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EAN : 9782213011455
421 pages
Fayard (21/04/1982)
3.94/5   27 notes
Résumé :
4° de couverture :
(Edition source : Fayard, Grande biographie - 08/1982)


Prince modèle de la Renaissance, Laurent le Magnifique donne le ton à l'Europe civilisée de la fin du XV° siècle. Homme politique, il dispose à Florence de tous les pouvoirs sous l'apparence d'institutions républicaines habilement vidées de leur contenu.

Banquier, il impose sa volonté aux souverains du monde en utilisant l'arme de l'argent par l'in... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Laurent le Magnifique (1449-1492) fait partie de ces "grands hommes" à la charnière du Moyen Âge et De La Renaissance qui fascinent, parce qu'il fut à la fois un responsable politique, le membre d'une famille liée à la finance, un mécène, un esthète et un écrivain. La ville de Florence dont il était le maître rayonna grâce à lui de mille feux et l'on doit dire qu'elle en avait les moyens car elle tirait en partie sa richesse de l'exploitation des mines d'alun de Sforza qui lui rapportait d'énormes profits qu'elle savait placer pour faire fructifier l'argent encaissé. La famille Médicis ou Medici était d'ailleurs bien placée car elle disposait d'un réseau bancaire très influent sur les places européennes, bien que son prestige commençât à décroître à Londres comme à Bruges.
L'homme politique et le prince qu'était Laurent ne connut pas toujours le succès : soutien des Orsini, contre les Colonna, il eut à lutter contre la toute-puissance des Pazzi - lutte dans laquelle son frère Julien laissa la vie -, mais aussi contre des ennemis tenaces comme Francesco Salviati, le cardinal Riario et le pape Sixte IV. Il dut aussi affronter des coalitions dans lesquelles on vit même entrer Ferdinand 1er de Naples et les Aragonais, et toutes ces guerres menacèrent ses territoires. Laurent de Médicis eut cependant toujours l'art de savoir retourner les situations et de rétablir les équilibres lorsqu'ils semblaient rompus, et c'est ainsi qu'il s'allia à son tour à Ferdinand de Naples contre le pape Innocent VIII.
Il n'était pas très beau et son surnom de "Magnifique" renvoie surtout à la faveur dont jouirent les artistes qui se placèrent sous sa protection et parmi lesquels on retiendra les noms de Vinci, de Botticelli et de Michel Ange. Formé à la pensée aristotélicienne aussi bien qu'à la philosophie platonicienne, il s'était lié avec des gens comme le théologien "néo-platonicien" Marsile Ficin, l'humaniste Pic de la Mirandole et le poète Ange Politien.
Mais ce goût pour l'art, et tout le raffinement et le luxe qui allaient de pair avec, furent bientôt la cible d'un moine dominicain du monastère San Marco, Girolamo Savonarole, qui s'érigea en juge par rapport aux excès commis selon lui par tous les Florentins fortunés. L'influence de ce dernier ne cessa de grandir, et Laurent de Médicis tenta de l'amadouer. En vain. On dit que le Magnifique aurait réclamé la présence du moine prêcheur à son chevet au moment de mourir mais que les conditions posées par celui-ci pour recevoir l'ultime confession de Laurent durent finalement décourager le moribond tant elles semblaient excéder les choses auxquelles un homme de pouvoir pouvait consentir.
La ville de Florence vécut avec le Magnifique les moments les plus exaltants de son histoire.
Ivan Cloulas a retracé les grands moments de cette histoire dans cette biographie de Laurent de Médicis, qui est écrite sans excès, ni dans l'éloge, ni dans le blâme.
François Sarindar, auteur de : Lawrence d'Arabie. Thomas Edward, cet inconnu (2010)
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Aucune des deux légendes sur l'origine des Médicis ne convainc. La première fait de « Médicis » un dérivé de « médecin », profession d'un ancêtre habitant la région du Mugello. Les boules héraldiques seraient des pilules – ou des ventouses. La seconde fait d'Averardo de Médicis le tueur d'un géant nommé Mugello. Les boules seraient les balles de fer de sa masse d'arme. On s'accorde toutefois à localiser leur origine dans le Mugello, au nord de Florence.

