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sur 688 notes
Micheline, tu peux rajouter un cinq étoiles dans ton guide !
Je ne sais pas si c'est le manque de restaurants, mais j'étoile plus qu'un astronome insomniaque en ce moment, prêt à éclipser Hubert Reeves.
Je n'ai pas eu besoin de sept ans de réflexions pour me lancer dans la lecture du dernier roman de Jonathan Coe dès sa sortie du four. Certains l'aiment chaud.
Après avoir comparé le Brexit à un gouffre aux chimères dans « le Coeur de L'Angleterre », l'auteur a retiré sa veste de témoin à charge pour nous offrir une merveille de faux biopic pas très bio du réalisateur mythique Billy Wilder.
En avanti pour un voyage nostalgique ! En 2013, Calista, une quinqua d'origine grecque qui voit ses deux enfants quitter le nid et le succès de ses musiques de films emprunter le boulevard du crépuscule, se remémore sa rencontre fortuite avec l'immense réalisateur aux Etats Unis dans les années 70. Sa candeur séduit le maître qui l'embauche comme assistante sur le tournage de son dernier grand film, « Fedora », qu'il tourne en Europe et dans une île grecque.
Ce roman est un chef d'oeuvre d'humour et d'élégance. Jonathan Coe s'est rabiboché avec la comédie et il ne cache pas son immense admiration pour ce réalisateur. L'histoire met en lumière également Diamond, scénariste légendaire et taciturne de Billy Wilder. Les dialogues sont dignes de ses films.
Deux scènes qui se déroulent dans des restaurants (et oui, mon incipit n'était pas totalement innocent) à Los Angeles et à Munich servent de pivots à l'histoire et constituent pour moi deux grands moments de littérature. le premier repas aux States offre des joutes raffinées irrésistibles sur la fin de l'âge d'or Hollywoodien et sur ces nouveaux réalisateurs barbus des années 70 dont les requins aux dents longues dévorent le cinéma de papa. En Allemagne, échaudé par un jeune homme doutant de l'ampleur de l'Holocauste, Billy Wilder se met à table et raconte ses heures à visionnées en Angleterre toutes les images insoutenables des camps de concentration à la fin de la guerre à la recherche de sa mère, disparue et déportée. Pas d'assurance sur la mort. Racontée sous la forme d'un scénario, la description de cet épisode est prodigieuse. Un grand moment de lecture.
Ce livre très documenté est aussi l'occasion de décrire des anecdotes savoureuses de tournages, l'échec de certains de ses films comme la vie privée de Sherlock Holmes, l'exigence tatillonne du réalisateur, ses amours passés et sa lucidité sur le point de bascule entre célébrité et postérité.
Le personnage de Calista peut paraître un peu fade au fil du récit. Douce comme Irma et souvent un trop naïve, pas du genre à dire au garçon qui lui plait : Embrasse-moi idiot ! Ce n'est pas la Scandaleuse de Berlin et sa robe de cocktail ne se soulèvera pas au-dessus d'une bouche bée d'aération du métro mais je pense que ce rôle un peu effacé est une volonté de l'auteur. Dans ce récit, la narratrice a comme le lecteur un rôle de spectatrice.
Ce roman est une garçonnière pleine d'esprit, de répliques cultes, délices pour mes papilles acidulées. Ni un, ni deux, ni trois, je relirai ce roman un paquet de fois. C'est Coe mique.
Il ne me reste plus qu'à revoir ou découvrir Fédora, Sabrina et la dizaine de films de Billy Wilder dont j'ai glissé les titres dans ce petit billet.


