Je suis censée te décrire une photo, et je te raconte tout pêle-mêle. Mais peut-être qu'il n'y a pas d'ordre, après tout. Peut-être que l'ordre naturel des choses, c'est le chaos et l'aléatoire. Je ne suis pas loin d'en être convaincue.
Sur les photos, tout le monde sourit, c'est même pour ça qu'il ne faut jamais leur faire confiance.
Non ça ne me dérange pas la pluie en été. En fait, j’aime bien ça. C’est ma pluie préférée. - Ta pluie préférée ??? » Je revois Théa fronçant les sourcils en méditant ces paroles, et puis elle a proclamé : « Eh bien moi, j’aime la pluie avant qu’elle tombe ».
au bout de quelques instants, elle m'a regardée avec pitié en secouant la tête, comme si c'était éprouvant pour elle de discuter de ces matières avec quelqu'un d'aussi obtus.
"Bien 'sûr' que ça n'existe pas , elle a dit. C'est bien pour 'ça' que c'est ma préférée. Une chose n'a pas besoin d'exister pour rendre les gens heureux, pas vrai ? " Et puis elle a couru dans l'eau avec un sourire jusqu'aux oreilles, ravie que sa logique lui ait valu une si insolente victoire.
Le monde d'Ivy tournait entièrement autour d'elle même, de sa position au village, de sa vie sociale, de son bridge et de son tennis, et pardessus tout de ses fils et de ses chiens bien-aimés. Béatrix n'apparaissait nulle part dans son radar. Voila ce qu'elle avait voulu dire, je pense, en me confiant que sa mère était "méchante avec elle". La méchanceté d'Ivy c'était celle de l'indifférence.
(…) voilà comment je me la remémore : la voix chaude et rocailleuse qui étire le mot « Bonsoir » jusqu’à cinq fois sa longueur, si bien qu’en l’entendant j’ai eu l’impression d’être repêchée d’une eau glacée et enveloppée dans une grosse couverture (…)
Comme c'est trompeur une photo. On dit que la mémoire nous joue des tours. Mais pas autant qu'une photo selon moi.
“Des nuages. Des nuages blancs qui flottent sur un ciel gris pâle. Ce ciel qu’encadre la petit fenêtre treillissée de la chambre de Théa, à l’arrière de cette maison si belle, si triste. Je regarde les motifs des nuages, les motifs qui changent sans cesse, qui se forment et se dissipent, tandis que l’après-midi s’écoule dans un silence presque total. Parfois un cri dans le jardin, le bruit des autres enfants, qui continuent à jouer. Théa endormie à coté de moi : si jeune, si vulnérable, si apeurée, et les motifs des nuages qui se forment et se dissipent, se forment et se dissipent. Blanc sur gris, et la pression de son corps…”
“Ne laisse pas le présent recouvrir le passé.”
"Tu comprends, ça n'existe pas, la pluie, avant qu'elle tombe, sinon ça n'est pas de la pluie." C'était un peu ridicule de vouloir expliquer ça à une enfant, et je regrettais de m'être lancée là-dedans. Mais Thea ne semblait avoir aucun mal à saisir ce concept - bien au contraire : au bout de quelques instants, elle m'a regardée avec pitié en secouant la tête, comme si c'était éprouvant pour elle de discuter de ces matières avec quelqu'un d'aussi obtus.
" Bien sûr que ça n'existe pas, elle a dit. C'est bien pour ça que c'est ma préférée. Une chose n'a pas besoin d'exister pour rendre les gens heureux, pas vrai ?"