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Citations sur Le génie lesbien (76)

Les journalistes ont une peur panique de désigner certaines oppressions par leur nom. Ils craignent de passer pour des militants. Il y a, par exemple, une incapacité à employer directement les mots « raciste », « homophobe » ou « sexiste » dans un titre. Ce sera bien plus volontiers « jugée sexiste par les internautes », « accusé de racisme sur le web ». Ils répugnent à endosser eux-mêmes les dénonciations de discriminations. Ils préfèrent informer leur lectorat qu'il y a « un tollé sur twitter » au sujet de tel ou tel propos raciste, plutôt que de pointer les déclarations racistes en cause. Pire, si les journalistes ne peuvent s'appuyer sur la réaction d'une association ou sur « l'indignation des réseaux sociaux », qui qualifient correctement l'insulte ou le crime, alors ils se taisent. Comme s'ils ne disposaient pas des outils d'analyse pour caractériser l'événement. Surtout ne pas prendre parti. Faire l'équilibre avec une poutre dans l'oeil.
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L'actualité n'existe pas en soi. Elle est la somme de ce que les journalistes valident. Labellisent. « Toi t'es une info, toi t'es pas une info. » Ne pas enquêter sur la façon dont ils créent cette information, c'est passer à côté de l'actualité elle-même.
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Lorsqu'on met sous les yeux des journalistes le défilé des unes, rubriques, pages pleines de photos et propos d'hommes, leur justification première est toujours étonnante : "Ce n'est pas notre faute, on montre la réalité." Une réalité dans laquelle la moitié de la population a disparu et l'autre est devenue complètement blanche? Non, ils ne montrent pas la réalité. "La télévision qui prétend être un instrument d'enregistrement devient instrument de création de la réalité", écrivait Pierre Bourdieu (𝘚𝘶𝘳 𝘭𝘢 𝘵é𝘭é𝘷𝘪𝘴𝘪𝘰𝘯). Les médias fabriquent une réalité masculine, blanche, hétéro et aggravent l'oppression sexiste déjà à l'oeuvre dans la société.
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Ceci est le livre de combat d'une femme qui a été aimée, respectée, valorisée par des hommes depuis sa petite enfance. Je n'ai d'autres traumatismes à livrer que celui induit par le spectacle quotidien du comportement des hommes.
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Je ne lis plus les livres des hommes, je ne regarde plus leurs films, je n’écoute plus leurs musiques. (…) Les productions des hommes sont le prolongement d’un système de domination. Elles sont le système. L’art est une extension de l’imaginaire masculin. Ils ont déjà infesté mon esprit. Je mes préserve en les évitant. Commençons ainsi. Plus tard, ils pourront revenir. (p. 39)
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Les propos du président de l'académie des Césars, Alain Terzian, résument son aveuglement. "Le choix de Polanski comme maître de cérémonie est indiscutable", assène-t-il le 25 janvier 2017. Il réagit à la mobilisation féministe contre la célébration d'un réalisateur inculpé, en 1977, pour viol d'une fille de treize ans, et accusé de viol par plusieurs femmes, dont certaines enfants ou pré-adolescentes au moment des évènements qu'elles relatent.
In-dis-cu-ta-ble. L'oeuvre de l'Artiste s'impose, relève de l'évidence. Pour les représentants artistiques, c'est vulgaire, déplacé, de parler de sexisme, de conditions de création et de diffusion des oeuvres. Nulle réflexion féministe n'est possible au royaume de ceux qui ont pourtant renforcé, voire créé, les normes de genre.
Ceux qui, si souvent, pour justifier les hommages d'artistes criminels, nous disent, "il fait distinguer l'homme de l'artiste", ne perçoivent pas que ce sont leurs institutions elles-mêmes qui établissent et confirment, à chaque nouvelle cérémonie ou compétition culturelle, cette règle : l'homme est l'artiste, l'artiste est l'homme.