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Après avoir savourer ce livre, je ne sais quoi dire de plus que vos critiques toutes plus talentueuses les unes des autres. Pour ma part, c'est mon coup de coeur 2021 du moins le coup de coeur de ce premier semestre. Si j'avais pu mettre six étoiles, je l'aurai fait.
Voilà pour ma réaction à chaud.
C'est le premier livre de cet auteur, Jonathan Coe, mais sans doute pas le dernier. Je connais son talent d'écriture et cela faisait longtemps que je voulais en lire un, aujourd'hui c'est chose faite.
Par contre, Billy Wilder, j'ai vu nombre de ses films, pas tous malheureusement (mais je n'ai pas dit mon dernier mot), c'est un réalisateur que j'aime beaucoup. C'est la motivation que j'ai eu l'envie de lire ce livre et je n'ai pas été déçue.
Calista, notre héroïne, grecque de naissance vit à Londres avec son mari Geoffrey et ses jumelles de filles. L'une va partir en Australie continuer ses études et l'autre, étudiante également, vit encore à la maison, est enceinte et veut se faire avorter.
Calista nous raconte ses souvenirs de jeunesse en Grèce et notamment ceux d'un été en 1977, elle a à peine 20 ans et décide de partir aux États-Unis en sac à dos. Lors d'un périple, elle rencontre, Gill, une jeune anglaise de son âge et traverse d'est en ouest, le pays de l'oncle Sam. Après bien des aventures, elles arrivent en Californie. Gill est invitée à un dîner par un ami de son père, le réalisateur Billy Wilder. Mais les deux jeunes filles ne connaissent pas ce grand Monsieur de cinéma. Grâce à ce dîner, Calista, va faire un bout de chemin dans le monde du cinéma. Elle va assister au tournage d'un film "Fedora" qui fera polémique.
Je ne vous en dirais pas plus sur l'histoire mais sachez que vous n'allez pas vous y ennuyer.
Ce qui m'a plu : tout. Je m'explique : l'écriture est superbe tout en étant accessible. Il peut être lu à différents niveaux de connaissances cinématographiques. Billy Wilder est un de mes réalisateur préféré. le film dont on parle beaucoup dans ce livre "Fedora" je l'ai vu, il y a quelques années mais ça donne envie de le revoir. le début et la fin du livre ont un ton léger, nous sommes dans la vision de la jeune Calista, de sa découverte du cinéma hollywoodien. Et la partie centrale du livre est la vision de Billy Wilder, septuagénaire, allemand de naissance, natif de Berlin et parlant de sa jeunesse pendant la seconde guerre mondiale.
C'est un livre, léger et percutant à la fois, drôle et dramatique. Un livre touchant, un véritable coup de coeur.
J'ai bien aimé également l'hommage au brie de Meaux et de Melun, vu que j'habite en Seine-et-Marne.
Si vous aimez l'auteur et le cinéma, je vous le conseille bien volontiers.

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Londres 2013. Musicienne d'origine grecque, mère de deux jeunes filles, Calista va bientôt avoir soixante ans. Elle pressent confusément que sa carrière de compositrice de musique pour le cinéma touche à sa fin. Sa fille cadette est tombée enceinte par « accident » et se prépare à avorter. Tandis qu'elle emmène sa fille aînée, en partance pour un voyage de quelques mois à Sidney, à Heathrow, Calista réalise que son rôle de mère pourrait lui aussi bientôt changer de nature.

Plongée dans ses pensées crépusculaires, elle repense à l'été 1976, durant lequel elle a quitté la Grèce pour découvrir l'Amérique. En arrivant à Los Angeles elle va faire une rencontre qui marquera durablement son existence : elle se retrouve par un improbable hasard à la table du célèbre cinéaste Billy Wilder. Entre la jeune femme un peu timide et le réalisateur vieillissant, se noue une forme de complicité immédiate. Si bien que quelques mois plus tard, Billy Wilder fait appel à Calista pour être son interprète durant le tournage en Grèce de son nouveau film « Fedora ».

Le temps d'un tournage en Grèce puis en Allemagne et en France, l'héroïne vivra un moment hors du temps en compagnie de l'équipe du tournage orchestré par Wilder et son fidèle scénariste Iz Diamond. Un moment hors des contingences du quotidien, léger et joyeux. Et pourtant. le retour en Allemagne de Wilder ramène à la surface les souvenirs d'un jeune juif qui a quitté l'Autriche pour fuir la barbarie nazie, et qui est toujours hanté par le souvenir de sa mère disparue pendant la seconde guerre.

