Artemis Fowl, tome 4 : Opération Opale

Il pouvait devenir une sorte de Robin des Bois des temps modernes : voler aux riches pour donner aux pauvres. Ou simplement voler aux riches. Chaque chose en son temps.

A l'heure du diner, il pourrait tranquillement déguster un curry de rat des champs dans son restaurant préféré.

Holly jeta un crâne de troll à la créature la plus proche. La brute attrapa adroitement le projectile et la broya entre ses serres.

-Je vous écoute, Artemis.

Il se frotta le front avec le poing, s'efforçant de débloquer sa mémoire.

-Si seulement j'arrivais à me rappeler, peut-être que ....

-Vous ne vous souvenez de rien ?

-Des images.Des choses vagues, rien de cohérent. Des visions de cauchemar. Il s'agit peut-être d'une simple hallucination. C'est l'explication la plus plausible. Je devrais essayer de me détendre en attendant de me réveiller.

-Considérez cela comme un défi à relever. Si c'était un jeu de rôle, comment le personnage parviendrait-il à s'échapper ?

Assis à l'arrière, Artemis se sentait ridicule; il ne portait plus son habituel costume sombre mais des vêtements normaux d'adolescent;

- Cette tenue est grotesque, dit-il en faisant glisser la fermeture éclair de son haut de jogging? A quoi peut bien servir un capuchon qui n'est même pas imperméable? et toutes ces marques. J'ai l'impression d'être un homme-sandwich. Quant à ce jean, il est très mal coupé. Il forme des poches aux genoux.

- Je trouve que ça vous va très bien. Juliet dirait que vous êtes craquant.

Juliet, la jeune sœur de Butler, était partie aux États-Unis avec une équipe de catcheurs mexicains pour essayer de conquérir les foules. Sur le ring, elle se faisait appeler "la Princesse de Jade".

- Il est vrai que je ne vais pas tarder à craquer, admit Artemis. Regardez-moi ces baskets. Comment peut-on courir convenablement avec des semelles de dix centimètres d'épaisseur? J'ai l'impression d'avoir des échasses. Butler, soyez sûr qu'à l'instant même où nous serons rentrés à l'hôtel, je me débarrasse de cet accoutrement. Mes costumes me manquent.

Il s'agit, bien entendu, d'Artemis Fowl, ce délinquant Irlandais de génie. Le petit Arty a entraîné les FAR dans une course folle d'un continent à l'autre jusqu'à ce qu'ils aient recours à un effacement de mémoire pour lui ôter de l'esprit le souvenir de notre existence. Pourtant, au moment même où Foaly, le centaure surdoué, appuyait sur le bouton qui devait lui faire tout oublier, il se demandait si le Peuple des fées n'allait pas se retrouver berné une fois de plus.

LA MORT DE PRÈS

CENTRE DE POLICE, HAVEN-VILLE, MONDE SOUTERRAIN

Le capitaine Holly Short figurait sur la liste des pro­motions. C'était le tournant du siècle dans sa carrière. Moins d'une année avait passé depuis qu'elle avait fait l'objet de deux enquêtes du tribunal des Affaires internes ; mais à présent, après six nouvelles missions couronnées de succès, Holly était devenue la reine des fées au sein de sa brigade des FAR. Le Grand Conseil se réunirait bientôt pour décider si elle devait devenir le premier major de sexe féminin dans l'histoire des FARfadet, les Forces Armées de Régulation et leurs Fées Aériennes de Détection. A la vérité, cette per­spective ne la séduisait pas le moins du monde. Un major n'avait pas souvent l'occasion de s'attacher des ailes sur le dos pour aller voler entre la Terre et les étoiles. Il passait plutôt son temps à envoyer de jeunes officiers en mission là-haut. Holly s'était décidée à refuser la promotion si elle lui était proposée. Elle pouvait très bien se contenter d'un salaire moindre si cela lui permettait de remonter régulièrement à la surface.

Holly estima qu'il valait mieux informer le comman­dant Julius Root de ses intentions. Root l'avait soutenue tout au long des enquêtes menées à son sujet et c'était lui également qui l'avait recommandée pour une promotion. Le commandant n'accueillerait pas favorablement la nouvelle. D'ailleurs, il n'accueillait jamais bien les nouvelles ; même lorsqu'elles étaient bonnes, il se contentait de répondre par un «Merci» qui ressemblait à un grognement puis claquait la porte.

Ce matin-là, Holly s'était arrêtée devant la porte du bureau de Root et rassemblait tout son courage avant de frapper. Bien qu'avec son mètre de hauteur, elle fût à peine moins grande que la moyenne des fées, elle était contente que ses cheveux auburn dressés en pointes sur sa tête lui donnent un centimètre de plus. Avant qu'elle ait eu le temps de faire un geste, la porte s'ouvrit brusquement et le visage aux joues rose vif de Root apparut dans l'embrasure.

- Capitaine Short ! rugit-il, ses cheveux gris coupés en brosse frémissant sur son crâne. Venez immédiatement !

Il remarqua alors que Holly se tenait déjà à côté de la porte.

-Et en plus, poursuivit Mulch, Holly est accusée de l'avoir assassiné.

-C'est tout simplement impossible. Il faut savoir où il sont.

-Voilà qui est parler, approuva le nain en claquant la porte du réfrigérateur. Vous avez un plan?

-Oui, retrouver Holly et Artemis.

Mulch leva les yeux au ciel.

-Un pur génie. Je ne vois vraiment pas pourquoi vous avez besoin d'Artemis.

Et voilà, dit Holly, son visage à quelques centimètres de celui d'Artémis, nous avons survécu. Cela signifie-t-il que nous sommes amis ? Liés par le même traumatisme ?

Aurum potestas est.

Ils sont trop nombreux, pensa Artémis. Trop nombreux. Nous n'y arriveront jamais. "

Mais il n'y avait pas d'avenir dans le renoncement.