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Michel Leiris (Préfacier, etc.)Étienne Alain Hubert (Éditeur scientifique)
EAN : 9782070304370
277 pages
Gallimard (02/10/2003)
3.58/5   53 notes
Résumé :
Un recueil de 1923 qui symbolise le chef-d' oeuvre d'un poète génial et définitivement inspiré.
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
Publié en 1917, composé de nombreux poèmes écrits pour la plupart entre 1903 et 1910, le Cornet à dés est le recueil qui a rendu célèbre Max Jacob.

Écrit à une époque où le dadaïsme et le surréalisme régnaient sur le milieu littéraire, Max Jacob s'est toujours tenu à l'écart des deux mouvements.
L'écriture automatique, le hasard des mots, l'élan subversif ne l'attiraient que très peu. Son écriture, son style n'en paraissent pas moins assez indéfinissables, d'autant plus qu'il introduit un genre nouveau, celui du poème en prose.

Dans la banalité apparente de récits courts, le poète fait alterner des pensées profondes, des traits d'esprit mais aussi la trivialité et l'étrange. Pour autant, le sens ne semble pas se dérober à la compréhension. C'est cela qui rend sa poésie particulièrement attachante.

« Dans les maisons, les taches des plafonds sont des
symboles de vie des habitants : voici deux ours qui
lisent un journal près du feu. »

Il y a chez Jacob, le souci constant de mettre en évidence la matérialité du langage, de le dépouiller de tout lyrisme. Une mise à distance assumée pour que le texte ne soit pas confiné dans l'émotion seule.
Max Jacob a longtemps défini son recueil comme étant tout aussi aléatoire que le résultat d'un jet de dés. Pourtant, on sent que tout dans son écriture est savamment organisé, maîtrisé. le poète n'estimait pas beaucoup l'idée d'être touché par l'inspiration. Il lui préférait la rigueur du travail.

« C'était aux environs de Lorient, il faisait un soleil
brillant et nous nous promenions, regardant par ces
jours de septembre la mer monter, monter et couvrir
les bois, les paysages, les falaises. Bientôt il ne resta
plus à lutter contre la mer bleue que des méandres
de sentiers sous les arbres et les familles se rappro-
chaient. Il y avait parmi nous un enfant habillé en
costume de marin. Il était triste ; il me prit la main :
« Monsieur, me dit-il, j'ai été à Naples ; savez-vous
qu'à Naples, il y a beaucoup de petites rues ; dans
les rues on peut rester tout seul sans que personne
vous voie : ce n'est pas qu'il y ait beaucoup de monde
à Naples mais il y a tant de petites rues qu'il n'y a
jamais qu'une rue par personne. - Quel mensonge
vous fait encore ce petit, me dit le père, il n'est pas
allé à Naples. - Monsieur, votre fils est un poète. -
C'est bien, mais si c'est un littérateur je lui tordrai
le cou ! » Les méandres des sentiers laissés à sec par
la mer lui avaient fait songer à des rues de Naples. »

Ce que j'ai aimé dans la lecture de Max Jacob, c'est la capacité, la simplicité de l'auteur à rendre compte du pouvoir de l'inconscient et du rêve, sans jamais lâcher le fil ténu de son propos, à lui donner une nature insoupçonnée.
Chez Jacob, la poésie se fait anecdote, allusion, fantaisie, souvenir,… pour dire le mystère de l'existence. Récits insolites où l'étrange devient familier et inversement, où nous saisit l'étonnement de découvrir encore toute la puissance inaltérable de l'imaginaire et du langage.

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"Un coup de dés jamais n'abolira le hasard" disait , sentencieux, Mallarmé..Malicieusement Max Jacob lui jette dans les dents son "Cornet à Dés" plein de surprises cocasses ou tragiques...

Ma préférence va à ces coups de dés féroces et joyeux qui sont la marque de son humour...mais selon notre humeur on peut aussi jeter pêle-mêle sur le tapis vert des combinaisons plus angoissantes ou plus déchirantes- l'humour étant la politesse du désespoir, comme chacun sait!
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Coup de tonnerre dans ma vie littéraire pourtant mouvementée. J'avais passé dans ma jeunesse plusieurs mois, que dis-je des années autour de l'avant-garde de l'avant-guerre 91914-18) et il; me semblait avoir fait le tour du mot AVANT, qu'Apollinaire, Cendrars, Picasso, Delaunay et autres Larbeau n'avaient plus de secrets pour moi. J'avais raté Max Jacob ! Comment avais-je pu passer outre, à côté, vivre sans ?

Lecture foudroyante donc. Ces poèmes en prose n'ont rien de ce que Rimbaud ou Reverdy auront pondu. Ils n'ont, non plus, le lyrisme rêveur de la génération suivante. Je dirais même que Jacob a le surréalisme direct, précis, concis, incontournable avant la lettre. Ses associations sont tellement puissantes qu'il est inutile de parler d'images, d'allégories, de métaphores. Elles sont présentes, vraies, prennent vie devant nous.

