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Critique de fuji


Quand vous avez la littérature dans le sang...
Ce week-end, une amie m'a demandé comment vas-tu, tout sourire je lui réponds : il y a longtemps que je ne me suis pas sentie aussi bien, je suis d'humeur vagabonde.
La saynète se passait samedi, dimanche matin, au lever du jour, en buvant mon premier café et en écoutant le premier chant des oiseaux ce mot vagabonde était toujours présent à mon esprit, et j'ai eu envie de relire "La vagabonde de Colette". Mais que nenni, ce livre n'était plus dans ma bibliothèque, l'après-midi même j'ai eu l'occasion d'acquérir l'oeuvre complète en 3 volumes. Et c'est ainsi que voici la recension de ce délectable pèlerinage…
Renée Nérée, le double de Colette, est une femme qui a dépassé la trentaine et qui a « mal tourné » entendez par-là qu'elle a divorcé en 1906, ce qui était rare et que pour vivre elle est devenue mime de music-hall. Cette femme qui écrivait n'écrit plus : « Or, depuis que je vis seule, il a fallu vivre d'abord, divorcer ensuite, et puis continuer à vivre…Tout cela demande une activité, un entêtement, incroyables… »
Avant de se décider à franchir le pas de la séparation avec un homme qu'elle a aimé, et qui lui a fait subir trahison, tromperies, et bien d'autres affronts, elle avait sa place dans le beau monde, même si beaucoup préférait lui donner du « Madame Renée » plutôt que le nom de son mari. Il lui en a fallu du courage, et du renoncement, car les amis restent toujours du côté du Mâle.
Elle a rompu avec son ancienne vie et quand, en ce mois de décembre, froid et humide, elle se retrouve seule elle se remonte le moral comme elle peut : « le hasard, mon ami et mon maître, daignera bien encore une fois m'envoyer les génies de son désordonné royaume. Je n'ai plus foi qu'en lui, et moi. En lui surtout, qui me repêche lorsque je sombre, et me saisit, et me secoue, à la manière d'un chien sauveteur dont la dent, chaque fois, perce un peu ma peau… »
Voilà que surgit un admirateur jeune et beau, riche, plein d'assurance, quelle tentation !
Mais Renée a une vision nouvelle de la séduction, par le prisme des débris de son ancienne vie et l'exotisme de sa nouvelle vie d'artiste.
« Quoi qu'il essaie, je lui réponds brièvement, ou bien j'adresse à Hamond la réponse destinée à mon amoureux… Ce mode de conversation indirecte donne à nos entretiens une lenteur, une fausse gaîté, inexprimables… »
Mais va-t-elle renoncer à sa liberté toute neuve ?
J'ai fait cette lecture avec à l'esprit le regard de Colette, ce regard si particulier qui étonne sur chaque photo.
Eh oui, elle disait « il faut voir et non inventer » et ses écrits sont empreints de ce regard affranchi, surprenant, aigu, spontané.
Son art du portrait humain ou animalier est admirable, j'ai adoré découvrir les dessous des milieux artistiques de l'entre-deux guerres. Les descriptions toute en finesse des états d'âme, des difficultés de chacun, de la fierté qu'ils mettent tous à cacher la misère et l'incertitude du lendemain, a course au cacheton… Les surnoms qu'elle donne sont désopilants.
Elle sait d'un adjectif, d'un trait d'humour vous faire voir la gestuelle, la pose de chacun, avec tendresse ou cruauté.
Son analyse de la situation des femmes est d'une actualité presque irréelle.
Son écriture est tellement intemporelle, audacieuse et fine que sa narration ne semble pas dater de plus d'un siècle.
Un roman d'une beauté sensuelle remarquable, un plaisir de lecture incomparable.
Chantal Lafon-Litteratum Amor 24 avril 2018.

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