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Critique de SZRAMOWO


Comment le Royaume Uni, la nation qui a résistée à la Blitzkrieg, a contribuée massivement à l'effort de guerre et à la victoire alliée en 1945, fut le foyer du Rock européen, des Beatles aux Sex Pistols en passant par les Kinks, fut la patrie d'un football et d'un rugby virils, fair-play et flamboyants qui rayonna sur le monde, a donné Sean Connery au cinéma, s'est-elle retrouvée coincée dans les errements d'une basse stratégie qui a conduit sa classe politique a proposer et sa population à voter la sortie de l'Union Européenne ?
Répondre à cette question est l'ambitieux projet du roman de Jonathan Coe. Un roman qui s'inscrit dans la suite logique de ses précédents romans Expo58, La pluie avant qu'elle tombe , Billy Wilder et moi, comme le précise l'auteur dans ses remerciements de fin d'ouvrage.
La démonstration est audacieuse mais séduisante. C'est au travers d'une saga familiale qu'il développe sur trois générations que Coe illustre son propos. Les histoires individuelles des différents personnages, leurs choix conditionnent et/ou sont conditionnés par les événements sociaux et politiques.
La monarchie qui sort renforcée de la deuxième guerre mondiale connait ses heures de gloire et renforce sa popularité tant chez les Tories que
chez les travaillistes avec le couronnement d'Elizabeth II en 1952.
La cérémonie retransmise en direct par la BBC coïncide avec le développement de la TV pour tous et l'un des moments forts du roman est ce chapitre dans lequel une famille reçoit 17 personnes dans son salon pour regarder le direct car elle est la seule du quartier à posséder un téléviseur.
"ça semblait merveilleux, miraculeux, de pouvoir regarder tout ça à la télévision, de se trouver là à Birmingham et d'assister à ces scènes à l'instant même où elles avaient lieu à l'abbaye de Westminster."
De la même façon, l'investiture de Charles, Prince de Galles en 1981 et l'enterrement de Diana en 1997 sont des moments forts d'unité sociale et politique pour le Royaume Uni.
Derrière ces images dont Coe nous montre qu'elles occultent la réalité et donnent une image fantasmée de l'état de la scoiété anglaise et de la place effective du Royaume Uni dans le Monde, le consensus britannique se fissure.
L'intégration difficile dans l'UE en 1973, les positions outrancières de Margaret Thatcher et son "I want my money back" en témoignent. Les Britanniques défendent seuls contre tous la position de leur pays objet d'attaques extérieures.
Telle la guerre du chocolat, suite à la directive européenne de 1973 qui prétendait imposer l'appellation "chocolat" aux seuls produits contenant un pourcentage élevé de cacao au grand dam des anglais et de leur firme Cadbury proposant des barres contenant des graisses végétales et un % important de lait.
Mais l'important n'est pas la qualité du produit mais le fait que "(...) les matières grasses non cacaotées aient été introduites dans le chocolat britannique, à cause du rationnement, pendant la guerre et (...) ce que les Britanniques aimaient dans leur chocolat, c'était qu'il avait le "goût de la guerre"
Sur toutes les thématiques, à partir d'exemples équivalents, Coe montre comment les symboles - la résilience remarquable des britanniques pendant la guerre, l'attachement à la royauté, la position dominante musicalement - l'ont emportés sur la réalité économique pour présenter aux électeurs et légitimer la stratégie de la citadelle libérale assiégée par les technocrates européens.
L'intérêt du roman est de démonter le mécanisme à partir des histoires individuelles des personnages et de montrer que si tous n'ont pas la même vision ceux qui doutent sont une minorité.
Le roman commence en mars 2020, à l'aube des confinements en Europe et après un détour par 1945 revient à 2020 durant la période de confinement effective.
Une génération chasse l'autre y compris en politique. Boris Johnson dont Coe trace un portrait quand il était reporter du Daily Telegraph à Bruxelles (voir ma citation) s'impose aux affaires, déjouant tous les pronistics.
Comme dit Jack un des personnages « C'est pour ça que les gens aiment bien Boris Johnson, au passage. Parce qu'il laisse les gens faire leur vie sans se mêler de leurs affaires. »
La boucle est bouclée. le sentiment national ne consiste plus à partager des valeurs communes mais à justifier la nécessité de laisser les « gens » gérer leurs affaires comme bons leur semble. Malheur aux faibles et aux déshérités en quelque sorte. Un credo libéral qui devient une norme de plus en plus fréquente en Europe.
Un livre qui donne à réfléchir sur le pouvoir et les conditions de son exercice par une classe politique qui en a de moins en moins et se réfugie dans une symbolique niant la réalité des relations sociales.
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