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Vincent Cocquebert (Autre)
EAN : 9782918682837
196 pages
Arkhe editions (18/03/2021)
3.7/5   15 notes
Résumé :
Sommes-nous condamnés à vivre dans des bulles et à déserter la réalité ?

Apologie de la vie domestique, fuite dans des mondes imaginaires, explosion du marché du bien-être, bulles de filtres et pensée magique : chaque jour, nous déployons un véritable arsenal de protections physiques et psychiques pour mettre à distance un monde qui nous oppresse. Bienvenue dans la civilisation du cocon ! Une nouvelle société de l'entre-soi, sous perfusion de confort,... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (9) Voir plus Ajouter une critique
Essai bien troussé, ce livre se lit comme un dictionnaire de médecine: impossible de le terminer sans dresser la liste des pathologies dont nous sentons atteints.
La couverture donne le ton: qu'il est bon de se terrer chez soi quand tout s'effondre à l'extérieur. Vincent Cocquebert commence par expliquer comment on en est arrivé là : si notre besoin de sécurité a toujours été insatiable, du moins a-t-on pu pendant longtemps s'en remettre à Dieu puis à la science (qui permet d'estimer les risques) et à l'état-providence. Fort de ces protections, l'individu n'hésitait pas à prendre des risques, scrutant l'océan à la recherche de la route des Indes ou, à défaut, suspendu au harnais de son parapente.
Oui mais Dieu, la science et l'Etat ayant failli et les paratonnerres habituels étant de moins en moins sûrs (Qui ose encore compter sur ses voisins?), nous voilà contraints d'assurer seuls notre sécurité. Il s'agit donc de se créer des « safe spaces » dénués de tout « trigger warning » (y'avait vraiment aucun moyen de traduire ou c'est juste pour faire croire que les Anglo-saxons sont les seuls à être concernés ?).
Alors là, évidemment, c'est le principe même de ce type d'ouvrage, toute notre civilisation est analysée à l'aune de cet unique principe: sacralisation de la famille ? Refuge. Non-mixité ? Refuge. Rond-point rendez-vous des gilets jaunes ? Refuge. Uberisation? Refuge. Wokisme? Refuge. Complotisme? Refuge.
Bref, c'est le poumon, le poumon vous dis-je.
Et les conséquences sont dignes des horribles maladies annoncées par les médecins de Molière. On ne s'envoie plus en l'air (car l'autre c'est le mal), on devient gros et dépressif ( car sortir c'est l'enfer), et on élit des chefs d'état immatures à qui on n'a jamais expliqué le principe de réalité (car ce sont de gros bébés qu'on ne veut pas traumatiser en les contredisant).
Alors oui, le livre brasse large et multiplie les anecdotes plutôt qu'il n'expose une analyse rigoureuse mais c'est la rançon du plaisir qu'on prend à le lire. Et la bibliographie est fournie, ne se contente pas (même s'il y en a, et beaucoup) d'articles de journaux : on trouve des essais pas totalement grand public, des films et des fictions qui donnent envie d'approfondir le sujet.
Enfin, Bret Easton Ellis est convoqué pour fournir la conclusion : se mettre dans la peau de quelqu'un d'autre, s'ouvrir à l'altérité est déjà une façon de sortir de son cocon.
J'allais donc refermer l'ouvrage en songeant que cet éloge de la lecture m'allait droit au coeur avant de comprendre en un éclair que j'étais mal barrée : refuser l'autarcie psychique n'est-ce pas une façon perverse mais efficace de me barricader dans ma safe room à moi?
Ah ben zut alors.
Le poumon, vous dis-je. le poumon
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Cet essai propose une critique très pertinente des excès de la recherche égoïste du bien-être, des pratiques ésotériques délirantes, du charlatanisme des « sagesses », « astrothérapie » ou cartomancie, et autres « méditations » consolatoires, des revendications d' « hypersensibilité » et des demandes à tout va de « trigger warnings » pour ne pas risquer de blesser « son âme » effarouchée… bref de ce grand renfermement sur soi et son « safe space » (parfois concrétisé par la chambre, le lit ou le canapé d'où l'on reçoit, comme seules nouvelles du monde, le flux incessant d'échanges ineptes, sinon toxiques, portés par les réseaux sociaux) qui nous éloigne de la gadoue de la réalité, la si dangereuse réalité qu'il vaudrait mieux l'oublier dans le virtuel ou la magie ! Malheureusement, les lendemains qui déchantent souvent se rappellent à nous, fissurant ces bulles de confort artificielles… et Vincent Cocquebert montre tous les risques psychologiques et politiques de cette tentation du repli sur soi, qui gangrène notre société, en particulier chez les adolescents et les jeunes adultes. A lire d'urgence, pour réapprendre à se dé-placer, à sortir de soi, à remettre les pieds dans la boue du réel, pour mieux voir et corriger le monde !
Rappelons, enfin, pour souligner l'excellent travail des éditions Arkhé, que l'on trouve dans la même maison "Les grands remplacés" de Paul Conge, une remarquable enquête sur ces groupuscules extrême-droitistes, adeptes de la théorie du "grand remplacement" et d'autres idées complotistes et dangereusement fumeuses... Et, l'on se dit que de la peur d'être "remplacé" au désir d'hibernation dans son cocon, il n'y a malheureusement, parfois, qu'un mauvais pas...
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Je suis restée très partagée à l'issue de cette lecture. Dès les premières pages, quelque chose me gêne quand, dans sa nouvelle, il se moque ouvertement du féminisme actuel. Mais bon, je me dis, c'est le jeu, il exagère tout pour faire passer un message, c'est peut-être juste maladroit.