Dans ce roman pour cinéphiles, Jonathan Coe quitte son thème de prédilection, la chronique sociale d'une certaine Angleterre, qui s'attache à décrire un pays en pleine mutation dans « Testament à l'anglaise » ou « Bienvenue au club ». En revenant sur l'âge d'or d'Hollywood, il dessine un tableau teinté de nostalgie mais bien vivant, celui du déclin de la génération de Wilder et de Lubitsch, qui « pouvait faire davantage avec une porte fermée que la plupart des cinéastes avec une braguette ouverte », et de l'avènement d'une nouvelle génération (Scorcese, Spielberg) que Wilder appelle avec une ironie affectueuse « les jeunes barbus ».

« Mr Wilder et Moi » est un roman doux-amer, porté par l'élégance « so british » de la plume de Jonathan Coe. Un roman souvent joyeux, qui revient pourtant sur la Shoah et la disparition de la mère de Wilder, qui ne cesse de tourmenter le réalisateur de « Certains l'aiment chaud ». le souvenir des atrocités commises par les nazis est abordé avec un tact très anglais par l'auteur, qui nous rappelle que « les pessimistes ont fini à Beverly Hills et les optimistes à Auschwitz ».

Le roman repose évidemment sur le parallèle jamais explicité entre Billy Wilder qui comprend que ses grands succès sont derrière lui et la narratrice qui constate qu'elle est, des décennies plus tard, elle aussi au crépuscule de sa carrière de compositrice. « Mr Wilder et moi » est un roman foisonnant, léger et profond, empli de drôlerie et de tristesse, qui nous rappelle qu'avec « le temps va, tout s'en va », et évoque la disparition inéluctable d'un présent ré-enchanté par ces instants touchés par la grâce dont Wilder a le secret.

Jonathan Coe nous narre un Billy Wilder déjà âgé et conscient de son déclin, qui fait face à ses démons enfouis au creux de l'holocauste, et reste néanmoins ce cinéaste génial et virevoltant, à l'humour incroyablement corrosif. le roman nous plonge au coeur de l'été caniculaire de 1976, nous emporte dans les îles grecques entourées d'une eau turquoise, nous permet de croiser Al Pacino et sa petite amie Marthe Keller, tout en nous offrant une réflexion touchante sur le temps qui passe ainsi qu'un portrait haut en couleur d'un grand cinéaste du siècle dernier : Mr Wilder.


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On est en 1977 et une jeune fille, Calista , quitte la Grèce pour un voyage aux USA, elle y rencontrera tout à fait par hasard le metteur en scène Billy Wilder , (et son scénariste ) qui s'apprêtent à tourner Fedora, son avant dernier film, et qui auront besoin pour les scènes tournées sur l'île, d'une interprète. Elle passera quelques jours en compagnie de l'équipe, quelques jours qui marqueront son destin..

On est en Angleterre, Calista a désormais 57 ans, et se souvient de ces années -là. Elle est devenue créatrice de musiques de films, métier qu'elle doit aux personnes qu'elle a rencontré sur Fedora.
Ses deux filles s'apprêtent à quitter le nid, elle a du mal à y faire face. L'une d'elle est enceinte et envisage l'avortement afin de ne pas renoncer à l'université.