Le Cornet à dés est indispensable à tout qui veut connaître la signification du mot poésie.
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Poésie ou prose? Question à la fois inutile et nécessaire. Petits récits bizarres, jeux avec les mots et les références (pas toujours transparentes), humour subtil, ce cornet à dés retient parfois l'attention, et souvent, et c'est pour ça que c'est de la poésie, le sentiment que le petit objet qu'on a sous les yeux nous cache son secret, qu'il faudra mille lectures pour le trouver. L'expérience de la lecture de la poésie (j'ai tranché la question : c'est de la poésie), c'est celle du seuil de sens. Un poème est un objet magique qui a besoin, pour fonctionner, que le lecteur soit charmé, ce qui souvent n'est pas le cas, car le lecteur n'est pas poète à temps plein. Comme pour chaque lecture de recueil de poésie, quand on n'a pas encore pris la peine de s'y replonger pour pêcher la perle, on ne garde que ce qui a frappé, les éclairs de mots que l'on veut retenir, garder dans sa caboche parce qu'on a l'impression qu'ils disent une vérité inédite. Un seul exemple? "Brouillard, étoile d'araignée".
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Bon.
J'ai voulu lire pour ma culture... C'est fait. L'art ne se discute pas. Et c'est tant mieux, je n'ai rien à en dire. Et je n'en retiendrai rien. Sinon ce rien.
Sauf ! Cet extrait : " le pauvre examine le manteau de saint Martin et dit "pas de poches ?" Sans doute très connu, mais, dans mon ignorance, je ne connaissais pas... Cela m'a beaucoup amusée, et un bon moment. J'en ai bien profité, pour compenser les 250 pages de... rien. Rien saisi, rien ressenti, rien apprécié.
Ce qui ne veut rien dire. A vous de lire pour en dire quelque chose, car quelque chose, quelle que soit cette chose, est mieux que rien !
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Citations et extraits (40) Voir plus Ajouter une citation
            PREMIÈRE PARTIE
            FAUSSES NOUVELLES !
             FOSSES NOUVELLES !


 À une représentation de Pour la Couronne, à l'Opéra,
quand Desdémone chante « Mon père est à Goritz et
mon cœur à Paris », on a entendu un coup de feu dans
une loge de cinquième galerie, puis un second aux fau-
teuils et instantanément des échelles de cordes se sont
déroulées ; un homme a voulu descendre des combles :
une balle l'a arrêté à la hauteur du balcon. Tous les spec-
tateurs étaient armés et il s'est trouvé que la salle n'était
pleine que de... et de... Alors, il y a eu des assassinats
du voisin, des jets de pétrole enflammé. Il y a eu des
sièges de loges, le siège de la scène, le siège d'un stra-
pontin et cette bataille a duré dix-huit jours. On a peut-
être ravitaillé les deux camps, je ne sais, mais ce que
je sais fort bien c'est que les journalistes sont venus
pour un si horrible spectacle, que l'un d'eux étant souf-
frant, y a envoyé madame sa mère et que celle-ci a été
beaucoup intéressée par le sang-froid d'une jeune gentil-
homme français qui a tenu dix-huit jours dans une
avant-scène sans rien prendre qu'un peu de bouillon.
Cet épisode de la guerre des Balcons a beaucoup fait
pour les engagements volontaires en province. Et je
sais, au bord de ma rivière, sous mes arbres, trois frères
en uniformes tout neufs qui se sont embrassés les yeux
secs, tandis que leurs familles cherchaient des tricots
dans les armoires des mansardes.

p.30-31
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DEUXIÈME PARTIE
GÉNÉROSITÉ ESPAGNOLE


 Par un Espagnol de mes amis, le roi d'Espagne m'a
fait donner trois gros diamants sur une chemise, une
collerette de dentelle sur une veste de toréador, un
portefeuille contenant des recommandations sur la
conduite de la vie. Voitures ! boulevards, visites chez
des amis : la bonne couchera-t-elle avec moi ? M. S. L. a
tendu la main à G. A. qui la lui a refusée sans motifs.
Je suis raccommodé avec les Y... Or, voici qu'à la Biblio-
thèque nationale je m'aperçois que je suis surveillé.
Quatre employés s'avancent vers moi avec une épée de
poupée chaque fois que je cherche à lire certains livres.
Enfin un tout jeune groom s'avance : « Venez ! » me dit-il.
Il me montre un puits caché derrière les livres ; il me
montre une roue de planches qui a l'air d'un instrument
de supplices : « Vous lisez des livres sur l'Inquisition,
vous êtes condamné à mort ! » et je vis que sur ma manche
on avait brodé une tête de mort : « Combien ? dis-je. —
Combien pouvez-vous donner ? — Quinze francs. —
C'est trop, dit le groom. — Je vous les donnerai lundi. »
La générosité du roi d'Espagne avait attiré l'attention
de l'Inquisition.

p.170
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Mon cheval a buté dans les doubles croches! Les notes éclaboussent jusqu'au ciel vert de mon âme : le huitième Ciel!

