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EAN : 9782070379156
212 pages
Gallimard (11/02/1988)
3.97/5   206 notes
Résumé :
« Si ce livre pouvait changer un seul “haïsseur”, mon frère en la mort, je n'aurais pas écrit en vain »
Albert Cohen
Que lire après Ô vous, frères humainsVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (24) Voir plus Ajouter une critique
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Je recherche dans mes livres lus, une critique à rédiger. Parfois, j'ai lu le livre il y a très longtemps et je fouille alors dans ma mémoire, ou bien je n'ai pas écrit la critique aussitôt après la lecture car j'ai besoin de réfléchir encore au livre. Et alors, je retrouve le livre d'Albert Cohen. Et tout d'un coup, j'ai comme une grosse boule dans la gorge. Je ne sais plus par où commencer. Et c'est comme ça qu'ensuite je tire des généralités sur l'espèce humaine, sur la "saloperie" qui nous entoure, dont nous sommes aussi (un peu) responsables et tout et tout. J'ai moi aussi comme tout le monde ma sensibilité et, comme tout le monde (je veux le croire), je me remets en question. J'ai lu plusieurs bouquins de Cioran il n'y a pas si longtemps. Et actuellement je relis « La  nausée ». Rien de bien réjouissant pour se réconforter l'âme. Il y a des moments comme ça dans la vie où on a besoin d'entretenir une certaine déprime pour se sentir exister. le souvenir du livre de Cohen ne m'est pas d'un grand réconfort. Mais, il se révèle absolument nécessaire pour réfléchir à notre humanité. Pour ne pas oublier ce que j'appelle la « saloperie » humaine. La part d'ombre de chacun, de tout le monde. Il y a quelques jours, j'avais commencé à lire « Les bienveillantes ». J'ai lu l'introduction. Je n'ai pas pu aller plus loin. Parfois, on se dit qu'il n'y a pas de hasard. le narrateur dit, en gros, qu'on est tous responsables individuellement de la marche d'une société. Même indirectement, le plus petit fonctionnaire au fond d'un petit bureau ou le cheminot responsable d'un aiguillage, a sa part de responsabilité sur les réalisations collectives. Et je relie alors ensemble les deux livres. Le commerçant qui insulte l'enfant de 10 ans, absolument innocent, et lui dit qu'il ne sert pas les Juifs, se doute t-il du mal qu'il fait ? On peut dire qu'il est pris dans un engrenage sociétal… etc. Mais le point de vue de l'écrivain qui nous relate ce moment qui a déterminé toute sa vie, qu'est-ce qu'on en fait, nous, lecteurs ? Qu'est-ce qu'on peut en faire ? Je vous le disais : la « saloperie » !
Ce livre est donc un petit bijou, bien écrit, bien tourné, avec tout le pathos qu'il faut pour aborder (une partie de) la réalité de l'Humain et se remettre en question sur nos actes, nos paroles…
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Une rencontre qui change la vie !" J'aime cette phrase quand elle décrit une belle rencontre, positive, sympathique, heureuse. Je la déteste lorsqu'elle évoque le contraire.
Albert Cohen, enfant de 10 ans, rencontre un camelot qui par une phrase, un geste, lui révèle son identité de juif détesté. Et le ciel s'écroule. Et la vie s'écroule.
Cet enfant, auparavant naïf, joyeux, souriant découvre la Haine. En une seconde. C'est le choc. L'enfant erre, rumine, pleure, ne comprend pas, tente pourtant de laisser pointer un rayon d'espérance et d'amour, avant de s'écrouler à nouveau.
Je referme ce livre très émue. Jamais je n'ai ressenti de manière aussi forte ce qu'un enfant juif a pu (et peut toujours) ressentir face à la haine de ses frères humains. En théorie, je le sais. L'histoire du peuple juif, dans ses grandes lignes, je la connais. Mais là, les mots d'Albert Cohen - toujours aussi puissants par leur beauté et leur réalisme - m'ont fait vivre, au plus profond de mes tripes, la souffrance violente d'un être rejeté et haï. Et ça fait mal.
"Une rencontre qui change la vie..." C'est certain, ma rencontre avec Albert Cohen, à travers ses mots, n'a pas fini de me transformer.
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Quand Albert Cohen publie ce livre en 1972, il a 77 ans, il lui reste neuf ans à vivre. Pour lui, avant un adieu définitif , il devenait urgent d'écrire, de révéler, ce qui, depuis l'âge de dix ans le poursuivait, sans répit, le taraudait : raconter cette blessure restée béante toute sa vie, une sorte de carcinome irréversible dont l'affligea un camelot un 16 août après-midi en 1905 à Marseille quand il se vit traiter de « sale Youpin » . Ce livre c'est son credo par lequel il implore ses frères : ne point haïr leurs prochains parce qu'ils sont d'une race , d'une religion différentes.
J'ai vraiment ressenti le traumatisme subi par ce garçonnet, sa terrible souffrance. Envie de le consoler, d'essuyer ses larmes…
Un récit original, pour dénoncer le racisme, mais, personnellement, cet ouvrage ne m'a pas bouleversée, peut-être trop incantatoire, cela me laisse une sensation de gêne, et de regret, un sentiment d'incomplétude, difficile à expliquer.
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Cohen écrit bien après tous les livres qui l'ont rendu célèbre à très juste titre, ce témoignage poignant de sa découverte, à dix ans, de l'antisémitisme.
Écrit à la première personne, et mis dans la bouche de ce gamin de dix ans, interpellé par un camelot qui l'avait reconnu comme juif et rejeté violemment, et tellement bouleversé par cet incident qu'il ne rentre pas chez lui où l'attend un repas de fête préparé pour son anniversaire par des parents aimants, et déambule jusque tard dans la nuit dans les rues de Marseille en ruminant son désespoir, ce récit saisit assez rapidement le lecteur d'un doute. Ce dernier soupçonne bien vite que ce n'est pas le gamin qui parle, mais l'homme de près de 80 ans qui a porté toute sa vie ce traumatisme, et qui exprime un vécu sans doute reconstruit à chaque moment de sa longue existence ; et le voile se lève définitivement sur celui qui exprime réellement ses pensées quand, dans les derniers chapitres, apparaissent des allusions aux exactions nazies, qui sont bien postérieures au drame vécu par l'enfant.
Le flot des pensées de ce dernier qui défilent, de manière parfois incohérente, répétitive, comme tout ce que chacun ressent sous le coup d'une forte émotion, fait comprendre la profondeur du choc vécu par l'enfant. Mais c'est bien là la limite de cette transmission, qui est bien de l'ordre de la compréhension intellectuelle du drame vécu par le jeune garçon, compréhension qui ne peut évidemment pas être sans effet sur les sentiments que le lecteur éprouve au fil des courts et haletants chapitres, mais, au contraire par exemple de ce qu'il ressent en s'immergeant dans le "livre de ma mère" du même auteur, il n'est pas emporté par une émotion irrésistible qui n'ait nul besoin de passer par le stade de la compréhension intellectuelle.
D'où cela peut-il bien venir ? Peut-être la manière dont Albert Cohen transcrit ce qui est sensé se bousculer dans la tête du gamin, et où on reconnaît bien sa patte particulière, n'est pas adaptée à ce passage direct du mot lu au coeur ? Un style qui sent trop l'artifice rhétorique, par exemple à travers les répétitions, ces anaphores permanentes  ?
Cela n'en reste pas moins un livre véritablement marquant, qui aborde d'une manière peu habituelle un sujet malheureusement redevenu actuel, un livre trop peu connu. Je l'ai du reste découvert par le plus grand des hasards, alors même que je connaissais une grande partie de l'oeuvre romanesque de Cohen.
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Marseille, 1905,

