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EAN : 9782234054448
59 pages
Stock (13/12/2001)
  Existe en édition audio
3.87/5   43 notes
Résumé :

Une femme seule dans une chambre en désordre téléphone à son amant qui vient de la quitter pour une autre. En partant de cette situation tristement banale, Jean Cocteau a écrit une mini-tragédie en un acte - un étrange " monologue à deux voix " fait de paroles et de silences - dans laquelle le téléphone joue un rôle essentiel. " Dans le temps, écrit Cocteau, on se voyait. On pouvait perdre la t&#... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (7) Voir plus Ajouter une critique
Quand le téléphone matérialise la distance, cristallise la rupture et rend tout retour en arrière impossible.

Une femme seule, la nuit, au bord de la crise de nerfs, le coeur à fleur de peau. Une femme suspendue à une voix venue d' un fil, une femme suspendue à un fil où se suspend une voix. Une femme suspendue à un fil qui la relie et qui la coupe de celui qu'elle aime.

Et qui la quitte.

Une femme sur un fil. Une funambule de la souffrance. Une femme qui ne tient qu'à un fil. Une femme sur le fil du rasoir.

Ce que dit la voix au téléphone demeure inaudible au spectateur et pourtant il en lit toute la partition dans ses silences à elle, dans le tremblé de sa voix, dans la brisure du ton, dans la raucité du cri, dans le balbutiement du murmure, dans les halètements du souffle.

Une musique de chambre, un aria- pas tout à fait un duo: la bakélite du vieux téléphone a l'opacité d'un objet, son inertie, sa stricte neutralité.

C'est une présence-absence.

On est déjà , là, en 1927, dans le théâtre des années 50, dans un spectacle à la Beckett- qui s'en est souvenu, sûrement, dans la Dernière Bande , et qui a poussé d'un cran le revolver de l'ultra-moderne solitude en mettant Krapp devant une bande- son où il a enregistré sa voix de jeunesse..

D'Edith Piaf à Simone Signoret, avec ou sans la partition de Poulenc, La Voix humaine n'a pas pris une ride. Même si le vieux téléphone à cadran et écouteur a disparu, même si l'intrusif portable l'a remplacé..

Les ruptures contemporaines laissent encore moins de place au plaidoyer, à l'échange. d'ailleurs elles ne sont même plus scéniques : juste un "changement de statut" dans les réseaux sociaux, un "c'est compliqué" qui remplace un "en couple", ou alors , carrément, un "célibataire" sans appel, et c'est parti, "il n'y a plus rien à dire ni rien à espérer" comme disait Dom Juan.

La rupture aujourd'hui n'est plus une tragédie, c'est une com', une info'. Une apocope, en tous les cas.

Alors profitons de ce téléphone-là, de cette voix désincarnée, distanciée mais pas encore déshumanisée, qui donne à la comédienne en scène le loisir de jouer toute la gamme des émotions..

Une petite préférence pour Simone Signoret, avec sa voix charnelle, rauque et brisée de fumeuse de gitanes et de buveuse de whisky.

Chaque fois que je l'écoute, je la vois. Sa présence irradie. C'est elle la voix humaine.
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"Dans le temps, on se voyait. On pouvait perdre la tête, oublier ses promesses, risquer l'impossible, convaincre ceux qu'on adorait en les embrassant, en s'accordant à eux. Un regard pouvait changer tout. Mais avec cet appareil, ce qui est fini est fini."

Une femme, une rupture, un téléphone.
Le téléphone, dans son apparition...
Un appareil qui remplace la présence et l'imprévisible humain.
Que dirait Cocteau d'internet ? Cet appareil omniprésent, constitutif de ce qu'est devenu l'humain, un être-humain-machine, et invisible ?
La voix humaine est une courte pièce très agréable à lire et fortement intéressante qui nous met face à face avec les débuts comiques et agaçants de l'appareil téléphonique. Une pièce qui se dévore et qui nous interroge...

"Allô, allô,allô...................................................................................................................
Mais non, Madame, nous sommes plusieurs sur la ligne, raccrochez............... Allô...................................................................................................................................."

