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Critique de Eds_GOPE


Article paru dans le Phnom Penh Post

Un nouveau livre dont le but est de fournir aux profanes les bases pour comprendre la religion et le spiritisme cambodgiens vient de paraître.

La religion et le spiritisme imprègnent la société cambodgienne. Chaque maison, chaque lieu de travail dispose au minimum d'un sanctuaire, chaque quartier, chaque village a sa pagode. Les moines sont omniprésents et les kru khmers le sont également.

Pour les étrangers, cet aspect de la culture locale peut sembler curieux et difficile à comprendre.

A qui sont dédiés tous ces sanctuaires ? Pourquoi les bouddhistes vouent-ils aussi un culte aux esprits ? Pourquoi les Cambodgiens ont-ils pour obsession « d'accumuler des mérites » ? Et que représentent ces flèches ondulées qui surmontent les pagodes ?

C'est ce genre de questions qui donna à Philip Coggan, ancien diplomate australien et personnel des Nations unies devenu pigiste, l'idée d'écrire Spirit Worlds: Cambodia, The Buddha and the Naga (Cambodge, un monde d'esprits - Les Khmers, le Bouddha et le Naga).
[…]
Cet ouvrage se laisse lire et fournit un rappel historique plus une vue d'ensemble du bouddhisme tel qu'il est pratiqué au Cambodge avant de faire une nomenclature des très nombreux esprits et fantômes, puis d'aborder des sujets allant de la nature du kamm (chance) au rôle du roi, du recours aux bong thom (« grands frères ») en passant par une explication de comment le génocide perpétré par les Khmers rouges a pu avoir lieu dans une culture qui fait grand cas de la non-violence et a en horreur le meurtre.

« Je crois que la plus grosse surprise éprouvée par les étrangers au Cambodge, c'est lorsqu'ils réalisent que ce n'est pas un pays bouddhiste » nous écrit Coggan dans un e-mail envoyé d'Australie, cette semaine.

« Bien sûr, il y a Bouddha, mais il y a aussi de nombreux autres dieux, ceux-là même que vous trouvez dans l'hindouisme tels Yama, le dieu de la mort, Indra, Brahma et Vishnou, le dieu de la maison royale. le bouddhisme est la religion qui intervient lorsqu'on meurt – à votre mort, vous avez absolument besoin de bonzes. L'hindouisme concerne la magie et le spiritisme est pour tout le reste. Les esprits ne sont jamais loin de vous. »

Coggan, qui est venu pour la première fois au Cambodge en 2002 et a écrit deux romans ayant pour cadre le pays, a passé 6 mois à se documenter pour ce livre, traversant de long en large le Royaume pour interviewer de nombreuses personnes, dont des moines, des kru khmers (guérisseurs traditionnels) et même des officiels de haut rang du clergé. En chemin, il fit des rencontres des plus intéressantes.

« L'une de mes préférées est cette fille qui est protégée par un esprit-serpent », dit-il. « Son petit ami, un Barang, m'a raconté à quel point il avait été choqué quand, après une dispute, elle lui avait révélé qu'elle avait eu l'intention de le tuer mais que son esprit-serpent lui avait conseiller de ne pas faire ça.
Ce qu'elle m'avait raconté, c'était qu'elle était sur le point de se suicider et que l'esprit-serpent l'en avait empêché. Je lui ai donné le bénéfice du doute. »

Coggan a été fasciné par les neak ta – de puissants esprits qui couvrent une zone spécifique, un village, une province entière ou une région.

« Par exemple, le petit sanctuaire qui se trouve en dessous du Mât du Pavillon Royal, sur la promenade Riverside à Phnom Penh, est dédié à 6 ou 7 des neak ta régionaux les plus importants du pays », dit-il. « Ils sont très populaires – les fidèles viennent en foule les jours saints les plus importants.
Et, bien sûr, il y a le sanctuaire de Yeay Mao sur la route qui relie Phnom Penh à Sihanoukville, avec ses symboles phalliques dont des pénis en pierre de grande taille. Les gardiens du sanctuaire sont très concernés parce que les gens viennent et laissent des phallus en bois, alors ils doivent les ramasser et les brûler, une fois par mois environ. »

Coggan dit que bien qu'il ait exploré le sujet de façon approfondie, il ne croit pas avoir rencontré d'esprits.
« Pour je ne sais quelle raison, les esprits ont tendance à m'ignorer. Mais j'ai vu la chumneang pteah, la protectrice du foyer, dans mon appartement, une nuit. Elle s'inquiétait que je n'aie pas fait les offrandes hebdomadaires de rigueur. En fait, elle ne m'a pas réellement parlé, mais je savais pourquoi elle se manifestait à moi.
Elle avait des cheveux tout à fait blancs et portait un chemisier noir serré, aux manches fendues. Bien sûr, à la différence de mes amis cambodgiens, je savais très bien qu'il s'agissait d'un rêve éveillé, causé par mes recherches sur le sujet ou quelque chose de ce genre, et non d'une véritable apparition. C'est vrai, croyez-moi. »

Il avoue par ailleurs que le plus grand défi rencontré lors de l'écriture de ce livre a été de traduire certains concepts cambodgiens difficiles à comprendre pour les Occidentaux. D'ailleurs, il n'a pas compris certains d'entre eux.

« Pendant longtemps, j'ai eu l'impression que les morts étaient supposés aller en enfer, tous les morts. Puis, j'ai découvert qu'il y avait un “endroit paisible” qui n'est pas du tout l'enfer, un endroit où tous les Cambodgiens espèrent aller.
Une autre chose que je n'ai jamais réussi à comprendre, c'est dans quelle mesure le roi est toujours considéré comme un dieu – l'incarnation de Vishnou. Je n'ai pas réussi à me faire une certitude, malgré mes lectures. Peut-être que les villageois les plus âgés le considèrent encore comme tel. Je n'ai pas eu le temps d'approfondir la question. »

Selon Coggan, ce livre est vraiment un instantané des choses telles qu'elles sont aujourd'hui. Tandis que le Cambodge se modernise et s'urbanise, la spiritualité change elle aussi.

« La religion cambodgienne est essentiellement une religion villageoise », dit-il. « Les monastères, les esprits, ils proviennent tous du petit monde des villages et ils servent à en assurer la cohésion.
Ils soudent la communauté et offres des lois à une société qui a peu des deux – le village cambodgien est un rassemblement de familles, pas une entité en soi, et ce sont les dieux et les esprits, pas la police ou le Gouvernement, qui, traditionnellement, punissent les méfaits.
De nos jours, tout cela change, très rapidement. Les gens migrent en ville, tandis que les routes, la télévision, l'économie de marché, la confiscation des terres et les partis politiques détruisent l'auto-suffisance de jadis.
Ajoutez à cela le défi des missions chrétiennes, qui sont très bien financées et créent des communautés qui refusent de se mélanger aux autres. le Cambodge d'autrefois peut-il survivre ? je me le demande vraiment. »
[…]

Will Jackson, The Phnom Penh Post
Lien : https://cambodgeunmondedespr..
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