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Critique de Colchik


Ce recueil de lettres adressées par Colette à Missy, la marquise Mathilde de Morny, comprend une petite centaine de missives rédigées dans les années 1909-1911, période pendant laquelle Colette sillonne les routes de France et de Belgique pour jouer des pantomimes ou des pièces de théâtre à succès comme Claudine à Paris. La rupture avec Willy est consommée, mais pas encore réglée, et Missy semble jouer auprès de Colette le rôle d'une protectrice, d'une administratrice de biens, d'un secrétariat à distance et d'un nounours réconfortant. Dans les billets plus ou moins longs qu'elle adresse à Missy, le sentiment amoureux, s'il existe bien, semble relégué dans des formules convenues et répétitives, et Colette parle surtout des ses compagnons de route ou de rencontre, de ses répétitions et de ses mille petits soucis de santé. Elle apparaît sous les traits d'une jeune femme fantasque, gâtée, parfois immature, mais aussi s'adonnant avec une réelle conscience professionnelle à son métier de comédienne vagabonde. Les lettres ne valent pas pour leur qualité littéraire (ah! Allons voir du côté de Katherine Mansfield), mais pour l'éclairage qu'elle donne sur la personnalité de Colette à un moment de sa vie où elle se débat pour acquérir une autonomie financière (malgré l'aide généreuse de Missy) tout en s'enivrant de rencontres ou d'amitiés qui tournent parfois à l'aigre (Auguste Hériot et Lily de Rême). On sent que l'attachement qu'elle éprouve envers Missy, d'une manière ou d'une autre, contraint sa spontanéité, ses élans, son goût des rencontres impromptues. Elle éprouve le besoin de la rassurer sans cesse, de lui dire qu'elle ne boit que de l'eau d'Evian ou de la citronnade, qu'elle se couche tôt, ou encore, qu'elle reste très sage. Peut-être se rassure-t-elle elle-même, car elle comprend que Missy ne sera qu'une étape dans sa vie. Déjà se profile Henry de Jouvenel et une autre vie, plus tournée vers le journalisme et l'écriture.
La relation épistolaire avec Missy reprend dans les années 30. Cette dernière a près de soixante-dix ans et Colette soixante. Elle vit avec Maurice Goudeket et les plages du Crotoy et de Rozven sont un lointain souvenir quand elle achète la Treille Muscate, à côté de Saint-Tropez. Colette n'est plus une jeune femme svelte, souple, intrépide sur les planches. C'est un écrivain reconnu, qui donne des conférences un peu partout, se lance dans les cosmétiques pour s'assurer des revenus supplémentaires et ... constate « son poids considérable » quand elle se casse la jambe en tombant dans un fossé. Elle a gardé une forme de vie errante entre ses allers-retours entre le Midi et Paris, ses démarches commerciales et ses conférences littéraires. Quant à Missy, en filigranes se dessinent les soucis d'argent et la solitude. Il y a chez Colette une sorte de fidélité indéfectible à l'amie des jours difficiles.
Tout au long de ces années où les visages et les noms se dessinent, puis disparaissent dans l'oubli, une préoccupation n'abandonne jamais Colette : celle de ses bêtes. Bêtes de hasard ou de rencontre comme le chaton mal en point qu'elle recueille dans sa chambre d'hôtel à Dijon ou la petite chienne brabançonne qu'on embarque sur le bateau à destination de Tunis pour en faire cadeau au Bey ; chiens de Missy, chat bleu qu'elle achète, animaux familiers de la Treille Muscate comme Souci, oiseaux du jardin... Jamais Colette ne les oublie, ils lui sont aussi nécessaires que l'amitié des hommes.
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