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Critique de mosaique92


« Je ne peux plus m'imaginer commencer un roman autrement qu'en français, devenu mon refuge et mon pays » a dit l'auteur dans un interview… Mais que de chemin pour en arriver là ! C'est le début de ce chemin que Velibor Colic relate dans ‘'Manuel d'exil''.

« J'étais parti pour me cacher, pas en exil ; je me sentais comme un animal effrayé » (interview). C'est une vie de migrant que va trouver ce déserteur de l'armée bosniaque (il avait été enrôlé de force) à son arrivée à Rennes, dans un foyer d'accueil ; il ne parle pas français. « Je sais que je ne représente plus rien pour personne. Je ne suis même plus un être humain. Je suis juste une ombre parmi les ombres ».

« J'ai dû retrouver la verticalité de l'homme. » (interview)
La première étape est d'intégrer cette réalité : « Avaler et digérer l'idée que je ne retournerai plus jamais dans mon pays ». « Je réalise peu à peu que je suis le réfugié. L'homme sans papiers et sans visage, sans présent et sans avenir ».
Ensuite il comprend que cette nouvelle vie « exige un esprit fort et une mémoire blanche ». Intellectuel et écrivain dans son pays avant la guerre, il apprend le français (« Il me faut apprendre le plus rapidement possible le français. Ainsi ma douleur restera à jamais dans ma langue maternelle ») et consacre à écrire la part de ses journées non occupée par les nécessités de base (démarches administratives, se loger, se nourrir, etc...).
C'est là où son parcours diffère de celui de tous ces migrants dont on parle à longueur de journaux depuis quelques années, ceux de la jungle de Calais ou des camps régulièrement évacués par la police ; ces migrants dont il a dit dans un interview : « Regarder un réfugié comme un homme, c'est retrouver en soi la noblesse de l'humanité ».

Ses rencontres sont souvent des personnes en marge, des ombres, que la plume de l'auteur rend pittoresques et/ou attachants. Son premier livre édité (pas encore en français), il ne sort pas vraiment de la misère ni de la déprime d'exilé. Commence alors toute une série de voyages dont le but n'est pas toujours clair : Paris, Budapest et Prague (nostalgie des pays slaves ?), Italie. Ces errances sans but m'ont paru un peu longues par moment d'autant qu'elles sont accompagnées d'alternances d'euphorie et de mélancolie, voire de déprime allant jusqu'à des idées suicidaires... l'âme slave ?

Cet exil, il ne s'en remettra jamais vraiment : « Trop d'automnes, laids et froids, ai-je perdus en errant vers mon pays qui n'existe que dans le miroir déformé de mes souvenirs. Trop de chemins qui ne mènent nulle part, trop de faux panneaux de signalisation. Beaucoup trop de frontières et de rivières me séparent de la mer Adriatique. Parfois j'ai l'impression que je suis né sur la route et que je voyage depuis, accompagné par mes frères slaves. (…) Trop de valises, trop de froid, trop d'exil pour un seul homme. »


La 4e de couv parle de « langue poétique, pleine de fantaisie et d'humour ». J'ai apprécié la langue poétique, remarquable pour un écrivain qui ne parlait pas un mot de français il y a vingt ans ; mais, pour moi, l'humour est celui d'un clown triste qui certes fait sourire mais qui, souvent, serre le coeur.

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