La panthère noire All-new All-different, tome 5

Ce tome fait suite à La panthère noire All-new All-different T04 (épisodes 13 à 18) qu'il faut avoir lu avant. Il comprend les épisodes 166 à 172 (il s'agit de la suite immédiate des autres, mais après une renumérotation), initialement parus en 2017/2018, tous écrits par Ta-Nehisi Coates. Leonard Kirk a dessiné et encré les épisodes 166, 167, 169 à 172, avec l'aide à l'encrage de Marc Deering (épisodes 166 et 172), et Walden Wong (épisode 172). La mise en couleurs a été réalisée par Laura Martin, avec l'aide de Matt Milla pour les épisodes 167 et 172. L'épisode 168 a été dessiné par Chris Sprouse, encré par Karl Story avec l'aide de Walden Wong, et mis en couleurs par Matt Milla avec l'aide de Chris Sotomayor. Les couvertures ont été réalisées par Brian Stelfreeze (épisodes 166 à 169 & 171), Phil Noto (épisode 170) et Chris Sprouse & Karl Story (épisode 172). Il comprend également les couvertures variantes réalisées par Ryan Sook, Chip Zdarsky, Jenny Frison, Mike McKone, Wes Craig, Ken Lashley, Marco Chechetto, Marcos Martin, Pasqual Ferry. Il se termine avec une interview croisée de 2 pages entre Ta-Nehisi Coates et Ryan Coogler le réalisateur du film Black Panther (2018).

Épisode 166 - Ulysses Klaue (Klaw) se souvient de sa soeur Julia quand elle était internée dans un établissement spécialisé à Anvers. Au temps présent il attaque une base de l'AIM (Advanced Idea Mechanics) située en Alaska, pour s'emparer de leurs réserves de Reverbium, un métal de synthèse. Puis il revient dans la base d'Hydra située dans la cité d'Yster Pal en Azanie Centrale, une nation ennemie du Wakanda. Épisodes 167 à 172 - Aja-Adanna (Shuri) vient trouver le docteur Eliot Franklin (Thunderball) dans sa cellule. Elle lui fait observer la gravité mais aussi le drame de sa situation, indiquant que le pouvoir sans discipline s'apparente à de l'esclavage. Elle lui propose de travailler pour T'Challa. Manifold les téléporte directement dans la salle de commandement du roi du Wakanda. Ce dernier effectue une synthèse des faits connus : l'essai de synthèse du vibranium par Sajani Jaffrey ce qui a abouti à l'élément de synthèse Reverbium, l'appropriation d'un stock de Reverbium par Klaw qui travaille pour la nation Azanie, l'apparition de créatures d'essence divine sur le territoire du Wakanda.

Après cette réunion d'information, T'Challa rejoint Djalia pour échanger avec elle au coin du feu, sur le degré de confiance qu'il est possible d'accorder à Eliot Franklin. Puis Aja-Adanna conjure la présence de l'esprit de sa mère pour qu'elle évoque les origines des dieux du Wakanda : Bast, Mujaji, Kokou, Ptah, Thoth. Ailleurs une bonne soeur en appelle à la mansuétude de la reine-mère Ramonda pour dépêcher un commando afin d'aller sauver les 2 Dora-Milaje (Aneka & Ayo) prisonnières d'Hydra. La reine-mère lui explique la complexité de la situation diplomatique et l'impossibilité d'intervenir de front. À bord de son vaisseau, après avoir consulté la reine-mère, Black Panther arrive à l'ancien lac Nyanza qui est maintenant une zone désertique. Mais son vaisseau et le deuxième sont attaqués par une colonne de sable qui les endommage les rendant impropres au vol autonome. Essayant tant bien que mal de reprendre leur souffle après cet atterrissage catastrophe, ils doivent lutter contre une horde d'Originators, conjurés par Ras (Asira Davin).

