AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Antyryia



L'inconnu de la forêt est un roman d'anticipation qui se déroule dans un futur proche puisque son intrigue commence le 23 avril 2020.
La bonne nouvelle c'est que l'Etat du New Jersey est totalement passé au travers de la pandémie, qui n'est d'ailleurs jamais mentionnée.
Les enfants continuent à aller à l'école, les gens se promènent librement, se font des papouilles, se rendent sur les plateaux de télévision, mangent au restaurant.
Comme quoi il peut être dangereux d'imaginer une histoire en se projetant quelques mois plus tard...
Il n'en faut parfois pas autant pour que le monde change et pour que l'histoire devienne de ce fait totalement improbable.
Mais je n'en veux aucunement à Harlan Coben qui n'est par ailleurs pas le seul écrivain à avoir été piégé par la réalité, qui ressemble d'ailleurs bien plus à un roman de science-fiction que son nouveau polar.
L'inconnu de la forêt se déroule simplement à l'approche des élections présidentielles américaines ( qui auront lieu le 03 novembre 2020 ... si tout va bien ) et met en scène un des candidats au pouvoir.
Il s'appelle Rusty Eggers et il ne fait pas l'unanimité.
"Son objectif, c'est l'anarchie."
"Au contraire, il veut détruire ce pays. Il veut qu'il n'en reste qu'un tas de décombres."
Le genre de président pour qui l'économie du pays passerait avant les vies humaines en jeu par exemple.
Une hypothèse assez peu concevable, il faut bien en convenir.

Au-delà de la sphère politique, ce livre est l'occasion pour le lecteur de retrouver Hester Crimstein, avocate pénaliste de profession, qui apparaît régulièrement comme personnage secondaire dans les autres romans de l'Américain. Cette fois, elle joue l'un des rôles de tête d'affiche ce qui permet d'en savoir bien davantage sur elle. Veuve, âgée de plus de soixante-dix ans, sens mordant de la répartie, elle est aussi la mère de trois fils. L'un d'eux, David, est mort tragiquement dans un accident de voiture.
Enfant, David avait un ami prétendument imaginaire, qui en réalité existait bel et bien et vivait dans la forêt voisine mais aussi dans les maisons inoccupées .
Il sera surnommé Wilde, allusion subtile à sa nature sauvage, quand il sera retrouvé âgé de six à huit ans.
A-t-il été élevé par des louves ? A-t-il été abandonné, enlevé ?
"Personne n'était capable de dire combien de temps l'enfant avait vécu seul ni même comment il avait survécu."
Je vous préviens tout de suite, vous n'aurez aucune réponse à ces questions dans l'immédiat. Savoir qui il était avant ne préoccupe pas beaucoup notre nouveau héros même s'il va quand même faire analyser son ADN pour, le cas échéant, en savoir davantage sur ses origines. Ce qui n'est donc qu'une brève introduction à une série de romans qui devraient donc mettre en scène Wilde, découvrant peu à peu ce qui lui est arrivé enfant, les seuls indices ici présents étant sous forme de rêves ou de flashs.

Donc Wilde, l'inconnu de la forêt en personne, tient la vedette de ce nouvel épisode Cobenien. Lui qui a cinq ans était déjà plus dégourdi que vous et moi réunis.
Surnommé Tarzan, de nombreux qualificatifs peuvent le décrire. C'est un marginal, un solitaire, quelqu'un de peu sociable et de peu bavard qui continue à vivre dans la forêt.
"Wilde se déplaçait sans bruit, telle une panthère. Personne ne connaissait cette forêt comme lui."
Il est écolo ( il vit dans une écocapsule, une caravane en forme d'oeuf autonome en énergie ), maniaque du rangement, surdoué.
Incapable en revanche de rester dans le lit d'une femme toute une nuit comme par peur de l'enfermement et le la promiscuité.
Il n'aime pas les armes à feu mais il sait se battre et désarmer les vilains en un tour de bras. Et puis il est gentil, altruiste, charismatique.
Bref, même si son histoire est différente, au final il a tout à voir avec un Myron Bolitar bis.
Les deux sont d'anciens athlètes ( athlétisme pour l'un, basket pour le second ), les deux ont été détectives, et les deux ont une sorte de tendance innée à être confrontés à d'étranges disparitions qu'ils se doivent de résoudre.