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« Dis que c'est par ma faute que tu m'as quitté, et j 'abonderai dans ton sens pour m'accuser de ce que tu me reproches. Prétends que je suis infirme, et je me mettrai à boiter, sans chercher un seul instant à te contredire.
Tu ne peux pas, mon amour, être moitié aussi méchant avec moi, pour justifier d'avoir jeté ton dévolu sur un autre, que je le serai moi-même, si c'est ce que tu veux.
Je couperai les ponts avec toi, je ferai semblant de ne pas te connaître, j'éviterai les lieux que tu fréquentes, et ma langue ne prononcera plus ton nom adoré, pour ne pas, indigne que je suis de toi, le salir en évoquant les liens qui nous ont unis.
Contre moi-même toujours je prendrai ton parti, ne pouvant me résoudre à aimer quelqu'un que tu maudis. »
William Shakespeare

Toute rupture d'un amour réel, est un effondrement. Toute perte de l'être aimé est aussi une perte de soi. La condition amoureuse est une affaire risquée, c'est entendu, c'est su, depuis longtemps. Mais l'Homme n'est pas seulement un aventurier, c'est plus encore un imbécile. Non content de vivre une condition exigeante, il s'est ajouté de la difficulté.

L'être humain est un bloc ! Il n'est pas un être de parole, pas seulement : c'est un être de présence, un être social.
Lisant ce texte, je ne peux que me conforter dans cette conclusion.
Jean Cocteau, par ce drame d'une rupture si ordinaire (aucun nom, aucun lieu, toute identification possible) et pourtant si personnelle, si unique, comme toutes les ruptures (« il faut être juste notre situation est inexplicable pour les gens. Pour les gens… pour les gens on s'aime ou on se déteste. Les ruptures sont des ruptures, ils regardent vite, tu ne leur feras jamais comprendre ») nous invite à réaliser à quel point la médiatisation des rapports sociaux détruit l'humanité. Et nous n'en étions qu'au téléphone à fil, avec, encore, des « dames du téléphones » (téléphonistes) faisant le lien entre les abonnés, (mais déjà aliénées par leur travail comme l'a montré le travail précurseur de Louis le Guillant, le drame du travail humain). Mais déjà la grande rupture relationnelle est annoncée dans les interruptions incessantes de la conversation.
Un drame amoureux par téléphone est en cela double. Par là, Jean Cocteau souligne que la mise à distance, l'éloignement physique de l'autre, cette technique qui abime les liens sociaux est un abîme. Il illustre superbement que toute mort sociale est une mort absolue. C'est vrai en amour comme dans la vie de tous les jours. Cette atomisation ne laisse aucune échappatoire, aucun salut, aucune chance, même aux plus fortes aventures humaines... « Dans le temps on se voyait on pouvait perdre la tête, oublier ses promesses, risquer l'impossible, convaincre ceux qu'on adorait en les embrassant en s'accrochant à eux, un regard pouvait changer tout mais avec cet appareil… ce qui est fini est fini ». Et les cris d'amour, les appels au secours, les hurlements de désespoir, se perdent dans les méandres filandreux et indifférents de cuivre et de plastic, plus tard dans les ondes et sur les pixels d'écran que l'homme ne cesse de dresser au milieu de ses relations.
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C'était au temps où le téléphone n'était pas encore installé dans tous les foyers et où les appels passaient par un opérateur. Les numéros avaient le nom de la commune comme indicatif, ici « Auteuil 04 virgule 7 ». Il y avait parfois plusieurs conversations sur une ligne, ce qui pouvait créer un certain brouhaha. Mais c'était le progrès et, même si on avait besoin des deux mains pour se déplacer avec l'appareil, le téléphone a changé les rapports humains.

Jean Cocteau a écrit « La voix humaine » en 1930 pour le théâtre et cette pièce en un acte a été jouée pour la première fois à la comédie Française, pour rompre les préjugés. L'histoire est simple : une femme reçoit un appel de l'homme qui vient de la quitter car il lui avait promis de lui téléphoner, sans doute pour atténuer la douleur de la rupture, ce qui n'est jamais facile.

Pourtant, ce n'est pas vraiment un monologue, c'est plutôt un monologue-dialogue à une seule voie. La voie, c'est celle de la femme, toujours amoureuse, qui cherche le réconfort pour supporter sa douleur. Les pauses prennent une place importante car elles représentent l'autre voie, celle de l'homme au bout du fil et que l'on n'entend pas, et cela créé une certaine tension, un inconfort recherché par Cocteau.