Depuis le XIIe siècle, on développe en Italie la lettre de change. Les réseaux de correspondants se sont développés. On commerce depuis son bureau, d'autant que les assurances des transports de marchandises se sont généralisées. Les banquiers fleurissent. Bien sûr l'Église interdit l'usure, mais le capital, placé dans des compagnies croît par le commerce international et les services bancaires (lettre de change, mise en place de prêts), surtout s'il tourne rapidement d'une place à l'autre. Les rendements et les dividendes sont meilleurs que ceux de l'immobilier (1000% certaines années…). C'est cet afflux d'argent qui explique les constructions de bâtiments, de palais…

Car Florence est aussi une puissance industrielle : on achète des draps grossiers en Champagne et de la laine d'Angleterre, on les affine et on les teint pour les revendre en tant que produits de luxe. Les métiers sont si nombreux et organisés qu'on les classes en 21 corporations.

Des Médicis apparaissent à des fonctions politiques à Florence dès 1201. En 1266, les Guelfs, partisans du pape, l'ont emporté sur les Gibelins, soutien de l'empereur. le Vatican, depuis, emprunte à Florence – d'autant que les banquiers de Sienne, Lucques et Pistoia ont fait faillite. L'économie est assez différente de la nôtre : en 1330, les recettes de la ville sont de 300 000 florins et les dépenses de… 120 000. Pas de dette, certes, mais, en cas de guerre, le trésor accumulé fond.

En attendant, les caisses sont pleines. Et les banquiers sont capables maintenant de prêter aux princes. C'est plus risqué, mais plus rentable. Ici, on parle, pour chaque prince, de centaines de milliers de florins – des chiffres comparables au budget de la ville… Si, le prince, comme, par exemple, le roi d'Angleterre, Édouard II, ne rembourse pas à temps, c'est la banqueroute (comme les Peruzzi, les Acciaiuoli, les Bardi au XIVe siècle).

Après la Peste noire de 1348-1350 qui décime les 2/3 de la populations, Florence se retrouve aussi populeuse que Londres et Séville, mais deux fois moins que Naples ou Venise. Les Alberti, Albizzi, Ricci, Strozzi, Soderini et les Médicis luttent pour réorganiser la ville. La politique est dominée par l'argent. Elle est complexe : Seigneurie qui organise les corporations, Conseils du peuple, Conseil de la commune, Conseil des Prud'hommes, gonfalonnier… Les Médicis voudraient se faire une place et s'allient aux popolani, les petits métiers, le peuple. Ça marche : en plaidant leur cause, ils intègrent les hautes sphères politiques. Mais leurs tentatives de démocratiser le pouvoir laissent des aigreurs : après 1360, ils sont exécutés, bannis.

En 1400, les Médicis sont donc devenus rares à Florence. Mais Giovanni – dit Jean de Bicci – semble être aussi malin qu'entreprenant. Il fait un bon mariage et devient actionnaire de la succursale de son oncle, à Rome, qu'il transfère à Florence, en 1397. C'est l'acte de naissance de la banque des Médicis.

Depuis Rome, il capte les dépôts des pèlerins, ambassadeurs, prélats, et les place en transaction à Florence et dans l'export dans sa filiale de Venise. Banquier et marchand.

Puis producteur. Il rachète à Florence deux fabriques de draps, l'une mise au nom de son premier fils, Côme, l'autre à celui du second, Lorenzo. 17 employés pour le consortium, mais 20 000 florins de capital. L'évolution de l'imposition de Jean révèle son enrichissement : 14 florins en 1394, loin derrière les riches familles de Florence ; 397 florins en 1427, troisième revenu de la ville.

Laurent communiquera la fortune de Jean à sa mort, en 1429 : 180 000 florins. Et il a évidemment occupé de hautes fonctions. En 1421, il est devenu gonfalonier de Justice, la plus haute.

En 1414, Florence avait été assez puissante pour organiser un concile. Il s'agissait de dénoncer l'antipape, mais on en élit un troisième. Fait prisonnier, c'est Jean de Médicis qui paie sa rançon : 35 000 florins – et qui organise la négociation de sa soumission au pape. Depuis, nouvelle source de revenus directs, ce n'est plus Florence en général, mais les Médicis en particulier qui financent le Vatican. Jean de Bicci meurt en 1429. Côme reprend. Il a 40 ans.