Roman d'apprentissage, roman sur le temps qui passe, sur la vieillesse qui arrive, sur ce qu'elle enlève aux gens.
Parallèle entre Billy Wilder et Calista qui ne se voient plus offrir de belles opportunités professionnelles.
Billy Wilder n'est plus "bankable" auprès des studios hollywoodiens ; Fedora est son chant du cygne. Il est devenu ringard, la nouvelle génération de metteurs en scène ( Sorsese, Spielberg...) arrivent , et le poussent gentiment vers la sortie. Fedora aura un accueil mitigé, certains spectateurs riront pendant certaines scènes, ce qui n'était pas prévu..;
Calista, qui voit partir ses filles ,lesquelles vont " vivre leur vie" , la maman a fini son "boulot" de maman... Qui va t'elle aimer aussi fort ? Que va-t'elle pouvoir faire d'aussi fort que d'élever des enfants, les chérir et les préparer au monde ?
Roman qui interroge sur ce qu'on laisse . Quelle trace ?
Une oeuvre artistique, des enfants, quelque chose pour être immortels , au moins dans le souvenir ...
Et enfin, "Billy Wilder et moi " c'est aussi le roman d'un cinéphile pour des cinéphiles... Parce qu'il faut avoir vu Fedora pour comprendre, aimer, et ne pas s'ennuyer à la lecture de ce roman (à mon avis !).
Le film Fedora, c'est l'histoire (au début parce qu'après ça se "corse" !), d'une actrice vieillissante qui a pris congé du monde, qui vit recluse dans sa propriété sur une île grecque. Plus personne ne peut la voir, aucun journaliste. La star vieillit et n'a plus envie d'être vue, scrutée, soupesée, évaluée, jugée. Est-elle bien "conservée" ? Est-elle encore belle ? N' est-elle plus que l'ombre d'elle même ? Nul ne le sait ...
Film sur la vieillesse, livre sur la vieillesse.
Jonathan Coe (l'écrivain reconnu) fait dire à Billy Wilder ( Légende du cinéma ) : " Dès qu'une femme perd sa beauté , c'est fini. Elle est invisible." et une page avant : " Mais c'est différent pour les hommes et pour les femmes. Pour moi, vieillir est un désagrément. Pour les femmes, c'est une tragédie. Et je l'ai constaté par moi-même. Je l'ai vu de mes propres yeux."
Fedora raconte une tragédie : une star, une femme magnifique qui vieillit et tout ce qui sera mis en place pour éviter cela... Une tragédie : pas d'autre mot !
Un film sublime malgré ses imperfections, un des films qui m'a le plus marquée, peut-être parce que je l'ai vu jeune, à l'heure où l'on se forme...
Mais certainement , un film qui m'a percutée parce que je l'ai vu à une époque où j'étais cinéphile, où je lisais tout ce que je pouvais sur le vieil Hollywood, comment il était né, comment il était passé du noir et blanc à la couleur, du muet au parlant.
Et forcément quand on est cinéphile, Fedora c'est Greta Garbo qui l'a inspiré. Cette star qui a refusé de vieillir devant les caméras, et qui a pris sa "retraite" au sommet de sa gloire et de sa beauté , comme Fedora.
Il y a beaucoup de choses dans ce roman, beaucoup de "boites " à ouvrir, de tiroirs qui se répondent, de poupées russes... Roman d'apprentissage, éloge de la lenteur au cinéma, roman de cinéphile etc...
Mais ce qu'il ressort quand claque le mot " FIN", c'est une furieuse envie de revoir Fedora, et une pressante envie de découvrir (ou revoir ) tous les films de Mr Wilder.
Et aussi ceux de Mr Lubitsch , puisqu'il est question de The shop around the corner , un magnifique film.. (remake : @Vous avez un message).