J'ai eu la chance de voir une adaptation avec la musique de Francis Poulenc, sous forme d'opéra, et c'était assez unique. Je le dois à Violaine Schwartz et son roman « La tête en arrière » qui parle d'une chanteuse lyrique qui prépare une improbable audition pour jouer dans "La Voix humaine", comme le miroir de sa vie. Alors merci.


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Classique du théâtre d'avant-garde (1930), dont on retiendra la célèbre interprétation de Simone Signoret, ce monologue fragmenté intègre ce nouvel instrument de communication qu'était le téléphone sur les planches, dans un décor minimaliste.
La situation est tristement banale : une femme éconduite et éperdument amoureuse a une dernière conversation téléphonique avec son amant. Mais l'intérêt de la pièce, totalement actuelle et haletante jusqu'à la tragédie, réside non tant dans les paroles que dans les silences : ceux des répliques de l'absent, ou ceux que provoquent des interférences dans la communication. L'imagination du lecteur en est d'autant plus sollicitée, de même que son effort de reconstruction de l'histoire et des personnages par reconstitution des fragments du discours.
Se lit le temps d'une apnée.
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Citations et extraits (11) Voir plus Ajouter une citation
Début de la pièce

Allô, allô, allô...... Mais non, madame, nous sommes plusieurs sur la ligne, raccrochez.... Allô.... Vous êtes avec une abonnée.... Oh !... Allô ! mais, madame, raccrochez vous-même... Allô, mademoiselle, allô... Laissez-nous.... Mais non, ce n'est pas le docteur Schmit... Zéro huit, pas zéro sept... Allô ! ... C'est ridicule.... On me demande ; je ne sais pas (elle raccroche, la main sur le récepteur. On sonne) ... Allô ! ... Mais madame, que voulez-vous que j'y fasse ?.... Vous êtes très désagréable.... Comment, ma faute.... Pas du tout.... Pas du tout.... Allô !.... Allô, mademoiselle... On me sonne et je peux pas parler. Il y a du monde sur la ligne. Dites à cette dame de se retirer. (elle raccroche, on sonne) Allô ! c'est toi ?.... C'est toi ?... Oui.... J'entends très mal....Tu es loin, très loin... Allô ! ... C'est affreux.... Il y a plusieurs personnes sur la ligne.... Redemande. Allô ! Re-de-mande.... Je dis : redemande-moi... Mais madame, retirez-vous. Je vous répète que je ne suis pas le docteur Schmit.... Allô ! .... A enfin.... C'est toi......Oui.... Très bien.... Allô !.... Oui.... C'était un vrai supplice de t'entendre à travers tout ce monde....
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Dans le temps, on se voyait. On pouvait perdre la tête, oublier ses promesses, risquer l'impossible, convaincre ceux qu'on adorait en les embrassant, en s'accrochant à eux. Un regard pouvait changer tout. Mais avec cet appareil, ce qui est fini est fini...

(livret de l'opéra)
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Voilà cinq ans que je vis de toi, que tu es mon seul air respirable, que je passe mon temps à t'attendre, à te croire mort si tu es en retard, à mourir de te croire mort, à revivre quand tu entres et quand tu es là, enfin, à mourir de peur que tu partes. Maintenant j'ai de l'air parce que tu me parles... C'est entendu, mon amour ; j'ai dormi. J'ai dormi parce que c'était la première fois... Le premier soir on dort... Ce qu'on ne supporte pas, c'est la deuxième nuit, hier, et la troisième, ce soir, et des jours et des jours à faire quoi, mon Dieu ?... Et... et en admettant que je dorme, après le sommeil il y a les rêves et le réveil et manger et se laver et sortir pour aller où ?... Mais, mon pauvre chéri, je n'ai jamais eu rien d'autre à faire que toi... Marthe a sa vie organisée... Seule...