Apollon fut docteur et moi je suis pianiste de cœur, sinon de fait. Il faudrait, avec les bémols et les groupes de barres, décharger des steamers griffonnés, ramasser les étendards minuscules pour composer des cantiques.

Le minuscule, c’est l’énorme! celui qui a conçu Napoléon comme un insecte entre deux branches d’arbre, qui lui a peint un nez trop grand à l’aquarelle, qui a figuré sa cour avec des couleurs trop tendres, n’était-il pas plus grand que Napoléon lui-même, ô Ataman Praiapati!

Le minuscule, c’est la note!
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Première partie
POÈME DE LA LUNE


 Il y a sur la nuit trois champignons qui sont la lune.
Aussi brusquement que chante le coucou d'une hor-
loge, ils se disposent autrement à minuit chaque mois.
Il y a dans le jardin des fleurs rares qui sont de petits
hommes couchés, cent, c'est les reflets d'un miroir.
Il y a dans ma chambre obscure une navette lumineuse
qui rôde, puis deux… des aérostats phosphorescents,
c'est les reflets d'un miroir. Il y a dans ma tête une abeille
qui parle.

p.76
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            PREMIÈRE PARTIE
          POÈME DÉCLAMATOIRE


  Ce n'est ni l'horreur du crépuscule blanc, ni l'aube
blafarde que la lune refuse d'éclairer, c'est la lumière
triste des rêves où vous flottez coiffées de paillettes,
Républiques, Défaites, Gloires! Quelles sont ces Par-
ques ? quelles sont ces Furies ? est-ce la France en bonnet
phrygien ? est-ce toi, Angleterre ? est-ce l'Europe ? est-ce
la Terre sur le Taureau-nuage de Minos ? Il y a un grand
calme dans l'air et Napoléon écoute la musique du silence
sur le plateau de Waterloo. O Lune, que tes cornes le
protègent ! il y a une larme sur ses joues pâles ! si inté-
ressant est le défilé des fantômes. « Salut à toi ! salut !
nos chevaux ont les crinières mouillées de rosée, nous
sommes les cuirassiers ! nos casques brillent comme
des étoiles et, dans l'ombre, nos bataillons poudreux
sont comme la main divine du destin. Napoléon ! Napo-
léon ! nous sommes nés et nous sommes morts. —
Chargez ! chargez ! fantômes ! j'ordonne qu'on charge ! »
La lumière ricane : les cuirassiers saluent de l'épée et
ricanent ; ils n'ont plus ni os, ni chair. Alors, Napoléon
écoute la musique du silence et se repent, car où sont
les forces que Dieu lui avait données ? Mais voici un
tambour ! C'est un enfant qui joue du tambour : sur
son haut bonnet à poils, il y a un drap rouge et cet enfant-
là est bien vivant : c'est la France ! Ce n'est ici main-
tenant autour du plateau de Waterloo, dans la lumière
triste des rêves où vous flottez, coiffées de paillettes,
Républiques, Défaites, Gloires, ni l'horreur du cré-
puscule blanc, ni l'aube blafarde que la lune refuse
d'éclairer.

p.41-42
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Videos de Max Jacob (15) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Max Jacob
« Montparnasse : quand Paris éclairait le monde » de Mathyeu le Bal, préfacé par Jeanine Warnod : un livre événement publié chez Albin Michel et disponible dans toutes les bonnes librairies.
« L'arrivée en masse des artistes d'Europe centrale, des Américains, Japonais, Italiens… attirés par la France, constitua un formidable melting-pot. “ L'École de Paris “ était née. » Jeanine Warnod
Au début du XXe siècle, tous les boulevards du monde convergèrent vers Montparnasse, drainant des artistes aux mille parcours.
Ces fils de l'exil vont poser leur valise près du carrefour Vavin où s'exprimera un langage commun : la création. Ce livre unique en son genre raconte dans son extraordinaire globalité ce moment unique dans l'histoire pendant lequel un quartier de Paris fut la capitale mondiale de l'art.
« En 1913, Apollinaire descendait de la Butte Montmartre avec mon père* lui récitant ses premiers vers « d'Alcools ». Ils retrouvaient Paul Fort, André Salmon, Max Jacob à La Closerie des Lilas où des joutes de poésie occupaient toutes les nuits… »
Le célèbre critique d'art André Warnod, qui inventa le terme d'École de Paris dans son livre de référence, publié en 1925 chez Albin Michel.
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