Puis viennent ensuite les safe spaces, les TW et les adjectifs qu'il utilise pour qualifier ceux qui y ont recours, je tique de nouveau (mais peut-être parce que je suis de cette génération à l'égo vite blessé sans raison ?) et puis là, oui, les choses s'éclairent : c'est un homme blanc, d'un certain âge, du genre qui a dû connaître peu d'injustices sociétales dans sa vie.

On sent une pointe de mépris alors même qu'il présente les origines et les définitions. Il s'attache beaucoup à dénoncer les conséquences mais beaucoup moins à faire la lumière sur les causes. Elles sont évoquées mais banalisées au lieu d'être accusées.

Cela étant, j'ai dit que j'étais partagée parce que tout n'est pas à jeter, loin de là. Il y a beaucoup de réflexions intéressantes et des dénonciations de quelques déviances et dangers qui guettent la société (dans une moindre mesure par rapport à d'autres dangers actuels évidemment) c'est juste vraiment dommage ce mépris de privilégié.

Un livre intéressant à lire quand on arrive à prendre du recul par rapport à l'auteur.
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Comment ne pas se laisser embarquer au coeur de ce magnifique ouvrage porteur d'un message crucial en ces temps.
Une étude qui cogne sur une réalité affligeante, lorsque nous préférons nous accrocher à notre zone de confort, au repli sur soi, ainsi que d'une fuite d'un quotidien dédaigné.
L'auteur parvient avec des mots à dresser un tableau vivant du repli sur soi dans toute sa nudité. Se réfugier dans un détachement cynique de l'extérieur pour être moins vulnérable à ces pressions qui l'assaillent.
Comment oublier que nous sommes si souvent mus par la peur, et donc condamnés à nous réfugier dans nos bulles. Un refuge synonyme de sécurité? Douce illusion… L'ouvrage nous ouvre les yeux et nous offre l'occasion de pointer du doigt les méfaits et danger du repli sur soi.
Clair et bien documenté, l'auteur s'attache ici à prendre le pouls de ce phénomène en l'analysant à ce titre sous différents aspects (politique, historique, technologique, psychologique, religieux et bien entendu, social). Des exemples parfois dont on ne parle jamais, et l'auteur les décortique et les analyse. Nous avons ici les clefs pour comprendre les mécanismes de cette volonté du « safe-space ».
La plume de Vincent Cocquebert est belle, intense et captivante. Ses mots sont d'une subtilité qui me déconcerte à chaque fois. Il parvient toujours à aller au plus profond de son étude.
On ne peut s'empêcher de faire le parallèle avec la crise de la Covid-19, c'est pourquoi j'ai lu ce livre en compagnie d'une mélancolie qui fait sourire et un espoir contagieux.
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« La civilisation du cocon » est l'un des rares livres que j'ai décidé de lire spontanément, sans me renseigner au préalable ou bien recevoir de recommandation. C'est la couverture qui a attiré mon attention (très bon choix !), puis le résumé qui m'a interpellé – je me sentais très très visée (aïe !).

Au final, pour moi il y a du bon, comme du moins bon. Je recommande quand même car il est indéniable que Vincent Cocquebert a mis le doigt sur un phénomène bien réel et très intéressant.

La structure du récit est celle d'une enfilade de références – on ne peut qu'être impressionné par le travail que les rassembler aura demandé, et la multitude de points d'ancrage avec le réel est assez passionnante.

