Il va m'être difficile de donner mon avis sur ce roman dont j'attendais tant, pour ce qu'il met en scène mon auteur préféré,
Fiodor Mikhaïlovitch Dostoïevski, entré incognito à Saint-Pétersbourg sur les traces de celui qu'il considère comme son fils, Pavel. Il est venu en particulier pour retrouver les papiers personnels et les lettres adressées par lui au jeune homme, et nous ne tarderons pas à apprendre que leur relation n'était pas au beau fixe, que Pavel en voulait beaucoup à son beau-père, et que ce dernier se sentait coupable. Pourra-t-il se rattraper, retrouver l'âme disparue de Pavel en retraçant ses derniers moments ? Pavel lui enverra-t-il un signe de pardon ?
Au fil de déambulations assez décousues dans la ville, en des temps politiques houleux, Fiodor Mikhaïlovitch rencontre des personnages divers, à commencer par sa logeuse, Anna, et la fille de celle-ci, Matriocha. Bien que l'auteur soit marié à Dresde, il entame une liaison avec Anna, et tente également de se rapprocher de Matriocha, qui était très attachée à Pavel. Il en arrive à voir souvent un certain Maximov, fonctionnaire de police (qui ne réapparaît plus par la suite), qui joue au chat et à la souris avec lui, puis il entre dans les fréquentations de l'anarchiste nihiliste Netchaïev, chef d'un réseau terroriste. Il s'avère que tout un chacun à Pétersbourg est susceptible d'avoir tué Pavel et de manipuler
Dostoïevski. Mais n'attendons pas une enquête policière, cette histoire sera plutôt métaphysique.
Dostoïevski nous est montré comme un homme vieillissant alors qu'il atteint 49 ans, un père aigri dans l'éternel conflit des pères et des fils, un écrivain hanté et sans le sou, traqué par ses débiteurs (assez abstraits en l'occurrence), prêt à rêver une nouvelle vie, mais moins à agir. Il apparaît assez vite que l'argument est de nous faire entrer dans l'inspiration d'un auteur comme il en est peu, alors qu'il élabore les thèmes qu'il développera dans Les Démons (ou
Les Possédés), Netchaïev devenant peu à peu Stavroguine, mâtiné de Pavel. Pourquoi pas ? C'est une belle idée. Mais là où je m'insurge et où j'ai perdu le plaisir de lire, c'est qu'il fait de
Dostoïevski un être faible, vil, pour ne pas dire pervers et un peu pédophile, ce qui fait beaucoup. Aucun homme n'est un ange, mais vraiment, a-t-il si mal compris l'auteur qu'il est passé complètement à côté de ses thèmes, ses motifs, ne voyant en lui qu'un sujet intéressant pour le Dr
Freud ?
L'idée-clé que je retiendrai malgré tout du roman en ce qui concerne l'oeuvre de l'auteur, c'est cette sorte de défi lancé à Dieu, la parabole récurrente du Christ. Et sur ce, je retournerai aux romans de cet auteur unique, si personnel et universel en même temps ; je note toutefois que par son style, Coetzee nous met en quelque sorte en présence avec le style qu'aurait eu
Dostoïevski en parlant dans sa tête, on s'y croirait - si ce n'était que ces pensées sont fort mal interprétées.