rouge est associé depuis le fond des âges au sang et au feu, à la vie, à la vigueur, au diable, à l'esprit, à la beauté, Lubie, cette merveilleuse petite empoisonneuse ensorcèle les pigments, chuchote au peintre ce que la beauté semble taire.
"Lubie" n'est pas un livre qui s'ouvre mais un paysage qui éclôt.
Alors commence une traversée passionnée dans un atelier, où l'ombre et la lumière se disputent les pages d'une merveilleuse histoire...
Comme une lave mouvante, elle nous coule dans un bain de couleurs éperdues.
La densité des tonalités magnifiées par la lumière, la richesse des nuances...carmin, cinabre, alizarine, vermillon, écarlate, garance, pourpre, (jusqu'aux limites du champ sémantique), parfois plus sombres, violacées, vineuses ou tirant sur le brun, plomb brûlé et bois de braise, sont des éclats de foudre attisés par la lune.
Teintes dérobées aux officines d'un magicien, d'un ciel empourpré de fin du monde, ou d'un premier matin, on se balance sur une gamme aux charmes élaborés, touche par touche, dans un laboratoire de pensées esquissées, soufflées par des flammes échevelées, dont l'incandescence ravive le feu de l'imagination.
Sensation de vertige dans la couleur !
Rouge comme sang, rouge-feu, rouge de colère, vert de rage...mais dans l'atelier du peintre, ce n'est pas de sang et de feu ou de colère dont la palette est habillée mais de pigments fous et de mots laqués, comme déroulés sur un manuscrit, dissimulé sous les ailes flamboyantes d'une âme prête à s'envoler.
J'ai posé Lubie sur mon chevalet. Et en refermant, le bel ouvrage, j'entendais encore s'ébattre les personnages de Monsieur Breughel, lilliputiens acrobatiques, petits fantômes espiègles, j'entendais encore le frou-frou des ailes cramoisies de la petite démone, je respirais encore l'odeur si familière de l'essence de térébenthine, j'imaginais encore les collines ocres dispersées dans un jadis ressuscité.
Merci cher
Frédéric Clément pour ce délice pictural, ces pages enchanteresses exprimées sous les paupières des rêves.
Anne Bolenne