Tout ce qu'un être humain fait à un autre être humain est le résultat d'une décision humaine, qu'elle ait été prise par lui-même ou par quelqu'un d'autre, qu'elle ait été prise vingt ans avant ou trente ans ou deux cents ans ou deux mille ans ou simplement mercredi dernier.
On chantait le bénédicité, calme et mélodieux, puis les hôtes prenaient place, servis par deux ou trois moines avec une rapidité et une efficacité joviale à rendre jaloux bien des restaurants du guide Michelin.
Quand le choix est infini, il n'y a pas de choix possible.
Des brochures religieuses étaient éparpillées sur la grande table qui occupait presque tout l'espace, et une horloge tictaquait bruyamment au mur, fixant sans émotion le crucifix qui lui faisait face ; comme toujours, cette imagerie sado-masochiste de souffrance et de soumission fit frissonner Benjamin au lieu de lui inspirer des sentiments pieux.
On s’est trop habitués à prendre les choses pour argent comptant. Il n’y a plus de curiosité, d’esprit critique, on est devenus des consommateurs de la politique, on gobe tout ce qu’on nous donne.
Les mots ont le sens qu'on veut bien leur donner. On vit à l'ère de l'ironie.
C'est marrant, quand on est libre de faire tout ce qu'on veut, on finit par ne pas faire grand chose. Quand le choix est infini, il n'y a pas de choix possible.
Je dois repartir. De zéro. Et je dois commencer par faire ce qu'il y a de plus dur au monde, ce que j'ai refusé de faire toutes ces années : abandonner tout espoir.
Est-ce que j'en suis capable ?
Je crois que oui. Oui, j'en suis capable.
Oui. Voilà. C'est fait.
Et pour cela, ma chère Miriam,
je te demande de pardonner
Ta soeur qui t'aime, Claire.
Dans le long silence qui suivit, Benjamin remarqua le bruit qui régnait dans le restaurant : les vagues de musique tonitruante en fond sonore, le battement et le cliquètement fiévreux des boites à rythmes, les envolées de synthé ; la joie tapageuse des autres convives, qui riaient aux éclats, s'envoyaient des vannes, vivaient dans le présent, vivaient pour l'avenir, au lieu de rester prisonniers du passé comme lui, comme tous ses amis ; ce passé qui ne cessait de les rattraper, sournoisement dans ses tentacules chaque fois qu'ils tentaient de s'en arracher pour aller de l'avant. Des affaires jamais classées. De vieux comptes à régler.
p.18 :
"Mais je me rappelle une phrase que Philip citait toujours. Un vieux pilier gâteux de l'establishment anglais qui disait : "Oui, j'ai beaucoup appris de mes erreurs et je suis sûr de pouvoir les répéter à la perfection.""
p.415 :
"Ce couple que Paul n'avait pas reconnu avait participé l'année précédente à l'émission de téléréalité la plus populaire de Grande-Bretagne. Pendant des semaines, le public s'était demandé s'ils finiraient par coucher ensemble sous l'oeil des caméras. Les tabloïds avaient consacrés à ce sujet des dizaines de colonnes. Ni l'un ni l'autre n'avait de talent, ni d'intelligence, ni d'éducation, ni même de personnalité. Mais ils étaient jeunes et beaux, plutôt élégants, et ils étaient passés à la télé, et c'était suffisant. Et c'est ainsi que les photographes persistaient à les mitrailler, les journalistes à leur faire dire quelque chose d'accrocheur ou d'amusant (ce qui n'allait pas de soi, car ils n'avaient pas d'esprit non plus."
p.418 :
""Tu te rends compte? dit-il. Rien qu'en vendant ma réverb', j'ai de quoi me payer un voyage sur le Transsibérien. En première classe !"
Munir émit un grognement dédaigneux "Et qu'est-ce que tu vas faire dans le Transsibérien ?
- Regarder par la fenêtre." (...)"
p.482 :
"Pas de choix possible
Quand le choix est infini."
p.488 :
"Son grand fantasme n'était plus de vivre une idylle passionnée avec une étudiante bronzant nue au Jardin anglais, mais de passer une soirée à la maison avec Emily, assis côte à côte sur le canapé, à lire ou à regarder la télé. Il découvrit que ce qu'il avait naguère voulu fuir était à présent ce qu'il désirait plus que tout."
p.543 :
"deux jeunes gens qui, à cet instant, ne demandaient à la vie que la possibilité de répéter les erreurs de leurs parents, dans un monde encore hésitant à leur accorder ce maigre luxe."