Mais – il y en a toujours ! – pour moi lesdites références ne démontrent souvent rien, et ne convainquent pas particulièrement. C'est peut-être ma formation scientifique, mais il était pour moi assez frustrant de voir des idées illustrées par des anecdotes, parfois pas franchement pertinentes. J'ai bien conscience que cet essai n'est pas un article scientifique, mais vous verrez peut-être de quoi je parle au cours de votre lecture.

De plus, bien que la diversité de l'origine des sources soit très divertissante (de Glamour aux ouvrages de sociologie), elle décrédibilise parfois le propos. Un propos qui est aussi beaucoup plus centré sur l'obsession de la sécurité que le résumé ne le laissait présager, alors qu'à l'inverse les côtés désertion de la réalité et repli sur soi sont moins abordés. Enfin, quelques répétitions dues à la structure en enfilade, mais le récit n'est pas trop long et on ne s'ennuie pas.

Ainsi, un texte avec ses défauts (pour moi hein ;) ), mais qui permet de prendre un peu de perspective sur ce nouveau phénomène, tout en passant un moment très agréable.
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Citations et extraits (8) Voir plus Ajouter une citation
Le président du groupe Score, l'un des géants mondiaux de la réassurance, s'inquiétait, il y a quelques années, de la centralité du "risque" dans nos sociétés, celle-ci intensifiant trois problématiques : la multiplication du statut de victime et la recherche de responsables en vue d'indemnisations ; l'extension des normes de contrôle générant, de fait, une perte de liberté ; et enfin, une dévalorisation de le prise de risque, uniquement envisagée dans un prisme générateur de catastrophes. Invité à livrer son sentiment sur le monde suite au confinement mondial des populations, il semblait encore plus fébrile : "préservation coûte que coûte de la vie, éradication coûte que coûte de la souffrance... Voilà les tendances qui vont caractériser le monde de l'après covid19". Pour lui, nous serions entrés en plein dans "l'ère de la vulnérabilité". Un temps dans lequel les individus , obsédés par leur sécurité, deviennent allergiques au sentiment d'incertitude et sont mus par un puissant ressentiment lorsque l'Etat semble faillir à sa mission de protection. D'après lui, cette séquence pandémique n'allait pas faire qu'hystériser chez les individus un sentiment de vulnérabilité physique et psychique déjà omniprésent. "Ceci aura un impact sur toutes les dimensions de leurs comportements. Et sur leur vision du monde, qui leur apparaîtra désormais plus fragile, moins sûr, plus aléatoire".
P. 143-144
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Le problèmes, c'est que cette volonté de purger la réalité de sa complexité, tout en évitant de s'y confronter, comme pour tenter d'évoluer dans une sorte de lounge idéologique, n'aurait pas vraiment les effets escomptés. Même motivée par les meilleures intentions du monde, certaines pratiques de cette culture du cocon peuvent avoir l'effet inverse. A l'image des triggers warnings, ces avertissements apparus sur Tumbler pour prévenir les visiteurs de contenus potentiellement choquants. D'après le psychologue Payton Jones, ces messages d'alerte ne seraient pas seulement inutiles, mais potentiellement nuisibles. Ils contribueraient chez certaines victimes à amplifier leur sentiments d'anxiété en les poussant à envisager le traumatisme vécu comme un "élément central de leur identité". Plutôt que de jouer l'évitement cognitif, les spécialistes préconisent plutôt une exposition mesurée et progressive pour tenter d'apprivoiser, étape par étape, l'anxiété..
p. 97-98
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Poussée à son paroxysme, la civilisation du cocon entreprend donc d'apaiser de façon artificielle des sentiments bien réels, comme le deuil. Preuve de cette déréalisation, certains invitent même à s'inventer des alter ego plus beaux, plus forts et plus téméraires afin de gagner en confiance. Un Batman Effect qui, en nous projetant dans la peau d'un autre, nous place à distance d'une réalité décidément trop dure à affronter et signe la promesse d'un effacement total au réel.
p. 142
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En creux, quelques mois avant le premier confinement, les chercheurs faisaient le diagnostic d'une certaine hikikomorisation du monde, soit cette quête d'un espace-temps « qui semble délesté de tout risque, de tout acte, de toute décision de toute confrontation à l'altérité [69] ».
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L'obsession, propre à la modernité, d'une vie « intense », a laissé place à l'imaginaire fantasmatique d'une vie sous cocon qui imprègne tous les champs de nos existences.
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