"Non, il s'agit d'un souvenir d'enfance juive, il s'agit du jour où j'eus dix ans. Antisémites, préparez-vous à
savourer le malheur d'un petit enfant, vous qui mourrez bientôt et que votre agonie si proche n'empêche pas de
haïr. O rictus faussement souriants de mes juives douleurs. O tristesse de cet homme dans la glace que je regarde." 

Ce court livre (225 p)donne la parole à cet enfant de 10 ans, percuté par l'antisémitisme alors qu'il aller fêter son anniversaire.

c'est pas ton pays ici, tu as rien à faire chez nous, allez, file, débarrasse voir un peu le plancher, va un peu voir à
Jérusalem si j'y suis.

Amoureux de la France, cocardier, vouant un véritable culte patriotique avec un "autel à la France" le rejet du camelot le touche infiniment. 

Albert Cohen, dans sa vieillesse se souvient de l'errance de l'enfant dans Marseille et tout le livre se déroule en une journée, la "journée du camelot" qui déambule au lieu de rentrer chez lui

Mon héréditaire errance avait commencé. J'étais devenu un juif et j'allais, un sourire léger et quelque peu hagard aux lèvres tremblantes.

Soudain, j'aperçus un Mort aux juifs à la craie sur le mur. Je frissonnai et je m'enfuis. Mais au tournant de la rue, un autre Mort aux juifs.

Un long monologue, une déambulation, Albert Cohen 70 ans plus tard écrit un texte tendre, tragique, mais ne désespère pas. Il n'appelle pas à la vengeance mais à l'intrinsèque bonté qu'il veut trouver dans les humains,

"Dites, vous, antisémites, haïsseurs que j'ose soudain appeler frères humains, fils des bonnes mères et frères en nos mères, frères aussi en la commune mort, frères qui connaîtrez l'angoisse des heures de mort, pauvres frères en la mort, mes frères par la pitié et la tendresse de pitié, dites, antisémites, mes frères, êtes-vous vraiment heureux de haïr et fiers d'être méchants ? Et est-ce là vraiment le but que vous avez assigné à votre pauvre courte vie"