Florence, alors, c'est 11 000 km2, un territoire qui s'étend jusqu'à Pise, et 72 banquiers. Malgré ses revenus confortable, la ville est endettée de 12 millions. À cause de la guerre avec Milan. C'est Jean, en tant que récipiendaire de la confiance du peuple, qui a fait passer un impôt supplémentaire auprès de l'oligarchie florentine. le désordre en Europe ne favorise pas les affaires : Jeanne d'Arc est brûlée en 1431, Lucques, florentine, est perdue contre le duc de Milan, Sforza, et s'allie à Gênes et Sienne contre Florence, et l'empereur s'en mêle directement en déboulant à Milan et à Rome. La paix de Ferrare entre les villes italiennes, en 1433, limite l'hémorragie. C'est Côme qui prend : il est condamné à l'exil, et tous les Médicis sont à nouveau chassés. Un an plus tard, le parti « Médicis » revient. Pour consolider son pouvoir, Côme travaille à les concentrer : En 1459 […] Côme contrôle, par l'intermédiaire de ses fidèles, tous les rouages de l'État ».

Après la victoire de Florence contre Milan en 1440, Côme s'allie à Sforza de Milan et calme Venise. le roi de France se joint à l'alliance. La paix revient en Italie après l'appel à l'union de Pie II qui s'inquiète de l'invasion de Constantinople par Mehmet II : Venise, Naples, Milan, Florence et Rome signent une trêve pour 25 ans. Et l'exode des manuscrits et des savants fait connaître Platon et naître l'humanisme en Toscane – surtout quand Côme charge Marsile Ficin de le traduire et de le commenter à plein temps.

Il meurt en 1464 mais laisse un immense palais, une ouverture fabuleuse dans les fonctions politiques à ses descendants, et une banque agrandie par des comptoirs à Bruges, Londres, Genève (puis Lyon après l'institution de ses foires) et Avignon. le capital est passé à près de 75 000 florins et les affaires en rapportent 20 000 par an depuis 15 ans… belle rentabilité… La collection d'art de Côme est estimée à elle seule à près de 30 000 florins.

Son fils, Pierre, à 48 ans, hérite de tout : biens, palais – et direction de l'entreprise. Laurent, son fils à lui, a 15 ans. Julien, son cadet, en a 11. Pierre a aussi deux filles aînées, de 19 et 16 ans.

Laurent grandit dans un milieu hautement artistique et intellectuel. On le charge d'ambassades extraordinaires à Milan, à Rome. En 1464, il obtient avec son oncle d'entrer au capital de la société d'extraction de l'alun contrôlée par le Vatican dont ils écoulent l'essentiel de la production en Europe. Comme pour les étoffes, après négociation avec le pape, ils entrent au capital de l'appareil productif : « les Médicis ont arraché le marché du siècle ».

Depuis quelques années, leur alliance avec Milan et la France est renforcée : ils financent Milan ; et Louis XI, qui a besoin d'un banquier solide, choisit les Médicis : il les autorise à faire figurer la fleur de lys sur leurs armes. Mais Sforza meurt. Il faut renforcer l'alliance avec Naples. Laurent y négocie avec succès un accord commercial et obtient de devenir, aussi, le banquier exclusif de Ferrante.

À Florence, on fomente contre les Médicis. Ils ont trop de pouvoir et en privent les autres. Pierre craint d'être enlevé. Les partis prennent position. Les élections approchent. Pour anticiper les heurts, Pierre demande à Ferrare de faire approcher une petite armée. Mais les élections sont un tirage au sort. Il est, par hasard, entièrement favorable aux Médicis. Des mesures sont prises pour bannir les fomenteurs qui se seraient engagés un peu au-delà de ce qu'autorisent les règles politiques légales.