C'est la jeune Naomi Prine, seize ans, qui disparaît ici. Cette jeune fille est dans la même classe que Matthew, le filleul De Wilde, et c'est ainsi que l'inconnu de la forêt va partir à sa recherche.
D'autant que l'adolescente peut simplement avoir fugué mais pourrait aussi vouloir attenter à ses jours au vue de la catastrophe qu'est sa vie d'humiliations. Adoptée, elle vit avec son père alors que sa mère est partie.
"Le père avait obtenu la garde exclusive , ce qui était intéressant en soi. La mère, en fait, avait renoncé à tous ses droits parentaux."
Mais surtout, la jeune Naomi est victime au lycée d'un harcèlement constant de la part des garçons les plus populaires du lycée qui s'acharnent sur elle.
"Elle est le souffre-douleur idéal."
"Elle est seule. Elle n'a personne."
"Vous savez ce que c'est ? Avoir les tripes qui se nouent chaque jour parce que vous avez peur d'aller en cours ?"
Qu'est-il arrivé à Naomi ?
Et quel peut être le lien entre sa disparition et le possible accès à la présidence d'un candidat effroyable aux nombreux secrets ?

Bon, je ne vais pas y aller pas quatre chemins, j'ai été déçu par ma lecture.
Je suis un lecteur fidèle d'Harlan Coben dont j'ai lu quasiment tous les romans, me laissant toujours emporter par son sens du suspense, ses énigmes de départ qui défient la logique, sa façon d'entraîner le lecteur avec lui chapitre après chapitre en révélant juste ce qu'il faut pour épaissir encore le mystère ou apporter un début de réponse, m'entraînant dans ses filets la grande majorité du temps.
Et cette fois ça a beaucoup moins bien fonctionné.
Bon, le livre se lit bien quand même. le style est toujours aussi fluide notamment en raison de très nombreux dialogues, je ne me suis jamais posé la question de m'arrêter en pleine lecture et grand bien m'en a pris puisque la fin m'a tout de même réservé quelques surprises inattendues.
Mais j'ai connu l'auteur en bien plus grande forme.
C'est comme s'il avait utilisé la recette habituelle mais en oubliant au passage de saupoudrer son livre de l'humour et du suspense habituels.

L'inconnu de la forêt est beaucoup plus linéaire, comporte beaucoup moins de retournements de situations que ce à quoi m'avait habitué l'auteur.
Il n'a pas réussi à m'accrocher à son histoire comme il parvient à le faire habituellement.

Déjà parce que tous les hommes politiques ont des squelettes dans le placard, et que peu m'importait ce que cachait peut-être le sénateur du New Jersey.
Ensuite parce que le sujet du harcèlement est uniquement survolé et que passer aussi vite sur un tel fléau un an après la lecture de Raisons obscures d'Amélie Antoine le rend ici bien trop dérisoire. Si bien que le sort de la petite Naomi ( oui je sais, c'est affreux de dire ça ), je m'en contrefichais un peu parce que je n'ai pas ressenti sa souffrance.
Et en évoquant l'empathie, seule Esther Crimstein tire son épingle du jeu et gagne à être découverte en tant que femme avec ses blessures, bien loin de l'avocate froide et autoritaire que pouvaient laisser suggérer les romans précédents dans lesquels elle faisait une brève apparition.

A noter également que si Harlan Coben faisait brièvement partie du roman de Stephen King L'outsider en animant une conférence à laquelle assistait le principal suspect d'un meurtre au moment où le crime était commis, ici l'auteur de Ne le dis à personne semble rendre la pareille au maître de l'épouvante avec un clin d'oeil à son premier roman.
"Oui, comme dans Carrie. Où ce garçon qui a invité Carrie à sortir avec lui, il était gentil, non ? Il a essayé de la défendre mais les autres l'ont aspergée avec du sang de cochon."

Et pour conclure tout simplement, si L'inconnu de la forêt se laisse lire volontiers, il faut bien admettre qu'Harlan Coben a écrit des thrillers beaucoup plus palpitants et j'espère qu'il ne manquera pas de rectifier le tir lors du prochain volet des aventures De Wilde qui semblent d'ores et déjà prévues.
Commenter  J’apprécie          5910



Ont apprécié cette critique (49)voir plus




{* *}