Les sociétés modernes sont avides de croissance, davantage que de richesse. Mieux vaut vivre dans un pays pauvre qui s'enrichit (vite) que dans un pays (déjà) riche et qui stagne. Les Français ont follement apprécié les trente glorieuses, car tout était neuf. Mais au bout du compte, la page reste reste toujours blanche du bonheur à conquérir. p. 154
La critique romantique du monde moderne vise la prétention de la science à gouverner les peuples, alors qu'elle est incapable de comprendre la souffrance de l'âme humaine. La science est dénoncée comme une pensée sans sagesse. Elle crée un monde déshumanisant, désenchanté par la disparition de la religion, reléguée au rang des superstition. Tourgueniev caricature son héros Bazarov, dans Pères et fils, comme un adepte fanatique du scientisme, un utilitariste convaincu. Flaubert fait de même avec le pharmacien Homais.
La consommation est devenue comme une drogue, une addiction : le plaisir qu'elle procure est éphémère.
1929 est à cet égard la première crise "totale" du monde industriel. Le rôle joué auparavant par l'agriculture, comme amortisseur, a disparu. Pour la première fois, le retour à la campagne cesse d'être une option pour les ouvriers en détresse. Il faudra attendre la Seconde Guerre mondiale pour que l’État providence joue ce rôle protecteur.
L'Angleterre n'a pas s' adapter son système de formation. Les élites continueront de fréquenter les collèges chics où l'on apprend l'art des codes sociaux. En France et en Allemagne, les grandes écoles d'ingénieur, créées pour combler le retard avec l'Angleterre, fourniront les cadres de la seconde révolution industrielle, celle de l'électricité et du moteur à explosion.
Francis Bacon, le "Descartes anglais", considère ainsi que les trois découvertes fondamentales du monde moderne sont la boussole (pour la navigation), l'imprimerie (pour la circulation des idées) et la poudre (pour la guerre). Or ces trois inventions sont toutes chinoises.
Un siècle avant que Christophe Colomb n'arme ses trois caravelles, les navires autrement plus impressionnants de l'Amiral Zhang He longeaient déjà les côtes africaines, rapportant à la cour de l'empereur des zèbres et des girafes…
Pourquoi le dynamisme chinois s'est brisé ? Plusieurs facteurs vont jouer, mais l'un d'entre eux sera décisif. Brusquement, l'empereur décide que les voyages outre-mer sont coûteux et inutiles. La recherche de la stabilité intérieure devient devient à ses yeux prioritaire, et l'exploration du monde seconde. L'empereur fait brûler les navires de la flotte. La Chine perd alors son ascendant maritime, le goût du commerce au long cours, et s'enlise dans l'immobilité.
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Figure emblématique du passé, Clemenceau [...] fait du traité de Versailles, ratifiant la défaite allemande, non pas la fin des guerres du XIXe siècle mais le début de celles du XXe.
L'Occident n'a jamais compris en temps réel la croissance économique, la crise des années 30, les Trente Glorieuses... Très souvent, comme ce fut le cas avec la loi de Malthus, il ne saisit les lois qui le guident que lorsqu'elles deviennent mortes. L'Occident agit d'abord et comprend ensuite.
Les Français sont incomparablement plus riches en 1975 qu'en 1945, mais ils ne sont pas plus heureux. Pourquoi tant de regrets ? La réponse est simple. Le bonheur des modernes n'est pas proportionné au niveau de richesse atteint. Il dépend de son accroissement, quel que soit le point de départ. p. 150
tout ce qui croi change en croissance