Et quand un roman vous donne envie de découvrir les créations d'autres créateurs, quand un écrivain vous fait partager ses coups de coeurs, ses influences, ça s'appelle un hommage, un grand cri d'amour au cinéma .
Billy Wilder et moi, Et vous, et Jonathan Coe, et Lubitch , et Al Pacino, et Spielberg etc... etc... Et Marthe Keller ; bien sûr...
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Ah ! Jonathan Coe !.... Sans doute l'auteur qui ne m'a jamais déçue !
Là je l'avoue j'avais une petite crainte : on quittait l'Angleterre, le titre fleurait bon la biographie limite l'hagiographie (et pourtant j'aime les films de Wilder !).... Pourquoi ai-je eu cette crainte ? Ce livre est aussi bien que les autres romans de Coe même si l'Angleterre est loin. En revanche on est en plein dans le temps qui passe, le talent qui s'amenuise, les doutes qui s'accrochent de plus en plus....
Ce livre tourne autour du film Fedora, avant-dernier du merveilleux cinéaste. Je l'avoue je ne connais pas ce film. Mais je ne pense pas que ça gêne la lecture du livre. J'imagine que celles et ceux qui ont le film en tête ont dû lire le livre différemment de moi. Mais "différemment" ne veut pas dire mieux ou moins bien.
.
Je me suis régalée du début à la fin. J'ai terminé le livre en ayant envie de voir toute la filmographie de Billy Wilder. Toute ? En fait je ne sais pas si j'ai envie de voir Fedora désormais, j'ai peur d'avoir trop le livre en tête pour savourer pleinement le film.... Associer un suicide avec du Brie, dur non ? Pour connaître le fin mot de ma remarque précédente je ne peux que vous inviter à lire ce livre parfois drôle, parfois douloureux, toujours humain.
Encore une réussite de J Coe !
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Une écriture fluide pour évoquer un géant du cinéma à la fin de sa carrière, alors que de jeunes et talentueux réalisateurs commencent à le pousser dehors. Que faire quand le monde ne veut plus de ce que vous lui apportez ?
Billy Wilder et moi témoigne aussi la recherche de sa famille par le réalisateur, un passage poignant.
Calista accompagne son amie Gill à un dîner avec un ami de son père, un homme déjà âgé dont le nom ne lui dit rien : Billy Wilder. Plus tard, alors que Calista est rentrée en Grèce, elle est contactée par le cinéaste pour être l'interprète de l'équipe à Corfou, où sera, en partie, tourné son avant-dernier : Fedora. Une parenthèse enchantée s'ouvre pour la jeune fille, elle ne l'oubliera jamais.
Billy Wilder et moi est, bien sûr, l'occasion d'en savoir plus sur le mythique réalisateur des films Boulevard du Crépuscule, Sept ans de réflexion ou Certains l'aiment chaud. le récit de Billy Wilder, sous forme de script, sur son retour en Europe alors qu'il cherche sa mère est émouvant.
Le thème du livre est original : que faire quand on n'a plus rien à apporter au monde parce que des jeunes ont de nouvelles idées, plus adaptées ? C'est le cas de Billy Wilder confronté aux « jeunes barbus », Steven Spielberg, Francis Ford Coppola et autres, mais c'est aussi le cas de Calista, des années plus tard, dont les filles n'ont plus besoin d'elle et dont la musique n'est plus demandée. le livre apporte deux réponses différentes.

