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EAN : 9782226389763
230 pages
Albin Michel (30/03/2016)
2.94/5   8 notes
Résumé :

« Le mot dieu est ambivalent. Il a un adret et un ubac. Une face sud et une face nord.Quand Nietzsche annonce : « Dieu est mort », il fait référence au dieu personnel, bon, jaloux ou miséricordieux, que le croyant prie dans les églises, mosquées et synagogues.

C'est la face sud.La face nord, il n'en souffle mot. Elle est abrupte, lisse, vertigineuse, sans filet, sans contour, sans fond, nocturne. C'est elle que nous voyons aujourd'hui pointer... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
le monde va mal, nous avons perdu le sens et Dieu est mort. le constat pourrait être pessimiste. Mais si c'était notre chance ? Celle d'une réconciliation entre tous ceux qui se déchirent au nom de Dieu ou de son absence ? Entre l'athée et le croyant ? Si le vrai sens du monde était de ne pas en avoir ? La mondialisation, en nous ouvrant sur l'autre, nous a surtout appris combien il était différent de nous : toutes les cultures se sont repliées sur elles-mêmes de peur de perdre leur identité. C'est incontestable : la conception du réel, le rapport au monde, ne sont pas identiques entre les sociétés occidentales et les sociétés « plus traditionnelles », celles de l'islam ou de l'Inde auxquelles s'attache plus particulièrement ce livre. D'un côté ou de l'autre (et pourquoi pas des deux ?), il y a donc eu « déviance, décentrage, dérive de l'intelligence ». À condition, bien sûr, que l'on croie à l'unité primitive. C'est le postulat fondamental de ce livre.
Mais comment analyser cette impression et reconstruire le dialogue ? le livre d'Hervé Clerc, en s'attachant aux cultures musulmane et indienne, « nos deux Autres principaux », tente de cerner cette différence. Elle tient selon lui à une ambiguïté, celle du mot « Dieu ». « Dieu est mort », avait annoncé Nietzsche au monde occidental ; mais c'est toujours au nom de Dieu que des fanatiques continuent à tuer. Et si l'on prenait Nietzsche au mot ? Celui dont il annonce la mort, c'est le Dieu des croyants, personnalisé différemment dans chaque religion. Mais « quand Dieu meurt, ce à quoi il fait place est encore Dieu », une autre face de Dieu, le versant nord, celui que l'on pourrait aussi bien appeler « cela », ou « rien », ou « l'Ouvert »... Un Dieu qui n'est ni transcendant, ni immanent, car il est le tout, et partout entier. C'est le même postulat, celui de l'unité primitive, que l'on pourrait aussi bien nommer Dieu, ou rien. Les noms de Dieu (il y en a 99 en islam !) serviront de fils conducteurs à l'ouvrage.
Pour faire comprendre ce paradoxe, l'auteur a recours au vieil apologue de l'éléphant : les aveugles qui le touchent croient tour à tour qu'il s'agit d'un serpent (la trompe), d'une colonne (les pattes), d'une corde (la queue) ou d'une balayette (l'oreille). Mais celui qui le voit en entier le reconnaît comme un tout. Ainsi, chaque religion ne connaîtrait qu'un membre (Yahvé serait la queue et Allah l'oreille, ou l'inverse, si l'on préfère) et l'identifierait de manière incorrecte (l'un adorerait une corde et l'autre une balayette). Mais l'éléphant tout entier ne serait connu de personne.
Cet apologue va structurer le livre à la recherche de cette « face nord » qui réconcilierait tout le monde, croyants et incroyants, chrétiens, juifs et musulmans. Cette face nord, on l'aura compris, est celle des mystiques. Les mystiques de toutes les religions se rencontrent dans un même enseignement : l'unité du réel, qu'ils ont vécue dans une expérience fondatrice, sidérante. Et le Dieu qu'ils contemplent, l'éléphant dans son intégralité, correspond à la déité de maître Eckhart, à l'atman des hindous, ou, tout simplement, au réel. Les soufis l'ont reconnu et nommé Allah, mais ce n'est pas le même Allah que celui dont on criait le nom au Bataclan. Si Dieu est tout, c'est lui qu'il tue en mitraillant l'autre.
