Un beau défi que représente ce roman: retracer l'histoire d'une amitié que beaucoup qualifieraient de difficile voire d'impossible dans le contexte social et politique tendu que ces dernières années ont montré.
Mounir et Raphaël se sont rencontrés sur les bancs de l'école dans les années 60. Tous deux sont Marocains et leurs familles ont été amenées à fuir le pays.
Mounir est musulman et Raphaël d'origine juive.
Dans les années 60 et le début des années 70, rien ne menace a priori les relations entre les différentes communautés.
C'est à partir de la guerre du Liban que tout se dégrade comme le montre admirablement bien l'auteur
Thierry Cohen dont on sent beaucoup d'autobiographie dans ce livre.
La défense des Palestiniens va "occuper" le débat politique et l'approche des deux communautés sera très différente.
Les événements se succèdent: Sabra et Chatila au Liban, guerre du Golfe et à chaque fois de nouvelles tensions apparaissent.
C'est aussi l'évolution de la société qui apparaît au travers de ce livre.
L'auteur montre comment la question religieuse devient de plus en plus présente et au coeur du débat sur la laïcité, sujet ô combien d'actualité.
Un débat qui se pose dès les années 80 avec la question du port du foulard à l'école; la question aussi de la pratique religieuse de Raphaël qui doit quitter son entreprise en raison des nombreux séminaires ayant lieu le samedi.
Tout a une résonance particulière dans ce livre tant il épouse les soubresauts dramatiques des derniers événements et faits de société.
C'est une belle réussite car la valeur de témoignage est forte, et nous sommes loin des clichés: ainsi on est émus par la peine qu'éprouvent les parents de Raphaël, juifs d'origine marocaine, lors de la mort du roi du Maroc
Hassan II.
Témoignage historique éloigné des clichés, témoignage sur deux communautés appelées à vivre des moments difficiles.
Un livre qui marque.
Bravo à
Thierry Cohen qui s'éloigne ici des thrillers qu'il avait l'habitude d'écrire pour évoquer un sujet plus grave.
Une belle manière d'évoquer l'histoire de la France de ces dernières années.
Thierry Cohen reconnaît que c'est le livre le plus personnel qu'il ait écrit jusqu'ici. Un livre qui touche à l'identité.
Le sujet lui a été inspiré par l'assassinat en 2006 de Ian Halimi, événement tragique qui a inspiré le très beau livre d'
Emilie Frèche (24 jours) que j'ai lu récemment et commenté sur Babelio.
Ce roman à deux voix, une voix juive et une voix musulmane a nécessité de la part de l'auteur beaucoup d'enquêtes, des interviews et des témoignages.
Au terme de ce travail de longue haleine, l'auteur a la tristesse de constater que juifs et musulmans de France ne se connaissent plus.
Même si les parcours des héros de ce livre n'ont pas vocation à être représentatifs de toute la communauté juive et de la communauté musulmane, ce livre fait beaucoup réfléchir. Et c'est sa force.