Lien : https://dequoilire.com/billy..
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Je suis tombé sous le charme du livre dès ses premières pages. Un charme quelque peu old fashioned, à l'image de son personnage principal et des réalisations au grand écran qui l'avaient rendu célèbre dans les années cinquante. Un charme très british à l'instar de son auteur, Jonathan Coe.

Cet écrivain est connu pour la finesse de ses observations des moeurs britanniques. Billy Wilder et moi dégage une atmosphère fraiche comme un été anglais, encore qu'en matière de météo, nous n'ayons actuellement rien à envier à nos amis d'outre-Manche. Pour les besoins de la fiction qu'il avait en tête, l'auteur a confié la narration à une Londonienne d'adoption, d'origine grecque. Née il y a une soixantaine d'années dans une famille modeste, un père grec, une mère anglaise, Calista avait vécu à Athènes jusqu'à l'âge de vingt-cinq ans. Aujourd'hui mariée à un Anglais, mère de deux jeunes femmes et compositrice de musique de film, l'évocation de Billy Wilder lors d'un entretien professionnel la plonge dans des souvenirs de jeunesse datant de quarante ans : une traversée des États-Unis, sac au dos, en car Greyhound.

Lors de ce périple, Calista qui venait d'avoir vingt-et-un ans s'était trouvée, très fortuitement, dans un restaurant renommé de Beverly Hills à la table de personnes âgées, parmi lesquelles un certain Billy Wilder, un nom qui ne lui disait rien et dont elle découvrait que c'était celui d'un réalisateur hollywoodien célébrissime. Elle n'avait pas vu ses films, car les Colonels dont la Grèce avait subi le joug censuraient des productions américaines jugées licencieuses. de fil en aiguille et grâce à son bilinguisme anglais grec, Calista s'était retrouvée sur l'île de Corfou, dans l'équipe du tournage des extérieurs de Fedora, l'un des derniers films du réalisateur, dont Certains l'aiment chaud et La Garçonnière avaient assuré la gloire et la fortune vingt ans plus tôt.

Le livre présente un côté people amusant. En compagnie de Billy Wilder et de Calista, au détour des événements à Corfou, Munich et Paris, on dîne avec Marthe Keller, Al Pacino, William Holden et d'autres. Les anecdotes sont enlevées, cocasses ; on aime bien. L'humour de Billy Wilder est parfois éculé, ce qui ne nous empêche pas de sourire. Mais dans certains chapitres, le ton devient grave, la comédie prend une tournure dramatique. Natif de Vienne et installé dans sa jeunesse à Berlin, Billy Wilder évoque les circonstances l'ayant conduit à quitter L'Europe après l'arrivée au pouvoir d'Hitler. Revenu à la fin de la guerre au sein de l'armée américaine, il participe au montage d'images filmées lors de la libération des camps de concentration et recherche vainement sa famille, disparue sans laisser de traces dans les nuits et les brouillards du Reich nazi.

Deux fictions sont enchâssées, celle des souvenirs et celle du présent ; une structure littéraire habile consistant à brosser le portrait d'un homme et de son environnement, vus par les yeux d'une jeune femme ingénue et naïve. Cette façon d'appréhender la nature intime d'un personnage historique (ou d'une célébrité) s'avère bien plus vivante et plaisante qu'une austère et scolaire biographie. La plume de Jonathan Coe est fine, légère, sans pathos ni emphase. Son insertion dans la personnalité d'une femme est une performance d'écrivain masculin qu'il faut saluer (J'espère que personne ne criera à l'appropriation culturelle !). Quant au règlement de comptes entre Billy Wilder et les Allemands, on aime ou on n'aime pas sa mise en scène scénarisée, peu importe !

La lecture incite à la méditation ; le temps qui passe, les générations qui tournent, les tendances qui émergent tandis que d'autres se démodent, les talents qui se révèlent et qui effacent leurs aînés… Sous le regard un peu amer de Billy Wilder s'engage le règne de jeunes réalisateurs barbus (Spielberg, Scorsese…), ringardisant leurs prédécesseurs aux allures de vieux messieurs proprets.

On passe du temps à table. L'auteur développe une évidente appétence pour la gastronomie fine. Al Pacino est montré du doigt parce que dans les meilleurs restaurants, il se fait servir des cheeseburgers. le chateaubriand et la crème brûlée de Los Angeles mettent l'eau à la bouche, le jambonneau de Munich aussi. Mais le must absolu, c'est le Brie de Meaux, dégusté religieusement par Billy Wilder et Calista dans une ferme de Seine-et-Marne. Je me suis précipité chez le fromager pour les rejoindre.

Lien : http://cavamieuxenlecrivant...
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Qui n'a jamais rêvé de quitter son train-train habituel, sa petite vie étriquée, pour côtoyer subitement des vedettes de cinéma et un grand réalisateur ? Voilà un autre grand coup de coeur de l'année pour moi, avec une nouvelle fois un auteur britannique – Jonathan Coe – au sommet de son art littéraire.

