Vous voulez être surpris, tout le temps surpris ? Et bousculés ? Lisez ça. Vous allez rencontrer des fantômes et traverser le temps, vous allez côtoyer des coupables qui ne le sont pas et finalement le sont, on va vous faire tourner en bourrique et vous allez adorer ça.
Je dis « vous » parce que je n'ai pas l'habitude de ce genre de romans. Il me semble néanmoins que cette année, ce prix a récompensé un vrai talent de narrateur. Celui qui a ce talent a une longue barbe et une chemise de bûcheron (j'ai regardé les photos). Il a aussi une mère étonnée par les qualités littéraires de son fils, comme quoi on ne connaît pas vraiment ses enfants. Son héros est plutôt beau gosse (mais ça va se gâter), il est rasé de très près, marche dans des Doc Martens et vit à Valenciennes. Nous sommes en 1995, on paye encore en Francs. Joël, c'est son nom, est policier et va se retrouver aux prises avec le démon, comme pas mal d'autres avant lui. Tout ça parce qu'une chose terrible s'est produite dans un pensionnat, en
1974 (d'où le titre) : il y avait Marie, Jacques, Simon, Sophia, Denis, Hélène. Trois de ces jeunes gens sont morts et pourquoi ? de rebondissement en rebondissement, de macabre découverte en scène d'horreur, Joël va découvrir l'histoire tragique de deux soeurs. Au passage, ça sent la mort et la mort ne sent vraiment pas bon, une femme voilée de noir hante les pages, une jeune fille au prénom de Vierge se mange le bras, les corps se décomposent et il y a du sang partout, avec un cadavre ficelé comme un rôti, des bustes sans jambes et des entrailles qui pendent. C'est l'Enfer de
Dante à la sauce contemporaine. Mais tout cela échappe à la caricature, parce que l'auteur tient les rênes de son récit d'une façon magistrale, avec une alternance de scènes cauchemardesques et de moments de calme qui sentent la cigarette et le café (il y a pire) et un jeu de fausses pistes pour nous dérouter. Avec des gros plans sur des regards affolés et qui affolent le lecteur –l'image d'abord, l'explication vient après. Avec la petite phrase magique qui signale le policier-thriller réussi : « Depuis le début, on se plante ».
Et je me disais, en lisant ce roman : imaginons que dans deux siècles on se demande à quoi pouvait ressembler le roman vers 2016, de la même façon qu'on s'interroge aujourd'hui sur le roman balzacien. Imaginons qu'on prenne ce roman comme référence, parce qu'il a reçu le prix des plumes francophones (qui sera peut-être l'équivalent du Goncourt dans deux siècles, qui sait). On dégagerait les ingrédients suivants, nécessaires au genre:
-beaucoup de sang, de chair flasque et de peau qui tombe.
-un héros droit et honnête et qui a « la boule au ventre », expression incontournable, avec « le visage couleur de craie ».
-un héros en perdition, avec un passé douloureux.
-des adjuvants, parmi lesquels une femme mais il ne lui saute pas dessus, c'est un bon garçon.
-un rival mastodonte et bête.
-un symbole (sa plaque de policier)
-l'arrivée de la police scientifique, comme à la télé.
-le thème de la gemelléité
-le cannibalisme (bien vu chez les autoédités comme chez les grands éditeurs)
-et évidemment, parce que ce serait dommage de s'en passer quand c'est un homme qui écrit: une scène de fellation.
-et enfin, parce que je suis mauvaise langue, la petite phrase qui dérape (mais notre héros a bu de la tékila) : « D'habitude, ce sont aux hommes de le faire ». Quand il arrêtera de boire, il se corrigera.
Je ne sais pas ce que nos descendants penseront de ce roman, j'ignore s'ils seront eux aussi les victimes du Diable et s'ils croiront aux fantômes, tout ce que je sais c'est qu'ils se diront qu'à cette époque-là, les jeunes auteurs avaient une sacrée imagination !
