Les dites grandes Halles d'avant se chargeaient d'une sommes d'énergies et de polarités contraires comme le ferait de façon intense et positive une immense pile solaire. Vitale. Virale. Produisant chaque jour de la vie plus que partout ailleurs. Sidérales, sidérantes comme un astre vivant. (p. 43)
Lieu magique ! Voici les halles ! (...) On s'y injuriait comme des charretiers. On y fraternisait d'une tape sur le dos, bien au-delà d'une babel des langues et des patois. Les gestes et les tâches à faire suffisaient à se faire comprendre. Le boulot débordait largement sur les rues. Un temps, il n'y eut qu'à se baisser pour en trouver. Tout se faisait à la main. A traction des bras, du dos et des jarrets. (p. 11)
Le boucher, le charcutier, le tripier ne faisaient pas le même métier.
"Faut pas te faire d'illusions, p'tite tête... La cloche, c'est aussi sérieux qu'un sacerdoce. Avant d'y entrer, on doit passer par le séminaire. C'est aux Halles que ça se fait..." (p. 262 / Robert Giraud, "le peuple des berges" )
En toute occasion le rouge est un gris-gris qui passe-partout. Robert Giraud, Le vin des rues.
La vraie pauvreté s'invite maladivement. les pauvres encore plus salement.
L'humaine condition ne savait pas durer dans ses rêves. Tout au contraire, la haine revenait traîner au bord du bivouac. Les hyènes ont toujours un temps d'avance.
Je ne peux qu'en venir à Calaferte. A ce qu'il dit alors de son engagement, dans la préface de son -Requiem- (...)
" Il y a juste six ans, mars 1950, j'écrivais ce livre. J'habitais alors une minuscule chambre d'hôtel, sous les combles de Paris. Je crevais de faim. Le jour, je vendais des journaux, la nuit j'écrivais. Sans espoir. sans aucun espoir; (...) " Au sortir de la guerre, des auteurs singuliers se saisissant d'un faisceau de forces à capter, usèrent d'un réalisme à l'arraché. souvent aux mêmes conditions d'invincibilité que seule sait donner ou capter la jeunesse. Une sorte de grand mouvement intérieur vit le jour, celui d'un engagement absolu. Il tendait vers plus de vérité. d'où une riche foison de talents nés de cette exigence. que ce soit chez Violette Leduc ou chez Robert Giraud, la part d'eux-même est majorée, souvent revenue de loin, sans concession et sans posture. (p.99)
Cendrars est reconnu et admiré par la génération montante... (...) Il a vite fait de vous renvoyer dans les cordes. Mais là le partage est entier. Il avait été l'ami des plus grands, lui-même intercesseur majeur d'une renaissance de l'écriture et de la poésie aux premiers jours du siècle. [...]
Il avait déjà vécu au moins sept vies entières, traversé le monde plus que quiconque. Mais ces années le laissaient bien sérieusement amoché, il venait de perdre son fils aviateur et habitait en face des hauts murs de la prison de la Santé. (...)
"Je suis un déclassé, un transplanté, et la déformation professionnelle et aussi la fatigue de l'écrivain qui exerce un métier esquintant , me pousse au noir, pour ne pas dire d'un pessimisme systématique. Sur le plan social, je n'ai pas la foi, j'en ai trop vu. "[ La Banlieue de Paris, Denoël, 1983] (p. 87)
Ce qui les relia fortement et fit naître même d'un tel assemblage, comme on le dit d'un vin, c'est que ces rares écrivains se retrouvèrent au sortir de la guerre, autour d'un périmètre restreint. L' assidue fréquentation des comptoirs du centre leur servant d'encrier.