Après une première saison (tomes 1 à 3) se focalisant sur la question de la gouvernance, Ta-Nehisi Coates avait commencé à aborder la question de la religion dans le tome précédent. Il l'avait fait en respectant les conventions d'un comics de superhéros, ce qu'il continue à faire dans cette deuxième partie. Il commence par consacrer un épisode au supercriminel Klaw pour établir sa motivation et l'étendue de ses pouvoirs. Par la suite, Black Panther affronte des hordes de créatures démoniaques. Il fait alliance avec un ex-supercriminel. Il bénéficie de l'aide de Storm. Il se bat également contre une branche d'Hydra qui opère depuis une nation voisine (l'Azanie), comptant parmi ses membres Zeke Stane, Sasha Hammer, Docteur Faustus (Johann Fennhoff) et Zenzi. Chaque épisode contient son quota d'affrontement physiques, que ce soit avec usage de superpouvoirs (pour Klaw), avec apparitions magiques (les créatures appelées Originators), ou une extraordinaire mission d'évasion. Comme pour le tome précédent, le lecteur apprécie la maîtrise d'écriture de l'auteur pour le média de la bande dessinée. L'épisode consacré à Klaw se lit tout seul avec une quantité parfaitement maîtrisée de textes, et des séquences d'action en quantité suffisante. Pour ces 7 épisodes, Ta-Nehisi Coates conserve à l'esprit que les comics sont un média visuel, requérant un mode d'écriture qui donne à voir les choses, et qui conserve un bon équilibre entre informations visuelles et informations délivrées par les dialogues ou les cartouches de texte.

De fait, chaque épisode se lit rapidement, présentant un bon rythme narratif. Si le lecteur n'en est pas entièrement convaincu, l'épisode 169 finit par emporter sa conviction, avec une scène d'évasion menée tambour battant, sans aucun dialogue, aucune cellule de texte car Klaw a fait usage de ses pouvoirs ce qui neutralise toutes les ondes sonores. le lecteur se retrouve happé par cette séquence de 15 pages, réglée comme du papier à musique, avec une tension narrative soutenue. Leonard Kirk qui met en images cette séquence est un nouveau venu dans la série, et un artiste vétéran pour Marvel, par exemple sur de James Robinson ou Agents of Atlas de Jeff Parker. de manière surprenante, le lecteur ne ressent pas de solution de continuité sur le plan visuel, entre ces épisodes et les précédents, Kirk s'étant coulé dans le moule de ces prédécesseurs. Il réalise des pages comprenant entre 4 et 6 cases, alternant les compositions avec des cases juxtaposées en bande, et des cases superposées de la largeur de la page, conservant un bon degré de détails dans ses dessins. Cet artiste est un habitué des comics de superhéros dont il maîtrise les codes visuels. Les personnages en costume (Black Panther, Klaw) ont des musculatures bien découplées (plus importante pour Thunderball) mais qui restent plausibles. Les civils ont des silhouettes élancées, mais à la musculature normale.

Comme tous les dessinateurs de comics, Leonard Kirk connait les trucs et astuces pour s'économiser, en particulier en s'évitant de dessiner les décors. Il en représente plusieurs bien sûr, ne serait-ce que pour établir où se déroule chaque séquence, comme le jardin de l'asile à Anvers, l'intérieur de la base de l'AIM, l'intérieur de celle d'Hydra, la salle de commandement de T'Challa, l'intérieur de la cellule de Tetu, ou encore la chambre d'hôtel de T'Challa. Néanmoins, s'il y prête attention, le lecteur se rend compte que lors de l'affrontement physique qui se déroule sur les 2 derniers épisodes, l'artiste ne représente aucun décor, car il a lieu dans une zone désertique. Pourtant cela n'a pas de conséquence sur sa qualité d'immersion car Kirk sait montrer la logique des déplacements des personnages, la pyrotechnie qui accompagne l'utilisation des superpouvoirs, la force des coups portés. Il est bien aidé par la mise en couleurs de Laura Martin qui habille les dessins avec des camaïeux denses et cohérents. du coup, cette narration visuelle s'inscrit dans le genre superhéros tout en apportant l'énergie et le souffle nécessaire pour faire vivre le scénario. Pour son épisode, Chris Sprouse représente plus de détails que Leonard Kirk, mais réalise une mise en scène un peu plus plate que lui, avec plus de cases comprenant uniquement des têtes en train de parler. Là encore s'il n'y prête pas attention, le lecteur peut ne pas se rendre compte du changement de dessinateur.