C'est ce qui va arriver à la petite Calista, originaire d'Athènes, mais en voyage aux Etats-Unis, qui, par le plus grand des hasards, parce qu'elle a rencontré une fille sympa qui voyage elle aussi, et que celle-ci est invitée chez un ami de ses parents, va se retrouver subitement propulsée à Los Angeles à la table d'un très grand metteur en scène hollywoodien dont elle a à peine entendu parler, et, après un repas pantagruélique se retrouvait à dormir chez lui ayant un peu trop abusé de l'alcool qu'elle maîtrise mal du fait de sa jeunesse.
L'histoire aurait pu s'arrêter là et Jonathan Coe n'aurait pas fait un grand livre. Mais il se trouve que le grand metteur en scène – Billy Wilder, vous vous en doutiez – doit tourner en Grèce et qu'il se souvient de la petite Calista qu'il fait venir pour assurer la traduction (il faut dire qu'elle est bilingue anglais – par sa mère – et grecque – par son père). En fait il va surtout devenir la confidente et l'assistante du scénariste, Mr Iz Diamond, qui est le double de Billy Wilder dans tous ses films. Celui-ci veille comme sur la prunelle de ses yeux à ce que les acteurs respectent le texte qui a été écrit à la virgule près – une autre époque, comme on le comprend très vite.
Et quand encore Mr Diamond invite Calista à la suivre à Munich pour la suite du tournage, la jeune Calista est au firmament – ou presque. Il faut avouer que le grand cinéaste a quelques problèmes avec les producteurs hollywoodiens, et que seuls les Allemands ont accepté de financer son projet.

Jonathan Coe alterne habilement le récit de cette époque merveilleuse pour la jeune Grecque avec celle de Calista devenue adulte, dotée d'un mari et de deux filles, vivant en Angleterre, et entre temps étant devenue compositrice de musiques de films.

Nous sommes en 1978. Billy Wilder, qui a connu le succès avec son coscénariste, adapte à ce moment une nouvelle dont il garde le titre, Fedora », l'histoire d'une star déchue du cinéma, retirée dans une île grecque. Mais pour le grand réalisateur, c'est le « champ du cygne » : de jeunes réalisateurs ont conquis Hollywood, caméra à l'épaule ou dialogues sur le vif adaptés par les acteurs, des « barbus » comme il les nomme – il y est question du jeune Spielberg qui a fait un film sur un requin ( !), de Scorsese ou de Coppola - qui vont bientôt faire de lui un réalisateur dépassé, ou pire un « has-been ».

Au coeur du roman, Jonathan Coe se risque à glisser l'écriture d'un scénario. Et c'est très réussi. Preuve que le grand auteur britannique est à l'aise dans tous les genres. Très bel hommage à Billy Wilder, qu'on redécouvre aujourd'hui, et à l'univers du cinéma en général, que l'auteur a su si bien capter (L'auteur indique dans la dernière partie les emprunts à de vraies citations dont il parsème son récit).

Jonathan Coe renoue ici avec une tradition littéraire qui a déjà fait son succès ; on retrouve des accents de « La pluie, avant qu'elle tombe », avec ses allers et retours dans le passé plein de nostalgie et de tendresse pour ses personnages.
Calista est un personnage vraiment attachant, ce genre de jeune femme qu'on aurait aimé connaître, et on comprend que le scénariste attitré, beaucoup plus âgé qu'elle, se prenne d'affection pour une toute jeune femme qui ne connaît rien au cinéma.

Mais la scène la plus succulente, si je peux me permettre, est une scène (tirée d'un souvenir bien réel lors d'un tournage en France) où Billy Wilder, contre toute attente, et alors qu'il est attendu sur le tournage, prend le temps de faire un détour sur les chemins de Normandie pour déguster un véritable morceau de brie à la ferme. L'auteur signe là quelques pages d'anthologie que je vous recommande.