Le calme revient et permet à Laurent de compléter les 108 sonnets de ses Canzoniere. À l'époque, il faut une dame à courtiser, chastement. Cela, afin d'exonérer l'objet de la pureté de son amour des viles dépravations de la chair – dont profitent d'autres créatures moins publiquement mises en valeur. Mais la santé déclinante de Pierre précipite les fiançailles de Laurent avec Clarice Orsini, en 1467 : « Les Orsini forment avec les Colonna, leurs rivaux, la plus haute aristocratie romaine ». L'argent des Médicis et la noblesse des Orsini présagent d'heureuses perspectives. Quoique les Orsini ne soient pas vraiment à la rue : avec 6 000 florins, Clarice est 8 fois plus dotée que la mère de Jean Bicci.

Mais, en 1469, à la fête de ses vingt ans, le costume, à lui tout seul, que porte Laurent en coûte près de deux fois plus : 10 000. le roi de Naples a offert le cheval, et le roi de France le bouclier, aux armes de France. Laurent a vingt ans. Et rien que pour cela, on le nomme « le magnifique ». C'est dur la vie quand on est un Médicis.

La fête est aussi l'occasion d'asseoir la puissance Médicis après la victoire de Pierre, mais aussi, puisque ce dernier s'éteint déjà, celle de Laurent à venir. Installer l'idée majestueuse d'une nouvelle ère en train.

Passons sur la fête de mariage de Laurent : comme on imagine, on n'y manque de rien. Puis Laurent devient le parrain du petit héritier du duché de Milan. Puis c'est le pape, Paul II, qui fait des siennes et entend occuper pour Venise, Remini. Voilà la paix italienne rompue. Et huit mois après son mariage, Laurent enterre son père. C'est maintenant lui l'héritier.

Justement, après la menace de dislocation de l'alliance avec Naples du fait de l'occupation de Rimini, c'est maintenant la révolte du Prato qui crée des remous à Florence. C'est qu'on y décapite. Florence veut se renforcer : les mesures de 1472 concentrent plus encore le pouvoir autour des Médicis que le tirage au sort de 1466. Et les Pazzi deviennent ultra minoritaires.

En revanche, côté finance, ça se gâte. Les Médicis ont trop prêté : au duc de Milan, à Charles le Téméraire, aux marchands de Venise, au roi d'Angleterre… Même le monopole de l'alun qui s'est encore accru de la production napolitaine et de la confirmation d'exclusivité d'achat de la Bourgogne ne suffit plus. Les Médicis retirent leur capital de Londres et laissent les associés récupérer les dettes que le roi d'Angleterre ne rembourse pas ; et même, ne fait qu'accroître.

En 1473, les Médicis perdent un navire d'alun et Charles le Téméraire autorise la concurrence de sa vente en Bourgogne. Celui-ci, après ses deux défaites suisses, devient en plus insolvable – surtout qu'il meurt à Nancy en 1477. Si la filiale est en faillite, c'est la banque toute entière qui risque la ruine ! Les associés tentent bien de faire reconnaître la dette de Charles à sa fille et héritière de Bourgogne Marie, ainsi qu'à son époux, l'empereur – mais eux-mêmes sont à sec. Ils obtiennent même un nouveau prêt de la filiale des Médicis ! – qui décide, prudemment, de la liquider.

Du coup, Laurent est sur les nerfs. Et quand la ville florentine de Volterra demande une réévaluation de la redevance accordée par Florence pour l'exploitation de la concession de son site minier, car elle y a découvert un prometteur gisement d'alun, il se braque. le site est occupé. Il envoie des troupes. le tout finit en pillage systématique de la ville, en sa soumission totale à Florence qui s'approprie sa mine. Un peu brutal peut-être ? Et le tout, en plus a coûté, 200 000 florins…

Laurent est meilleur quand il s'agit de parader, d'organiser des fêtes, de briller, de faire des cadeaux – comme à l'occasion de la venue du duc Sforza de Milan – afin de renforcer une alliance avec lui – qui négocie en douce avec la Bourgogne contre la France, grande alliée des Médicis, au point que Louis XI a conféré à Laurent les titres de conseiller et de grand chambellan – et pendant que Julien de Médicis est en visite à Venise, grande ennemie de Milan, pour voir si, tout de même, on ne pourrait pas s'arranger. Voilà. C'est beau les cadeaux, ça en met plein les yeux – mais côté authenticité de l'engagement, on repassera. Pas facile la diplomatie du Nord italien de ces années-là.