Le prix Goncourt a été attribué, dans 90% des cas à un homme, 105 fois sur 117. En vertu de la cooptation masculine et du sexisme qui sévissent dans toute la société, maisons d'édition comprises. Mais, plus insidieusement, parce que les règles de la narration sont masculines. Les femmes doivent se battre sur un terrain qui a été construit pour faire triompher des hommes. Le récit prisé est celui de l'homme, du héros masculin qui comme Ulysse fait son voyage, traverse mille épreuves, et en revient. Un récit linéaire, construit sur l'accumulation, la binarité, l'historique et le progrès. Les femmes, comme Monique Wittig (prix Médicis en 1964), qui parviennent néanmoins à triompher, en tant que femmes, lesbiennes et écrivaines proposant des formes narratives et une écriture hors du masculin, sont des exceptions. Virginie Despentes a livré une explication sur le succès de Vernon Subutex, bien plus encensé par les critiques que n'importe lequel de ses précédents romans. C'est le seul à avoir, pour héros, un homme.
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Que les hommes de la ligue du LOL ou d'ailleurs racontent que leurs pratiquent étaient alors la norme est un énième signe de la propension à ériger l'expérience masculine blanche en règle universelle.
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Nous nous travestissons avec nos barbes mais ce sont leurs masques qui tombent. Le pouvoir tient à quelques poils. Le pouvoir de la politique, le pouvoir du cinéma, le pouvoir du sport, le pouvoir des entreprises, le pouvoir déployé dans tous ces lieux n'est qu'un artefact de la masculinité. Les rites, les accessoires, les codes, les chorégraphies de leurs réunions entre hommes sont là pour en dissimuler l'artifice.
Quand on met nos barbes, le roi est nu. Le pouvoir est à poil. La supercherie est débusquée. Tout cela ne repose sur rien.
Eric Zemmour, représentant le plus médiatique des masculinistes blancs en France, ne dit pas autre chose. Invité le 26 mars 2013 sur le plateau de BFM TV, il énonce cette thèse :
« Dans les milieux où il y a vraiment le pouvoir, il n'y a pas de femmes. Dans la finance, c'est infinitésimal, c'est marginal. (...) Il y a un lien entre le pouvoir et la virilité, les hommes ont inventé le pouvoir. (...) Le pouvoir doit rester entre les mains des hommes sinon il se dilapide. (...) Les femmes n'expriment pas le pouvoir, elles ne l'incarnent pas, c'est comme ça, le pouvoir s'évapore dès qu'elles arrivent. »
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Nous nous cherchons en permanence des représentations. Il y en a peu. La culture lesbienne est une culture minoritaire. Je suis allée pendant des années dans des écoles, primaire ou grande, et je n’ai rien appris de la culture lesbienne. On m’a emmenée dans beaucoup de musées ou d’expositions, je ne l’ai pas davantage rencontrée. La transmission ne se fait pas, non plus, au sein d’un noyau familial. Il faut la trouver seule, en archéologue, ou grâce à d’autres lesbiennes.
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Il est absurde de devoir s'excuser d'être militante, de devoir faire oublier, pour être acceptée dans son entreprise, qu'on est une personne engagée contre certaines injustices. Cela mériterait d'être célébré et valorisé. Mais la hiérarchie était impitoyable. Bête, souvent, à force d'être apeurée. Une phrase revenait, "Ton militantisme privé ne doit pas envahir ta sphère professionnelle." Je ne comprenais spas ce que signifiait l'expression "militantisme privé", ni quelles étaient les limites de la "sphère professionnelle" d'une profession censée embrasser le monde.
Ces remarques et obstructions sont employées contre des journalistes issues d'autres minorités. Sihame Assbague, journaliste et militante antiraciste, fait ce constat dans un de ses précieux décryptages médiatiques sur Twitter :
"La neutralité journalistique n'existe absolument pas mais est utilisée comme arme pour marginaliser les journalistes minorisés. Genre, on va douter d'un journaliste arabe parce qui écrit sur la colonisation mais pas un journaliste blanc qui écrit sur le même sujet. Si un journaliste arabe ne peut pas être considéré "objectif" quand il écrit sur la colonisation, en raison se ses liens supposés avec cette Histoire, un journaliste blanc ne devrait pas l'être non plus. Pour les mêmes raisons. Sauf que cela ne marche généralement que dans un sens."
Invoquer la neutralité dans une rédaction, c'est d'abord affirmer que certains peuvent écrire sur tout quand d'autres ont des biais. C'est établir un privilège. En territoire journalistique, il est particulièrement puissant. C'est le pouvoir de raconter toutes les histoires. D'être celui qui peut tout voir, tout lire, tout dire, qui n'est jamais biaisé puisqu'il n'existe pas, puisqu'il est neutre, évanescent.
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