Du grand Jonathan Coe, donc, qui nous donne immédiatement l'envie de se précipiter revoir ce « Fedora » ou toute autre séance … pourvu qu'elle soit derrière un grand écran.
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Quel regret de devoir quitter ce roman.
Je suis déjà nostalgique.
Nostalgique des personnages attachants et élégants, des premiers rôles (nous sommes presque au cinéma) aux seconds ; nous croisons le grand Billy Wilder mais aussi Al Pacino ou Marthe Keller.
Nostalgique de cette ambiance des années 70, d'une époque où tout est possible pour Calista.
Nostalgique du style feutré et de la mélancolie que dégage cette rencontre avec ce cinéaste, un peu perdu, un peu dépassé par la jeune génération mais si charmant.
Et puis, il y a au final cet amour maternel qui me touche.
Un roman intime et émouvant.
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Par l'intermédiaire d'une jeune interprète, puis assistante grecque, l'auteur nous raconte le tournage du film Fedora de Billy Wilder. On est au printemps 1977. Celui-ci est à la fin de sa carrière et ses films n'ont plus le même succès, détrônés par ceux de « jeunes barbus ». « Les dents de la mer » est sorti quelques mois auparavant, et semble représenter que les spectateurs attendent, en tous cas ce que les producteurs veulent financer : « Et maintenant, tous les crétins de producteurs que compte la ville veulent plus de films avec des requins. Voilà comment ils réfléchissent, ces gens-là. On a gagné cent millions de dollars avec ce requin, il nous faut un autre requin »
D'ailleurs ce n'est pas Hollywood qui finance ce dernier film, mais une entreprise allemande à la recherche de niche fiscale. Ce qui permet à Billy Wilder de commenter : « Avec ce film, je ne peux pas vraiment perdre. Si c'est un franc succès, c'est ma revanche sur Hollywood. Si c'est un flop, c'est ma revanche pour Auschwitz »
Et, les souvenirs de la montée du nazisme et de son exil, puis de son retour en Angleterre à la fin de la guerre et du visionnage de scènes de libération des camps de la mort sont une des parties les plus émouvantes de ce roman. Ils sont évoqués sous forme de scénario lors d'un repas au restaurant à Munich. L'impact en est d'autant plus grand : quelques scènes sans détails inutiles, qui montrent re comment ces évènements ont marqué le cinéaste qui passera des heures à chercher le visage de sa mère disparue à jamais dans ces films réels et même plus tard dans le film La liste de Schindler.
Le film Fedora raconte le destin d'une ancienne vedette de cinéma, à la gloire déclinante. Et on fait évidemment le parallèle avec le cinéaste lui-même. Il ne se ment pas, il sait que son âge d'or est derrière lui, mais il filme toujours avec le même enthousiasme. À côté du cinéaste, l'auteur met sous les feux de la rampe son scénariste « Monsieur Diamond », homme taciturne et néanmoins attachant, qui lui aussi est conscient de leur déclin commun, mais qui à l'image de Billy Wilder aime les bons mots « Et je pris conscience que pour un homme comme lui, un homme fondamentalement mélancolique, un homme pour qui la marche du monde ne serait jamais qu'une source de regrets et de déceptions , l'humour n'était pas seulement beau mais nécessaire, que raconter une bonne blague pouvait faire naître un moment , fugace mais délicieux, où la vie prenait un sens particulier et ne semblait plus arbitraire, chaotique ni inexplicable. »
Cela aurait pu être seulement nostalgique et mélancolique, c'est aussi plein d'humour et de savoir-vivre. Ces deux hommes sont lucides, mais aucun ne se plaint et leur attitude me semble très britannique.
Britannique comme l'auteur qui rend cependant un vibrant hommage à un fromage bien français, dans une scène merveilleusement décrite : J'ai savouré en leur compagnie le fromage et le vin, j'en ai eu en bouche le gout et la texture. rien qu'à lire ces quelques pages.
Ce roman est une merveille. Et ma critique peine à lui rendre l'hommage qu'il mérite. Lisez-le.
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