Ou bien quand il rend visite au nouveau pape, Sixte IV, qui lui offre des bustes en marbre et à qui il remet de nombreux objets d'arts. On finit par se dire que l'Italie regorge tellement d'oeuvres d'art qu'on les partage comme ailleurs des chopes de bière et que cela ne signifie pas davantage – malgré les apparences. D'ailleurs, Sixte IV nomme 34 cardinaux mais omet, c'est bête, Julien de Médicis comme l'avait demandé Laurent. Comme quoi, c'est toujours pareil : on paie, on paie, et on n'a jamais rien en retour.

En plus, tout périclite en 1474 : l'ambitieux Sixte IV veut étendre un peu trop brutalement le territoire de sa famille. Pour marquer son mécontentement, Laurent envoie 6 000 hommes et forme une alliance avec Milan et Venise. Là encore, on pourrait suggérer un manque de diplomatie : les liens avec le pape, son grand créancier, sont rompus – qui signe une alliance avec Naples. En 1474, les Pazzi remplacent les Médicis comme banquiers officiels de Rome. Et en 1476, prétextant de faibles ventes d'alun en Europe, le pape dénonce le monopole accordé aux Florentins. Entre-temps, en 1475, « il déclara publiquement qu'il ne créerait pas de cardinal florentin ». Ça, c'est pour Julien. Ben voilà. Manque de diplomatie, on l'avait dit !

En plus, la crise s'installe aussi avec l'alliée de Florence : Sforza est assassiné à Milan.

Heureusement, il y a les arts. Laurent conserve à Marsile de Ficin l'intérêt que lui avait accordé son père. Il déménage l'université de Florence à Pise pour réveiller la ville déclinante et favorise ses ateliers d'artistes – où débutent Botticelli et Leonardo, « fils naturel du notaire Piero da Vinci ».

La perte du monopole de l'alun au profit des Pazzi déclenche des mesures de rétorsions des Médicis. D'abord, ceux-ci accusent les Pazzi de trahison pour avoir prêté l'argent qui servit au pape à acheter un territoire florentin – argent que les Médicis avaient, justement, refusé de prêter. Sans résultat, on fait voter un décret rétroactif qui, en cas d'absence de testament, donne l'héritage au parent mâle le plus proche du défunt, quitte à en priver ses filles. Comme par hasard, le cas vient de se produire. Les filles étaient pro-Pazzi – et le plus proche parent mâle pro-Médicis. C'est lui qui hérite. Pas très malin, ça, comme opération… Ça énerve, en général.

Décidément maladroit, Laurent organise un petit coup monté : il s'agit de provoquer le soulèvement de Sienne pour que celle-ci demande à Florence son concours – qui le lui prêtera bien volontiers contre sa soumission. La manoeuvre étant éventée, Sienne se tourne… vers Naples et Rome, les ennemis de Florence… Non, vraiment, la diplomatie n'est pas le fort de Laurent… Heureusement survient une crise qui va, malgré sa gestion contestable, lui donner, tragiquement, toute légitimité : la conjuration des Pazzi.

Il faut toute l'année 1477 pour le monter. C'est le vieux Jacopo Pazzi qui s'en charge. Il s'agit d'avoir l'aval du pape. Celui-ci le répète : il ne veut la mort de personne. Mais il charge son condottière, Montesecco, des aspects opérationnels – lequel rapporte à Pazzi que c'est le pape qui a communiqué l'idée du double assassinat… Pazzi se laisse convaincre qu'il faut tuer les deux : Laurent et Julien.

Après quelques guet-apens ratés, le coup est prévu dans la cathédrale Santa Maria del Fiore. Francesco Pazzi et Bernardo Bandini (un aventurier) doivent poignarder Laurent, et le condottière du pape, Montesecco, Laurent. Ici, on se demande pourquoi on n'a pas penser à engager des hommes de main ?...

