Dans un château anglais, en juillet 1914, quatre écrivains se réunissent car leur inspiration s'est fait la belle. Peut-être que la guerre qui approche fait fuir les Fées, leurs muses, leurs inspiratrices ?
Autour d'eux, dans ce huis clos, une femme en quête d'amour et d'indépendance, un "fils de" lâche et pitoyable, une cantatrice frivole, égoïste et malheureuse, une fée prisonnière, et deux enfants rêveurs livrés à eux-mêmes.
A l'extérieur, un Elfe les observe et tente de se mêler à eux. Fasciné par ce monde des humains, presque amoureux de leurs faiblesses, mais aussi méprisant, railleur, cruel, il rêve en vérité de les rejoindre et de connaître l'expérience d'une existence qui aurait une fin, la mort. Car la sienne n'a pas de saveur ? Chargé par le Roi des fées d'une mission d'envoûtement à la Songe d'une nuit d'été, il a failli. Les armées du Roi du monde des fées le poursuivent pour le juger, il doit leur échapper.
Et pendant ce temps-là, le monde se mobilise, la guerre approche à grands pas.
Je n'en dis pas plus pour ne pas déflorer l'histoire passionnante et formidablement réussie d'un
Fabrice Colin en très grande forme pour son retour à ses premières amours : la fantasy. Plusieurs histoires se mêlent, le merveilleux se frotte au réel, les destins des personnages, sont passionants, car ils sont creusés, vivants, ils fascinent. Nul se resortira indemne de cette histoire. Comme le monde d'ailleurs...
L'univers de
Fabrice Colin m'a toujours fascinée : son imagination libre, très originale, toujours inventive. Et sa plume magnifique, très unique en France selon moi, et dont ne ne se lasse pas (il faut lire aussi
La Poupée de Kafka, par exemple).
Les chapitres de l'Elfe sont particulièrement réussis. Présentés sur fonds noirs intrigants, dans une très belle typographie originale, ils font plonger le lecteur dans le torrent de pensées de ce personnage magique : ce sont les plus belles pages du roman, et de loin. Elles sont comme une vague qui emporte tout sur son passage, et je n'ai pas pu m'en détacher.
Il faut dire un mot au passage de la maquette de ce livre, très soignée : le motif du Pissenlit qui se défait au fur et à mesure des sept jours sur lesquels se déroule l'histoire.
Il faut préciser qu'il y a aussi de la noirceur dans ce roman, des pages violentes, très dures. Les écrivains sont résolus à des actes assez extrêmes pour que les Fées restent et leur "parlent" à nouveau, et si l'idée est dérangeante, elle est aussi très fascinante.
Les enfants sont comme un pont entre le réel et l'irréel, comme si eux seuls étaient capables de comprendre les deux ? Ou de ne rien comprendre du tout, on s'interroge et c'est ça aussi qui est passionnant.
Je me suis interrogée sur le titre "
Golden Age". Est-ce parce que c'est un âge d'or qui va disparaître avec la guerre ? Est-ce parce que le monde des fées est en lui-même un âge d'or que nous ne cesserons jamais de regretter ? Il y a un détail dans l'histoire qui peut donner une autre piste, mais je pense que c'est secondaire. Car il y a de la tristesse dans cet été où le monde va connaître un bouleversement sans précédent, de la tristesse dans le départ des fées, et dans les regrets des vieux écrivains. Et pourtant, ce n'est pas un roman triste. Il est empreint de nostalgie, mais de lumière aussi, d'énergie, et de beauté. Et puis, il y a de l'amour, qui sauve tout.
Mais c'est aussi et surtout un livre très intelligent, sur l'écriture, la création, l'imagination, la littérature. D'où vient l'inspiration ? Je ne sais pas si celle de
Fabrice Colin vient des fées, mais il a réussi ici un très grand roman d'imaginaire pur, de ceux qui restent en tête longtemps, et qu'on relira.
Un très grand coup de coeur !