Vous voulez être surpris, tout le temps surpris ? Et bousculés ? Lisez ça. Vous allez rencontrer des fantômes et traverser le temps, vous allez côtoyer des coupables qui ne le sont pas et finalement le sont, on va vous faire tourner en bourrique et vous allez adorer ça.
Je dis « vous » parce que je n'ai pas l'habitude de ce genre de romans. Il me semble néanmoins que cette année, ce prix a récompensé un vrai talent de narrateur. Celui qui a ce talent a une longue barbe et une chemise de bûcheron (j'ai regardé les photos). Il a aussi une mère étonnée par les qualités littéraires de son fils, comme quoi on ne connaît pas vraiment ses enfants. Son héros est plutôt beau gosse (mais ça va se gâter), il est rasé de très près, marche dans des Doc Martens et vit à Valenciennes. Nous sommes en 1995, on paye encore en Francs. Joël, c'est son nom, est policier et va se retrouver aux prises avec le démon, comme pas mal d'autres avant lui. Tout ça parce qu'une chose terrible s'est produite dans un pensionnat, en
1974 (d'où le titre) : il y avait Marie, Jacques, Simon, Sophia, Denis, Hélène. Trois de ces jeunes gens sont morts et pourquoi ? de rebondissement en rebondissement, de macabre découverte en scène d'horreur, Joël va découvrir l'histoire tragique de deux soeurs. Au passage, ça sent la mort et la mort ne sent vraiment pas bon, une femme voilée de noir hante les pages, une jeune fille au prénom de Vierge se mange le bras, les corps se décomposent et il y a du sang partout, avec un cadavre ficelé comme un rôti, des bustes sans jambes et des entrailles qui pendent. C'est l'Enfer de
Dante à la sauce contemporaine. Mais tout cela échappe à la caricature, parce que l'auteur tient les rênes de son récit d'une façon magistrale, avec une alternance de scènes cauchemardesques et de moments de calme qui sentent la cigarette et le café (il y a pire) et un jeu de fausses pistes pour nous dérouter. Avec des gros plans sur des regards affolés et qui affolent le lecteur –l'image d'abord, l'explication vient après. Avec la petite phrase magique qui signale le policier-thriller réussi : « Depuis le début, on se plante ».
Et je me disais, en lisant ce roman : imaginons que dans deux siècles on se demande à quoi pouvait ressembler le roman vers 2016, de la même façon qu'on s'interroge aujourd'hui sur le roman balzacien. Imaginons qu'on prenne ce roman comme référence, parce qu'il a reçu le prix des plumes francophones (qui sera peut-être l'équivalent du Goncourt dans deux siècles, qui sait). On dégagerait les ingrédients suivants, nécessaires au genre:
-beaucoup de sang, de chair flasque et de peau qui tombe.
-un héros droit et honnête et qui a « la boule au ventre », expression incontournable, avec « le visage couleur de craie ».
-un héros en perdition, avec un passé douloureux.
-des adjuvants, parmi lesquels une femme mais il ne lui saute pas dessus, c'est un bon garçon.
-un rival mastodonte et bête.
-un symbole (sa plaque de policier)
-l'arrivée de la police scientifique, comme à la télé.
-le thème de la gemelléité
-le cannibalisme (bien vu chez les autoédités comme chez les grands éditeurs)
-et évidemment, parce que ce serait dommage de s'en passer quand c'est un homme qui écrit: une scène de fellation.
-et enfin, parce que je suis mauvaise langue, la petite phrase qui dérape (mais notre héros a bu de la tékila) : « D'habitude, ce sont aux hommes de le faire ». Quand il arrêtera de boire, il se corrigera.
Je ne sais pas ce que nos descendants penseront de ce roman, j'ignore s'ils seront eux aussi les victimes du Diable et s'ils croiront aux fantômes, tout ce que je sais c'est qu'ils se diront qu'à cette époque-là, les jeunes auteurs avaient une sacrée imagination !
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