La mort de Julien, le 25 avril 1478, est poignante et le récit, qui tient en 5 pages, est trépidant. Mais on s'étonne de la naïveté de la préparation : les assassins sont les commanditaires (le condottière du pape, un archevêque et le neveu des Pazzi) – ils n'ont ni solution de repli, ni filet – changent les plans le jour-même – frappent la cible (Laurent) après son acolyte (Julien) – ne connaissent pas les lieux de la Seigneurie d'où ils prétendent faire un putsch – veulent faire un putsch contre les Médicis qui sont alliés à la population en expliquant, si la conjuration marche, à la population, du haut de la Seigneurie, qu'un archevêque prend le pouvoir après que ses complice ont tué leur prince, un Médicis – assassiné par des prêtres – dans la cathédrale… Si quelqu'un comprend en quoi il a fallu un an pour préparer un fiasco pareil…

Les assassins (les deux prêtres, l'archevêque, le neveu Pazzi) sont immédiatement pendus, sauf l'aventurier qui sera extradé et pendu un an après. Beaucoup d'alliés des Pazzi sont lynchés, bannis, décapités… y compris le vieux Jacopo Pazzi qui a tout organisé, et qui sera enterré, exhumé, réenfoui ailleurs, déterré, démembré, jeté au fleuve… et l'armée que le pape avait avancée pour clore l'affaire est priée de faire demi-tour…

L'Europe dénonce unanimement les agissements du pape – qui ne désarme pas. Ce que quand on est dans son tort, en général, on a tendance à se braquer… Et ce n'est qu'en décembre 1480 que la paix revient en Italie. Laurent est resté le maître et a encore accru ses pouvoirs. Les guéguerres se poursuivent entre Venise, le pape, Florence, en particulier autour de Ferrare. Laurent préfère discuter avec son nouvel ami, Pic de la Mirandole. Il meurt le 8 avril 1492 dans sa villa de Careggi.

2 ans plus tard, Pierre de Médicis déclare la capitulation de Florence devant l'armée de Charles VIII. Les Médicis sont bannis et leurs biens pillés. Puis arrive Savonarole. Changement d'atmosphère. Début 1495, le roi de France est à Naples. Il repart aussi vite qu'il est venu : tout redevient italien 6 mois plus tard. Et en 1498, Savonarole est pendu.

Mais, sous l'influence du cardinal Jean, fils de Laurent – qui devient Léon X l'année suivante –, les Médicis reviennent en 1512. Les lois républicaines instaurées en 1494 sont abolies.

Léon X Il charge Michel Ange d'établir une nécropole pour Laurent et Julien, mais les travaux n'aboutiront pas. La suite est une autre histoire.