Toutes les religions en prennent pour leur grade dans cet essai, dès lors qu'elles versent dans l'intégrisme, mais en particulier l'islam — hors, bien sûr, celui des soufis. Tenté un moment par la conversion, Hervé Clerc en a été dissuadé par un ami qui avait sauté le pas et qui le regrettait. Pour autant, il se garde des jugements tranchés et refuse de rester « étranger » à l'islam — comme il le reproche, par exemple, à Claude Lévi-Strauss. L'Occident ne peut plus ignorer l'islam, car il y a en lui, estime l'auteur, une ouverture qui peut parler au chrétien comme au bouddhiste. « L'ère des religions closes est révolue » : à nous d'aller chercher en chacune d'elle, et dans la philosophie athée, les moments d'ouverture. Ils nous apprendront à voir l'éléphant dans sa totalité plutôt que d'enfermer dans des livres sanglants telle ou telle partie de son anatomie.
le propos est généreux, souvent convaincant, parfois étourdissant. le lecteur peut passer sur la même page de Bhradata à Platon, à Simone Weil puis à Thérèse d'Avila. le grand tout a parfois le dos large, mais sans cela, serait-il le grand tout ? Hervé Clerc se sent comme un humaniste de la renaissance : « on l'accusait de syncrétisme, panthéisme, concordisme, salade niçoise », mais il avait libéré la vérité de son carcan. le ton, surtout, est libéré des lourdeurs philosophiques ou théologiques pour adopter celui du conteur.
Si l'on accepte le postulat de base, quelques problèmes (pro-blêma, en grec : ce qui est jeté devant nous et qui fait obstacle...) éternels se résolvent comme d'eux-mêmes. Celui de la vie et de nos surcharges permanentes, par exemple : si nous habitons notre vie comme on habite une maison, à quoi servirait une maison « remplie à péter de briques et de ciment ». Et à quoi sert notre vie, encombrée d'affaires et de soucis ?
le problème du mal, également. En dehors du réel, il n'y a que l'apparence — la Mâyâ hindouiste. Les aveugles qui voient dans l'éléphant une corde ou une balayette en sont victimes. Et si Dieu est le réel, cela veut dire que le mal n'est qu'apparence, qu'il se déploie dans un entre-deux qui n'est ni être, ni non être. Dieu étant dépourvu d'attribut ne peut connaître le mal.
Et puis, le problème de la création, dont l'utilité n'est pas évidente, pour un Dieu omnipotent et omniscient. Si Dieu a créé le monde, répond Hervé Clerc, c'est pour se connaître, car l'oeil ne peut se voir lui-même. le monde est le miroir dans lequel il se contemple.
Sans oublier le problème de la perte de sens. Si le monde occidental est aujourd'hui vide de sens, après avoir proclamé la mort de Dieu, c'est peut-être parce que « ce qui croît, aujourd'hui, dans la désolation du monde, cachée par elle, est la face désertique de Dieu, libre de tout élément anthropomorphique », au même rythme que disparaît la face du Dieu d'Abraham, d'Isaac et de Jacob.
Et le problème qui déchire pour l'instant l'islam, qui porte en lui les deux versants de la montagne divine. « Quand l'islam est tout petit, il est compatible avec la démocratie, la laïcité, la liberté de penser, de se moquer, de blasphémer. Il passe à travers les murs. Il est chez lui partout. »
Tout cela est-il convaincant ? Intellectuellement, sans aucun doute. Et l'on sait gré à l'auteur de nous guider avec une telle fraîcheur, une telle clarté, par des apologues ou des aphorismes confondants, parmi les concepts les plus ardus de la philosophie et de la mystique. On voudrait croire que le mal n'est qu'une apparence, que la perte de sens est une expérience fondatrice et que l'islam est compatible avec la démocratie. Mais cela doit passer par une révélation, non par un raisonnement. Et la révélation, contrairement au bon sens de Descartes, n'est pas la chose la mieux répartie au monde...