Si vous avez aimé le livre de ma mère il est de la même veine!
Lien : https://netsdevoyages.car.bl..
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critiques presse (1)
BDGest
23 août 2016
Bouleversante, dans sa réalisation comme dans sa thématique, universelle, du fait de l'innocence de la victime et de la sensibilité du traitement : une œuvre rare et indispensable.
Lire la critique sur le site : BDGest
Citations et extraits (43) Voir plus Ajouter une citation
oui, frères, ne plus haïr, par pitié et fraternité de pitié et humble bonté de pitié, ne plus haïr importe plus que l'amour du prochain, amour auquel j'ai cru en ma jeunesse, et j'en ai la nostalgie, et j'en sait l'attrait et le charme, et il me tente parfois, cet amour, émouvant de beauté , mais comment le prendre au sérieux, comment y croire?
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Page blanche, ma consolation, mon amie intime lorsque je rentre du méchant dehors qui me saigne chaque jour sans qu'ils s'en doutent, je veux me raconter dans le silence une histoire hélas vraie de mon enfance.
(incipit)
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Ô vous, frères humains, vous qui pour si peu de temps remuez, immobiles bientôt et à jamais compassés et muets en vos raides décès, ayez pitié de vos frères en la mort, et sans plus prétendre les aimer du dérisoire amour du prochain, amour sans sérieux, amour de paroles, amour dont nous avons longuement goûté au cours des siècles et nous savons ce qu'il vaut, bornez-vous, sérieux enfin, à ne plus haïr vos frères en la mort. Ainsi dit un homme du haut de sa mort prochaine.
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J’avais trois francs dans ma poche, cadeau de ma mère en ce jour anniversaire, et je décidai d’en consacrer la moitié à l’achat de trois bâtons de détacheur. Ainsi le camelot m’estimerait, me trouverait intéressant, et je pourrais rester longtemps à l’écouter, du droit d’un client sérieux. Et puis Maman serait si contente ! Jamais plus de taches ! Le cœur battant, tout ému de l’important achat qui allait me valoir la considération des badauds et l’amitié du camelot, je mis la main dans la poche de mon costume marin pour en sortir la grande somme, et j’aspirai largement pour avoir le courage de m’avancer et de réclamer les trois bâtons. Mais alors, rencontrant mon sourire tendre de dix ans, sourire d’amour, le camelot s’arrêta de discourir et de frotter, scruta silencieusement mon visage, sourit à son tour, et j’eus peur. Son sourire venait de découvrir deux longues canines, et un paquet de sang massivement afflua sous ma poitrine, à hauteur du sternum, avec le choc d’un coup contre ma gorge. Sous son regard bleu pâle et son index tendu qui me désignait, je transpirai, et de panique j’humectai mes lèvres.

Toi, tu es un youpin, hein ? me dit le blond camelot aux fines moustaches que j’étais allé écouter avec foi et tendresse à la sortie du lycée, tu es un sale youpin, hein ? je vois ça à ta gueule, tu manges pas du cochon, hein ? vu que les cochons se mangent pas entre eux, tu es avare, hein ? je vois ça à ta gueule, tu bouffes les louis d’or, hein ? tu aimes mieux ça que les bonbons, hein ? tu es encore un Français à la manque, hein ? je vois ça à ta gueule, tu es un sale juif, hein ? un sale juif, hein ? ton père est de la finance internationale, hein ? tu viens manger le pain des Français, hein ? messieurs dames, je vous présente un copain à Dreyfus, un petit youtre pur sang, garanti de la confrérie du sécateur, raccourci où il faut, je les reconnais du premier coup, j’ai l’œil américain, moi, eh ben nous on aime pas les juifs par ici, c’est une sale race, c’est tous des espions vendus à l’Allemagne, voyez Dreyfus, c’est tous des traîtres, c’est tous des salauds, sont mauvais comme la gale, des sangsues du pauvre monde, ça roule sur l’or et ça fume des gros cigares pendant que nous on se met la ceinture, pas vrai, messieurs dames ? tu peux filer, on t’a assez vu, tu es pas chez toi ici, c’est pas ton pays ici, tu as rien à faire chez nous, allez, file, débarrasse voir un peu le plancher, va un peu voir à Jérusalem si j’y suis.

Ainsi me dit le camelot dont je m’étais approché avec foi et tendresse en ce jour de mes dix ans, d’avance ravi d’écouter le gentil langage français dont j’étais enthousiaste, crétinement d’avance ravi d’acheter les trois bâtons de détacheur universel pour me faire bien voir du camelot, pour lui plaire, pour en être estimé, pour m’en faire aimer, pour avoir le droit de rester, pour en être, pour participer à la merveilleuse communion, pour aimer et être aimé.

(p. 36-40)
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Une vieille bonne si dévouée et depuis quarante ans dans la famille, les bourgeois adorent ça, et leurs yeux illuminés d'idéal s'attendrissent de confort charmé, et parce qu'ils raffolent de pratiquer leur amour du prochain, amour qui n'engage à rien, à rien qu'à sourire, ils sourient beaucoup à cette esclave et prochaine, fort aimée mais peu payée, à chaque ordre donné lui sourient saintement, lui montrent leur squelette de bouche, lui adressent un message dentaire d'amour du prochain, ce qui ne coûte pas cher et les épanouit et dilate de perfection morale.
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