Le lecteur se laisse donc emporter dans ce récit de superhéros très dynamique et très riche. Il prend connaissance de l'histoire des dieux du Wakanda, comme il a pu déjà découvrir de nombreux panthéons dans les récits de superhéros. Il regarde Thunderball accepter de se ranger auprès de Black Panther. Il suit avec plaisir la tentative d'évasion dans la base d'Hydra, ainsi que le grand combat final. Petit à petit, il se rend compte que cette lecture facile finit presque par masquer le nombre de personnages impliqués, de Black Panther à Storm, en passant par les Dora Milaje, Manifold, Thunderball, Zawavari, Aja-Adanna (Shuri), Asha, Vibraxas (N'Kano), Okoye et encore une bonne dizaine d'autres, avec 3 intrigues secondaires. Outre les combats découlant de l'intrigue principale, il voit que l'auteur continue de développer son thème sur les dieux du Wakanda, montrant comment ils sont fortement liés à l'histoire de ce pays fictif, et même comment ils découlent de cette histoire, comment une religion et ses dieux sont une expression culturelle du peuple qui les a sanctifiés. de la même manière, le dilemme auquel se trouve confronté Ramonda continue de filer la réflexion sur l'exercice du pouvoir, la responsabilité de penser au bien commun avant de penser aux situations personnelles.

Ce cinquième tome confirme les compétences de Ta-Nehisi Coates en tant que scénariste de comics, et l'élégance avec laquelle il utilise tous les codes et les conventions propres aux comics de superhéros (y compris les plus hauts en couleur), tout en continuant à évoquer des thèmes socio-culturels. Il bénéficie une fois encore de dessinateurs de bon niveau, avec une prestation remarquable de Leonard Kirk, utilisant lui aussi toutes les conventions et raccourcis propres aux comics de superhéros, pour une narration visuelle d'une fluidité et d'une efficacité irréprochable. S'il fallait trouver un défaut, ce serait que l'auteur a développé une situation tellement riche qu'il ne peut pas donner une place à tous les personnages dans ce tome, par exemple à Chagamire.

[extrait] « le moins qu'on puisse dire, c'est que le scénariste Ta-Nehisi Coates a amené sur la série Black Panther une écriture fine et rafraichissante. Pour preuve le personnage du super-vilain Klaw, qui pendant longtemps est resté un criminel de seconde zone. On a coutume de dire que pour qu'un superhéros soit bon, il faut que son ennemi juré le soit aussi. Ta-Nehisi Coates choisit manifestement de retravailler Klaw. Sa présence dans le film Black Panther y est sans aucun doute pour quelque chose. Mais Ta-Nehisi Coates met du coeur à l'ouvrage. Pour preuve l'épisode n°166, qui ouvre ce tome 5, et qui se consacre uniquement à donner du relief à Klaw, lui donner un objectif plus noble (avec des emprunts au background du Mr Freeze de DC). La couverture de l'épisode 167 sonne presque comme une lettre d'intention, avec un très joli effet visuel qui confond la Panthère Noire et Klaw dans le même espace. Klaw prend donc ici une épaisseur qu'on ne lui connaissait pas auparavant (même dans le run de Mark Waid sur Daredevil). Et c'est toute la série qui est ainsi tirée vers le haut. »
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