L'athée se demande par ailleurs, si tout le mal vient du mot « Dieu » et de son ambivalence fondamentale, pourquoi il est si difficile d'y renoncer tout à fait. Certes, Hervé Clerc nous propose quelques autres termes, qui conviennent aussi bien à l'athée qu'au croyant, mais le plus employé reste bien le plus ambigu de tous, et celui qui a fait le plus de dégâts... Certes, c'est un premier pas encourageant, de nous inviter à appeler « Dieu » ce que nous nommons « cela » (ou « absolu », ou « GADLU », ou « Grand Peut-Être »...), mais le vrai pas serait de renoncer soi-même au mot « Dieu ». La volonté de résoudre certains problèmes qui ne concernent que le croyant (comme celui de la contemplation de Dieu dans sa création) impose un vocabulaire encore trop tenté de religieux. La perspective en reste faussée. Oui, je suis prêt à appeler « Dieu » — c'est un mot comme un autre — le réel ni transcendant, ni immanent qui nous entoure. Alors, admettons que le croyant soit prêt à appeler « réel » le Dieu auquel il a voué un culte millénaire. Les mains seront tendues, mais quand elles se serreront, il restera à mettre un nom sur « cela ».
http://www.jean-claude-bologne.com/lectures16.html#clerc
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312 pages qui auraient pu être résumées en 50....
Quelle est le fond du livre? comment appréhender Dieu et aller à sa découverte. Pas de conseils pragmatiques ou qui s'inspirent de nos existences, mais plutôt une accumulations de points de vue de différents religieux/philosophes/têtes pensantes de la spiritualité...
Ouvrage de vulgarisation qui se veut pédagogique.

- le plus : plein d'anecdotes intéressantes pour un lecteur plus ou moins vierge de savoir religieux et philosophiques.
- pas de jargons

- les moins :
manque de concision, beaucoup de blabla. "Je voudrais à présent brosser un tableau, non, plutôt faire un croquis, un petit croquis synthétique des deux grandes religions (...)" "Appelons-le, si vous le voulez bien, appelons-le pendant un moment, l'objet de notre recherche, cela" [perso, j'ai l'impression d'un gâchis de papier et d'encre... ]
- dans le fond : aucune originalité
- mal structuré
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Citations et extraits (7) Voir plus Ajouter une citation
« Dieu devient et passe », écrit Eckhart. L'étincelle, qui jaillit du foyer lumineux, disparait dans la nuit, mais le foyer lui-même ne devient pas, ne passe pas. Dieu peut être saisi, aimé, consommé : il passe. Mais la Déité est insaisissable, inconsommable et innommable : elle ne passe pas. Dieu et la Déité sont aussi différents l'un de l'autre que le ciel et la terre, dit maître Eckhart. Et c'est pourquoi il leur donne deux noms distincts. On ne désigne pas avec le même mot le ciel et la terre, le soleil et la lune, n'est-ce pas?
«Dieu n'apparaît que là où toutes les créatures le nomment, écrit encore Eckhart. Lorsque j'étais dans le fond et le tréfonds, dans le ruisseau et la source de la Déité, personne ne me demandait où je voulais aller ni ce que je faisais, parce qu'il n'y avait là personne pour m'interroger. Ce n'est qu'une fois écoulées au-dehors que toutes les créatures dirent : Dieu !» On s'écrie: Dieu! après, après seulement, quand on a été rattrapé par le ressac de l'existence et poussé au-dehors, dans le temps, rendu à la surface rugueuse des choses. Alors oui, cest vrai, parce qu'on n'est plus « dans le fond et le tréfonds », englouti, on s'écrie : Dieu! On s'écrie : Dieu ! parce qu'on existe à nouveau ; et Dieu, le pauvre bougre, si infiniment petit lui aussi, passant, léger, marginal, en comparaison de la Déité, est prisonnier avec nous dans le filet de I'existence. Quels regrets alors ! Alors oui, on s'écrie : Dieu ! parce qu'on n'a rien de mieux à faire qu'à crier et à appeler notre compagnon de détresse. On s'écrie: Dieu, où en sommes-nous, toi et moi? ou bien : Dieu, quelle chute! Mais il est trop tard déjà. Nous sommes pris au Verbe, et au fin maillage des mots qui traîne, étincelant, dans son sillage, et lui aussi, Dieu, est pris avec nous. On se prend la tête entre les mains, comme Adam chassé du paradis. Chute vertigineuse, rapetissement. Nous voilà définis, individualisés, incorporés, minuscules. Existants enfin.