***********************************

Les débuts de l'épopée Médicis sont passionnants : ils évoquent la montée en puissance d'une famille. Les détails sur le fonctionnement de la banque sont apportés par des registres complets et nombreux. le moment phare de la biographie est l'étrange conjuration catastrophique des Pazzi. Regret que les évolutions de la banque aient été mises de côté ensuite : comment, privés de l'alun et de l'exclusivité du pape, les Médicis ont-ils maintenu leur niveau d'activité ? Comment ont-ils soutenu durant deux années, le commerce étant désorganisé, la lutte contre le pape ? La fin de la biographie hésite entre la situation politique italienne et l'analyse stylistique des poésies de Laurent, qui ont moins retenu mon attention. Il m'apparaît que la principale qualité de Laurent aura été d'être un héritier très bien né... et d'avoir un surnom engageant... pour le reste, il paraît avoir
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[5] Mis en présence [du gonfalonier] Petrucci, l'archevêque se troubla et ne sut que prononcer des paroles confuses. Il se tournait sans cesse vers la porte par laquelle il espérait que sa suite allait faire irruption. Le gonfalonier comprit rapidement qu'il y avait là quelque chose d'anomal. Il sortit dans le couloir de circulation et cria pour prévenir ses collègues et leurs serviteurs. Il se heurta à Jacopo Bracciolini [...] Sa présence suspecte confirma les soupçons du gonfalonier qui sauta sur lui pour l'empêcher de tirer son épée, le prit par les cheveux et le fit tournoyer sur lui-même. Les serviteurs et les prieurs arrivaient. Ils s'étaient munis, en guise d'armes, de ce qu'ils avaient trouvé aux cuisines, des couteux et des broches. L'archevêque fut ligoté en même temps que Bracciolini. Très expéditif de tempérament, le gonfalonier, d'accord avec les prieurs, fit barricader les portes de l'étage. Les Pérugins enfermés dans la chancellerie et la poignée d'hommes qui venait de monter du rez-de-chaussée furent immédiatement poignardés ou jetés vivants par les fenêtres. L'archevêque, son frère, son cousin et Bracciolini se balancèrent bientôt dans le vide, pendus aux grandes croisées.
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[1] La stupeur des conjurés fut grande : Julien ne venait pas. Ses deux assassins désignés sortirent alors pour aller le chercher au palais proche. En plaisantant et en le flattant ils le décidèrent à venir. Le jeune Médicis s'était habillé légèrement. Il ne portait pas de dague afin de ne pas heurter sa jambe blessée. Sous un prétexte amical, Francesco [Pazzi] tâta sa poitrine pour s'assurer qu'il n'était pas protégé par une cotte de mailles. Julien s'étonnait un peu : il connaissait l'inimitié des Pazzi. Mais, croyant que la venue du cardinal Riario annonçait une paix prochaine, il se laissa entraîner dans le chœur sans méfiance. L'"ite Missa est" du prêtre tomba soudain sur la foule [le signal]. Les deux Médicis se mirent en route vers la sortie. Julien était devant la chapelle de la Croix lorsque, rapide comme l'éclair, une lame surgit du pourpoint de Bernardo Bandini et plongea dans sa poitrine.Titubant, le jeune Médicis s'écroula. Francesco Pazzi se précipita alors comme un furieux sur la victime étendue et le frappa de tant de coups [20] et avec une telle violence désordonnée qu'il se blesse lui-même gravement à la jambe. Julien était déjà mort que, de l'autre côté du chœur, Laurent se débattait entre les deux prêtres désignés pour l'exécuter.
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[2] Antonio Maffei avait mis la main sur l'épaule de sa victime avant de le frapper. Ce geste, en une fraction de seconde, permit à Laurent de se détourner. Le poignard le blessa au cou sans l'atteindre gravement. Se dégageant des mains des deux prêtres, il enveloppa son bras gauche de son manteau pour parer les cours, tira son épée, sauta par-dessus la clôture du chœur, et, passant devant le maître-autel, se réfugia, entouré de ses eux familiers Antonio et Lorenzo Cavalcanti, dans la nouvelle sacristie. Politien et d'autres amis fermèrent sur lui la lourde porte de bronze. [...] sa retraite dans la sacristie hermétiquement close avait sauvé Laurent. Comme on craignait que le poignard du prêtre n'ait été empoisonné, Antonio Ridolfi se dévoua pour sucer la blessure et aspirer le venin qui aurait pu s'y trouver. Un petit pansement improvisé suffit à arrêter le sang.
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[4] L'archevêque Salviati et Jacopo Bracciolini avaient été chargés de s'emparer de l'édifice communal pendant que se déroulait l'attentat à la cathédrale. Ils devaient chasser les prieurs, instaurer un gouvernement insurrectionnel et le faire acclamer par la foule. Le début de l'action s'était déroulé comme prévu. [...] L'archevêque [...] monta les degrés vers l'étage noble disant qu'il avait à remettre un message urgent du pape à la Seigneurie. [...] Le prélat [...] se rendit seul vers la chambre où le gonfalonier devait le recevoir. En sortant, il avait poussé la porte de la chancellerie et enfermé son escorte sans y prendre garde : en effet la serrure de la pièce se fermait automatiquement et on ne pouvait entrer ou sortir qu'en utilisant une clé.
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[3] Bandini, brusquement saisi d'une peur panique en constatant l'éche de l'entreprise, était monté à cheval et, ventre à terre, avait gagné les frontières de l'État. Il devait poursuivre sa route jusqu'à Constantinople pour chercher un refuge qui se révéla précaire : Laurent obtint sa remise par Mahomet II en 1479 [l'année suivante], et il fut pendu le 29 décembre aux fenêtres du Bargello, où Léonard de Vinci l'observa et en fit un croquis.
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