"On a permis à une jeune fille de quinze ans de vivre "constate le chirurgien militaire modestement. "Je découvre ici ce pour quoi je me suis engagé à dix-huit ans" rajoute
Patrick Clervoy, psychiatre engagé dans le cadre d'une mission militaire, durant dix semaines à l'hôpital de Kaboul en 2011, alors que la guerre en Afghanistan fait rage et qu'il nous en décrit la cruelle réalité dans son journal.
Témoignage de la violence quotidienne, du travail sans répit,du danger permanent entre pièges, attentats suicides et explosifs. Absurdité de la guerre qui ôte toute innocence à des enfants combattants. Urgences des corps à réparer, à amputer ou à rapatrier, car la mort est là au jour le jour. Fraternité des frères d'armes,cohésion du groupe.Dépassement de soi, sacrifice, bravoure (on pense à
Terre des hommes de
Saint-Exupéry car
Patrick Clervoy évoque l'humanisme des médecins qui se dévouent dans "le monde de brutes" des talibans).
C'est ce vécu d'une équipe médicale soudée, où les psychiatres apportent le "réconfort moral" aux Afghans, au personnel stressé et aux militaires traumatisés par les horreurs entrevues ("une paire de jambes est au sol") ou subies, écrasés par les responsabilités ou culpabilité due à des erreurs, angoissés par des obsessions ou des cauchemars répétitifs,paniqués par la peur, que nous conte ce psychiatre de l'extrême dont le défi est de "faire revenir à l'humanité" l'homme en détresse psychique.
"Mon Dieu donne nous la bravoure au combat" dit la prière du para. Mais s'il y a bravoure au combat, elle est aussi au sein du corps médical qui se démène dans l'indicible.
C'est une sacrée leçon de vie (d'humilité, de générosité) que nous donne
Patrick Clervoy, qui est tout sauf un "guerrier" et déplore que "dans les médias français aucun discours ne met en valeur le travail de nos soldats".
Le mal, il l'a vu chez ceux qui tuent. le bien il l'a vu aussi. "J'ai senti une force incroyable" les a félicités un imam lors de funérailles d'un homme carbonisé.
Et c'est cette force là qu'il veut nous transmettre à travers mots, une force qui fait que le bien doit dépasser le mal et sauver des vies plutôt que de les miner.
Dix semaines à Kaboul- Chroniques d'un médecin militaire est un livre fort, écrit de façon concise dont les mots chocs réveillent les consciences.
Un bref entretien, avec
Patrick Barbéris, clôt les chroniques sur le comment du pourquoi d'une telle mission.
Petit rappel
Patrick Clervoy est par ailleurs professeur de médecine, titulaire de la chaire de psychiatrie à l'Ecole du Val de Grâce et chef de service de psychiatrie à l'hôpital militaire Ste Anne de Toulon.
Il participera mardi 12/2 à une pause philo à la librairie Charlemagne de Toulon sous la houlette de la philosophe
Laurence Vanin-Verna.