Mais la vraie documentation, on ne la mettrait jamais sur informatique. JAMAIS. On se transmettait le savoir-faire de génération en génération. Tu copines avec un journaliste d’investigation, tu bois des coups avec lui dans des bistrots faussement stylés de la rive droite, tu lui donnes des biscuits. Tu le maintiens sous perfusion pendant plusieurs années. Ce naze est trop content d’arriver devant son rédacteur en chef pour lui annoncer qu’il « a des choses ». Qu’on va pouvoir mettre « Exclusif », « Révélations » en tête d’un papier qui a été fabriqué de A à Z dans l’usine à mensonges de l’État. Ce que te raconte le journaliste, en contrepartie, quand tu vas jusqu’à l’inviter à dîner chez toi, et que ce con croit vraiment que vous êtes des vrais copains, eh bien, tu l’écris pour être sûr de ne pas l’oublier. Tu fais remonter, si ça vaut le coup. Mais t’es pas assez lourdaud pour le mettre dans une bécane, non ! La note sur Vitale, elle resterait dans l’armoire aux secrets. Le coffre du service, sans existence officielle. On actualiserait juste le dossier qu’on avait déjà sur lui.
Tu ne sais pas ce que ça signifie, de vivre dans la peur de la trahison, de savoir qu’à chaque instant un de ces salopards qui te font des courbettes est prêt à publier les pires insanités sur toi, si cela lui permet de briller. Et puis, tu ne comprends pas que tous ces gens sont des parasites. Qu’ils vivent à nos dépens, qu’ils se nourrissent de nos faiblesses, que, sans nous, ils ne seraient rien.
Il existait toutefois pour tous ces délinquants en puissance une sorte d’oral de rattrapage. Cela s’appelait « la bonne foi ». Une notion qui reposait sur l’accumulation des conditions : une enquête sérieuse, un but légitime, l’absence d’animosité personnelle, et, pour agrémenter le tableau, la prudence dans l’expression. Avec cet arsenal, le jour où on est face à une demande d’interdiction, qu’est-ce qu’on fait ? On considère que le public, troupeau de nains imbéciles, n’a pas le droit de se faire une idée tout seul ? Qu’il est trop niais, trop immature ?
Qu’il avait fallu travailler, se battre, se distinguer pour obtenir sa place au soleil. Les Gentils Nantis ! Jamais passé le périphérique. Jamais imaginé les vacances, l’été, dans la caravane. Pour eux, c’était juste des références kitsch et dépaysantes.
Lui ne serait jamais l’un des leurs. Mais personne ne le savait. Qui aurait pu comprendre ? Il n’y avait rien à comprendre. Pas de secret grandiose. Juste une succession d’abandons, de petits mensonges, de silences.
Douze années d’amoureuse complicité clandestine avaient appris à la Reine mère que le fils de plâtrier sicilien disait ce qu’il faisait et faisait ce qu’il disait. C’était un primaire, un vrai. L’instant de l’addition avait marqué le coup de grâce : « Tu sais bien que tu n’as rien à craindre de moi. Quoi qu’il arrive, nos secrets nous appartiennent. Jamais, tu le sais bien, je ne te trahirai ! »
Sophie Coignard - On n'est pas couché 8 juin 2019 #ONPC
On n'est pas couché
8 juin 2019
Laurent Ruquier avec Christine Angot & Charles Consigny
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