j'étais ravi qu'il y eût un aborigène parmi nous, car je comptais lui poser d'innombrables questions sur la signification de l'art. Je fus bien déçu à cet égard, comme nous le verrons. Il en alla différemment pour mon collègue et vieil ami Antonio Beltrán, lorsque, à l'occasion du congrès de Darwin, en 1988, il fit une expédition dans le bush avec un aborigène appelé Murru Murru. Son expérience est édifiante sur les conclusions trop hâtives que l'on peut tirer d'œuvres d'art rupestre lorsque leur contexte est inconnu. Beltrán avait d'abord vu certains sites avec Murru Murru, qui lui avait donné quelques explications, avant d'y revenir peu après avec un groupe de congressistes. Parmi eux, une collègue féministe s'arrêta devant deux mains négatives peintes sur la paroi d'un abri. L'une, plus grande et de facture plus grossière, était située au-dessus de l'autre. Elle commença à les interpréter : « Il est évident que la main du haut, masculine, placée comme elle l'est au-dessus d'une main féminine, symbolise la domination de l'homme sur la femme ! » Beltrán lui dit gentiment que peut-être il serait mieux d'interroger l'aborigène, car il savait. On fit venir Murru Murru et on lui posa des questions sur ces mains. Il se mit en colère : « Oui, je sais ! Celle du haut est ratée. J'avais placé ma main trop haut. Si vous croyez que c'est facile ! Mais l'autre, que j'ai faite après, au-dessous, est bien mieux. » Une telle aventure enseigne la modestie en matière d’interprétations.
Jean Clottes et
David Lewis Williams : Les Chamanes de la
préhistoireDepuis le site préhistorique de Laugerie-Basse (Les Eyzies-de-Tayac-Sireuil, en Dordogne),
Olivier BARROT présente le livre "Les chamanes de la
préhistoire" de
Jean CLOTTES et
David LEWIS WILLIAMS, édité par LA MAISON DES ROCHES.
Images de
peintures rupestres.