Vivre est essentiellement vivre de la vie d’autrui : vivre dans et à travers la vie que d’autres ont su construire ou inventer. Il y a une sorte de parasitisme, de cannibalisme universel, propre au domaine du vivant. (Page 19)
Respirer signifie savourer le monde. Et le monde est pour tout être vivant et pour tout objet ce qui se donne à travers et grâce au souffle. Le monde à la saveur du souffle. Si tout esprit fait monde, c’est parce que tout acte de respiration n’est pas la simple survivance de l’animal qui est en nous, mais la forme et la consistance du monde dont nous sommes la pulsation. (Page 96)
Le souffle est la première activité de tout vivant supérieur, la seule qui peut prétendre se confondre avec l’être. C’est le seul travail qui ne nous fatigue pas, le seul mouvement qui n’a pas d’autre fin que lui-même. Notre vie commence avec un (premier) souffle et se terminera avec un (dernier) souffle. Vivre c’est : respirer et embrasser en son propre souffle toute la matière du monde. (Page 74)
Grâce aux fleurs, la vie végétale devient le lieu d’une explosion
inédite de couleurs et de formes, et de conquête du domaine des
apparences.
[…]
Les formes et les apparences ne doivent pas communiquer du sens
ou du contenu, elles doivent mettre en communication des êtres dif-
férents.
La raison est une fleur.
[…]
La fleur est la forme paradigmatique de la rationalité : penser,
c’est toujours s’investir dans la sphère des apparences, non
pour en exprimer une intériorité cachée, ni pour parler, dire
quelque chose, mais pour mettre en communication des êtres
différents.
Notre corps n'est que l'archive de ce que le soleil offre à la terre.
Faire de la Terre un corps céleste, c'est rendre à nouveau contingent le fait qu'elle représente notre habitat. Elle n'est pas habitable par définition, ainsi que la plupart des astres.
L'origine de notre monde n'est pas un événement, infiniment distant dans le temps et dans l'espace, à des millions d'années lumières de nous-elle ne se trouve pas non plus dans un espace dont nous avons plus aucune trace. L'origine du monde est saisonnière, rythmique, caduque comme tout ce qui existe. Ni substance ni fondement, elle n'est pas plus dans le sol que dans le ciel ; mais à mi-distance entre l'un et l'autre. Notre existence n'est pas en nous, - mais en dehors, en plein air. Elle n'est pas quelque chose de stable ou d'ancestrale, un astre aux dimensions démesurées, un dieu, un titan. Elle n'est pas unique. L'origine de notre montre ce sont les feuilles : fragiles, vulnérables et pourtant capables de revenir revivre après avoir traversé la mauvaise saison.