(livret de l'opéra)
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Ce coup de téléphone devenait un vrai coup que tu me donnais et je tombais, ou bien un cou, un cou qu’on étrangle, ou bien j’étais au fond d’une mer qui ressemblait à l’appartement d’Auteuil, et j’étais reliée à toi par un tuyau de scaphandre et je te suppliais de ne pas couper le tuyau – enfin, des rêves stupides si on les raconte ; seulement dans le sommeil ils vivaient et c’était terrible………
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….Il a toujours été convenu que nous agirions avec franchise et j’aurai trouvé criminel que tu me laisses sans rien savoir jusqu’à la dernière minute. Le coup aurait été trop brutal, tandis que là, j’ai eu le temps de m’habituer, de comprendre………..Quelle comédie ?........Allô !....
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Vidéo de Jean Cocteau
CHAPITRES : 0:00 - Titre
R : 0:06 - RÉFLEXION - Jean Cocteau 0:14 - REMARIAGE - Armand Salacrou 0:28 - REMORDS - Pierre Reverdy 0:39 - REPOS - André Prévost 0:50 - RÉVOLUTION - Maurice Chapelan 1:06 - RICHESSE - Félicité de Lamennais 1:18 - RIDICULE - Jules Noriac 1:32 - RIRE - Jean de la Bruyère
S : 1:42 - S'AIMER - Henri Duvernois 1:52 - SAGESSE - Frédéric II 2:04 - SAVOIR-VIVRE - Saint-Évremond 2:15 - SCEPTICISME - Louis-Désiré Véron 2:24 - SE COMPRENDRE - Romain Coolus 2:34 - SE TAIRE - Comte de Voisenon 2:45 - SE TUER - Théophile Gautier 2:56 - SINGE - Jean-Baptiste Say 3:08 - SOLITUDE - Maurice Toesca 3:18 - SUICIDE - Alexandre Dumas fils
T : 3:29 - TEMPS - Jean Martet 3:41 - TÊTE - Yves Constantin 3:54 - TOMBE - Xavier Forneret 4:04 - TRAVAIL - Jules Renard 4:19 - TROMPERIE - Sainte-Beuve
V : 4:30 - VALEUR - Marivaux 4:40 - VÉRITÉ - Louise d'Épinay 4:51 - VERTU DES FEMMES - Ninon de Lenclos 4:59 - VIE - Louis Aragon 5:10 - VIE ET MORT - Rastignac 5:22 - VIEILLE FEMME - Charles de Talleyrand-Périgord
5:35 - Générique
RÉFÉRENCE BIBLIOGRAPHIQUE : Jean Delacour, Tout l'esprit français, Paris, Albin Michel, 1974.
IMAGES D'ILLUSTRATION : Jean Cocteau : https://filmforum.org/film/jean-cocteaus-orphic-trilogy-testament-of-orpheus Armand Salacrou : https://lotincorp.biz/creation-affiches-publicitaires-etats-des-lieux-ville-douala-1/ Pierre Reverdy : https://lamediathequepatrimoine.files.wordpress.com/2022/09/p5-pr-jeune.jpg Maurice Chapelan : https://www.cambridgescholars.com/news/item/book-in-focus-the-poems-and-aphorisms-of-maurice-chapelan Félicité de Lamennais : https://en.muzeo.com/art-print/felicite-robert-de-lamennais-ecrivain/ary-scheffer Jules Noriac : https://fr.wikipedia.org/wiki/Jules_Noriac#/media/Fichier:Jules_Noriac_Nadar.jpg Jean de la Bruyère : https://www.ecured.cu/Jean_de_La_Bruyére#/media/File:Bruyere.jpg Henri Duvernois : https://www.delcampe.net/en_GB/collectables/programs/theatre-des-nouveautes-paris-la-guitare-et-le-jazz-de-henri-duvernois-et-robert-dieudonne-1928-1929-1034826850.html Frédéric II : https://www.calendarz.com/fr/on-this-day/november/18/frederick-ii-of-prussia Saint-Évremond : https://fr.wikipedia.org/wiki/Charles_de_Saint-Évremond#/media/Fichier:Charles_de_Marquetel_de_Saint-Evremond_by_Jacques_Parmentier.jpg Louis-Désiré Véron : https://fr.wikipedia.org/wiki/Louis-Désiré_Véron#/media/Fichier:Louis_Véron_-_engraving_-_Mirecourt_1855-_Google_Books.jpg Romain Coolus : https://picclick.fr/Portrait-Romain-Coolus-René-Max-Weill-Scénariste-Cinéma-225296515824.html#&gid=1&pid=1 Comte de Voisenon : https://www.abebooks.fr/art-affiches/Claude-Henry-Fusée-Voisenon
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