LIED
extrait 4
Sous la porte close
S'échappaient, furtifs,
De leur lèvre rose
Les baisers trop vifs.
Leur étroite chambre
Est vide aujourd'hui ;
On touche à Novembre
L'été s'est enfui.
La brise est plus fraîche,
La brume revient.
Qui donc les empêche ?
Qui donc les retient ?
L'hôtelière en peine
Rêve tristement ;
Son cœur la ramène
Vers ce doux roman.
Ils n'ont fait connaître
D'eux que leur amour…
« Morte elle est peut-être ? »
Se dit-elle un jour.
Ah ! garde ton doute…
Les étés fuiront…
Jamais sur la route
Ils ne reviendront !
APAISEMENT
extrait 2
Ce n'est pas dans la foule et le bruit qu'il viendra
Le sympathique esprit qui nous consolera.
À l'heure la plus morne et la plus désolée,
Nous entendrons sa voix si longtemps appelée ;
Nous sentirons sur nous sa pitié s'attendrir,
Et nous vivrons pour lui, nous qui voulions mourir !
Doux et réparateur, il n'a rien qui nous froisse ;
Il a connu l'amour et subi son angoisse ;
Il comprend le mystère et la beauté des pleurs,
Et vers nous l'a poussé le courant des douleurs ;
Il sait la vie : il sait que beaucoup nous trahissent,
Que les plus chauds rayons se glacent et pâlissent,
Que sous d'altiers dehors se cachent des cœurs bas,
Qu'il faut n'aimer que ceux qui ne se masquent pas,
Et, tout saignants encor de passions sincères,
Avec simplicité souffrent de leurs misères.
On les devine : ils ont quelque chose d'inné
Dont leur front abattu reste encor couronné.
Et l'on sent, au sommet de ces hautes natures,
Comme à celui des monts, passer les brises pures !
…
APAISEMENT
extrait 3
Entre de pareils cœurs invincibles est l'attrait ;
Ils se sont mesurés et confondus d'un trait.
Et sur l'apaisement de tout ce qui les blesse,
Forte et consolatrice a germé leur tendresse.
Oh ! ce n'est plus l'amour, mais c'est mieux que l'amour !
Vers les désirs troublés c'est un calme retour,
C'est l'ombre douce après les ardeurs de la route,
C'est la sécurité remontant sur le doute,
C'est l'écho de l'esprit, de l'âme et de la voix ;
Émus et confiants on se dit à la fois :
« Les voilà, les flots vrais de la source cherchée ;
« Pourquoi donc si longtemps nous fut-elle cachée ?
« Pourquoi s'être trouvés et reconnus si tard ?
« Que n'ai-je mis ma main dans la vôtre au départ ! »
LIED
extrait 3
Sous sa verte ombrelle
Et son frais chapeau,
Comme elle était belle !…
Comme il était beau !
Aux bords des ravines
Ils marchaient le soir,
Ou sur les collines
Ils allaient s'asseoir.
Puis ils rentraient vite,
Souriants, heureux,
Dans leur petit gîte,
Doux nid d'amoureux.
Leurs voix confondues,
Harmonieux bruit,
Étaient entendues
Parfois dans la nuit.
…
APAISEMENT
extrait 1
Vivons l'âme fermée au tumulte des joies,
Et les pas retenus loin des bruyantes voies
La solitude est bonne et le silence est fier
Aux cœurs encor meurtris des souffrances d'hier ;
Il faut aux champs brûlés par d'ardentes rafales
Le souffle inaltéré des fraîcheurs matinales.
…
Louise Colet, son récit de la Commune dans l'Anarchie des esprits aux éditions ardemment