Ce jour-là, l'homme est confondu, et quand il crie : Dieu ! ou : Dieu, sauve-moi! alors c'est sûr, il est loin, très loin de l'unité originelle. Il en allait autrement « dans le fond et le tréfonds » où il n'y avait pas le brouillard pluriel de l'existence, où il n'y avait pas Dieu et, en face de Dieu, comme dans un miroir, quelqu'un pour s'exclamer : Dieu! Il y avait une réalité sans mélange, sans qualité ni attribut : Gottheit. Pure simplicité, pure félicité, être pur.
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Nous pouvons avancer une autre raison forte et simple pour laquelle il serait impropre de dire que Dieu existe. Cette raison est que l'existence implique individuation, limitation, séparation, temporalité, tous caractères évidemment étrangers à l'idée de divinité, et qui lui sont même incompatibles. Dieu n'est pas à notre image, il est séparé de tout. Nous ne l'attraperons pas, ce poisson des grandes profondeurs, avec la ligne de l'existence, nous ne le ferons pas entrer dans nos filets. Trop petits, nos filets. Trop petit, notre esprit. Trop petits, nos concepts. Certes, mais alors sur quoi s'appuyer ? Comment progresser? Il faut chercher encore, avec ardeur.
En résumé, l'existence de Dieu ne saurait être considérée comme acquise, même pour un croyant. Elle ne va pas de soi. C'est nous qui tombons sous le coup de l'existence. Et encore, en sommes-nous bien sûrs ?
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À notre entrée dans le monde, dit Schopenhauer, nous chaussons des lunettes à double verre. Les deux verres sont interpénétrés. L'un est nommé «espace » et l'autre «temps ». L'expérience consiste à ôter les lunettes. Ce qui demeure est indicible. Ce n'est pas la mort, ce n'est pas la vie, ce n'est pas l'entre-deux. Ce n'est pas le néant. Ce n'est pas une perte, ce n'est pas une diminution (il est nécessaire, encore que l'on n'en ait guère envie, d'insister sur ce dernier point, tant sont nombreux les contresens). C'est juste le contraire bien sûr : le sage, dans sa sagesse, n'a pas moins de conscience, moins d'être et de béatitude - quelle absurdité serait alors la poursuite de la sagesse! Quels fous que ces sages !-, il en a infiniment plus.
La gouttelette, quand elle se confond avec la mer, n'est pas diminuée, elle est dilatée à l'infini.
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La déité gît dans le fond et le tréfonds de l'âme. Quand l'homme n'est plus « fixé au-dehors », qu'il n'est retenu par rien, aucun désir, aucune crainte, ni ombre ni image, tombe dans le tréfonds, dans la « nature originelle » de l'âme. Eckhart souligne le caractère nécessaire de cette chute en même temps que la félicité qui l'accompagne. Il met ainsi en évidence une loi de la mystique aussi fondamentale que la loi de la gravité en physique : si rien ne retient un homme, s'il n'est attaché à aucune propriété physique ou intellectuelle, à aucun savoir, aucune croyance, aucune réputation, aucune représentation, s'il est sans qualité, oublieux de lui-même, il tombe, c'est forcé, comme la pomme de Newton. Où tombe-t-il ? Dans la déité, qui est la face nord de Dieu.
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L'idée que Dieu, sans le miroir du monde, serait comme un trésor caché à ses propres yeux est surprenante. Dieu a besoin de la diversité, dans laquelle nous nous perdons, pour ne plus être, lui, perdu et plongé dans l'ignorance - « merveilleuse ignorance » certes, mais ignorance tout de même. À quoi sert un trésor s'il est caché? Qui jouira de son éclat? Il existerait donc, toujours si l'on suit cet enseignement singulier de l'islam, au sein de l'essence divine, un besoin, un élan ou une volonté de sortir de soi, de son prodigieux en soi, pour se connaitre. Cette volonté essentielle produit le temps, l'espace et, à la croisée des deux, cet enchaînement causal que nous appelons le "monde".
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