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Critique de gerardmuller


La Trace/Richard Collasse
Abasourdi et bouleversé, ce sont les mots qui me viennent pour décrire l'état dans lequel se trouve le lecteur parvenu au terme de ce récit dont le dénouement de l'intrigue va crescendo.
Le narrateur, français de cinquante ans, marié à une japonaise qu'il adore, président d'une prestigieuse maison de luxe française implantée au Japon, reçoit un beau matin parmi son nombreux courrier une lettre anonyme écrite en japonais, langue qu'il pratique parfaitement au bout de trente années de séjour au Japon.
Cette lettre évoque un passé lointain qu'il a du mal à se remémorer :
« le passé, c'est la trace qu'on laisse derrière soi. »
Une seconde lettre le mettra sur la voie de cette époque où jeune étudiant il avait fait un séjour dans ce pays déconcertant et fait des rencontres multiples. Et cette lettre le déstabilise totalement à l'évocation d'un passé qu'un chapitre sur deux décrit, en alternance avec le présent.
Peu à peu vont se mettre en place les éléments du puzzle.
Un livre passionnant du début à la fin, pas un seul temps mort.
Richard Collasse qui réside au Japon depuis trente années a utilisé sa parfaite connaissance du pays et de ses habitants pour nous tisser un magnifique roman d'amour mais pas seulement, qui à plus d'un titre est très intéressant. Fin observateur du monde qui l'entoure, il s'exprime par l'intermédiaire de son personnage d'abord adolescent qui part à la découverte d'un autre monde avec des premiers pas dans une famille qui font souvent sourire.
« Étranger à ce peuple, à ses moeurs, à sa culture, à l'expression même de ses sentiments, maladroit, pataud, aveugle les yeux ouverts, totalement dérouté, je ne me sentais pourtant pas étranger ni isolé. »
Les descriptions des lieux et des personnages sont très bien conduites et une fine analyse sociologique et psychologique de la culture japonaise nous est offerte.
Une analyse aussi de la fonction de la langue m'a interpelé qui exprime bien le peu de cas que les japonais font des étrangers tout en étant très courtois à leur égard et leur désir de rester entre eux: c'est un ami japonais du narrateur qui s'exprime : « Notre langue n'est pas faite pour communiquer, elle est faite pour nous protéger. C'est le premier cercle concentrique, le plus redoutable ! »
Courtoisie, savoir vivre, délicatesse, raffinement sont des mots qui reviennent souvent. Et d'autres :
« Ce pays me convient : la discipline, l'ordre, la propreté. Ici le quotidien est efficace, précis, lyophilisé…La propreté du sol et des trottoirs était étonnante, le contraste avec Paris, saisissant. L'ordre et la discipline qui se dégageaient de la foule se hâtant sans bousculade, avec courtoisie et sans la moindre agressivité, me donnaient le sentiment d'avoir débarqué dans un pays terriblement civilisé. »
Et plus loin lors de la visite de l'usine Nikon :
« Tout était immaculé, ordonné, rangé. Il y avait des slogans sur des bannières aux murs que l'on m'a traduits à ma demande. Les mots « propreté », « ordre », précision », « sécurité », « fierté » étaient le leitmotiv de ces phrases. Je n'ai pu m'empêcher de faire le parallèle avec les graffitis dans les corridors de mon lycée qui exhortaient à l'anarchie, la révolution et clamaient « le désordre c'est la vie. »
Personnellement, je confirme pour avoir séjourné à Osaka et Kyoto que la propreté est une obsession au coeur de la ville.
Donc sur le fond, deux thèmes s'articulent dans ce roman : la découverte du Japon par un jeune français au cours d'un voyage initiatique, qui va faire de nombreuses rencontres, et la trace elle-même d'une rencontre qui peu à peu réapparait sortie des brumes d'un passé de 35 ans.
Le style est très fluide, alerte et précis.
À signaler une coquille p.52 de l'édition du Seuil: le roman « Les belles endormies » est de Yasunari Kawabata et non de Junichiro Tanizaki.
Le dénouement avec le télescopage du passé et du présent est digne d'une tragédie antique.
Un livre partiellement autobiographique, avec un belle histoire d'amour à la japonaise, qui ne manque pas de laisser des traces une fois refermé.
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