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EAN : 9782070143764
1600 pages
Gallimard (19/02/2015)
4.5/5   11 notes
Résumé :
Du XIe siècle avant notre ère à la dynastie des Ts'ing (1644-1911), toutes les variations sur les formes et les thèmes traditionnels de la poésie chinoise durant trente siècles sont illustrées dans ce recueil qui rassemble près de quatre cents textes.

Une fleur de lotus sortant de l'eau pure, / Naturelle, dépourvue de toute décoration, telle devrait être la poésie selon Li Bai. Il vécut au VIIIe siècle et demeure la figure la plus marquante de l'époq... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Cette anthologie est (presque) aussi longue que la muraille de Chine.

Mais dans l'esprit du Tao, si présent dans la poésie chinoise, ce n'est pas tant l'étape finale, indéterminée, qui importe que le chemin, où se nouent les flux.
Plusieurs années de lecture, qui du reste n'est jamais vraiment achevée, comment pourrait-elle l'être ?
Une lecture au long cours, un chemin sinueux en lacets dont on ne lasse jamais. Deux pas en avant pour découvrir de nouveaux poèmes, trois pas sur le côté pour en relire d'autres, des escapades pour s'attarder sur un auteur dont on a trouvé une oeuvre intégrale.
Objectivement les prix imposés par Gallimard pour les ouvrages pour la collection de la Pleiade sont excessifs, mais là au cas présent cela n'a rien de scandaleux. Beaucoup, sans doute la majorité de ces poèmes, sont sûrement très difficiles à trouver, même dans une librairie spécialisée.
Remi Mathieu a ainsi intégré quelques voix de femme, peut-être plus sobres mais qui ont toute leur place dans un ouvrage de cette nature pour l'embellir davantage encore.

Il y a bien sur toutes les « icônes » légendaires des dynasties Tang et Song mais aussi une multitude de plumes inspirées, dès la période antique, où on écrivait sur des tiges de bambou.

La poésie a toujours occupé une place privilégiée dans la société chinoise, dignitaires, empereurs de Cao Cao à Mao ont calligraphié.

Nombre de ces poètes n'étaient pas de « simples » poètes mais s'illustraient par d'autres talents comme la peinture, tel Wang Wei  ; ils ont souvent bénéficié de statuts privilégiés au plus haut niveau, avant de connaître une vie retirée, volontairement ou non, un peu comme si après avoir vécu dans le confucianisme, ils privilégiaient le Tao.

« Tout le monde a une passion invétérée,
La mienne consiste à aimer composer.
Les dix mille attachements ont disparu ;
(...)
Parfois, quand j'écris un nouveau poème,
Je monte seul au pic de l'est par le sentier.
M'appuyant sur un rocher blanc escarpé,
M'aggripant d'une main à un cannelier vert,
Je surprends les ravins en chantant fort ;
Gibbons et oiseaux se cachent pour m‘épier.
En ce moment, je crains d'être ridiculisé ;
Alors je viens en cet endroit retiré.»
(« Seul dans la montagne je récite des poèmes »- Bai Joyi p. 461)

Leurs mots conjuguent par conséquent grandeur, ivresse, humilité, l'intimité avec la Nature.

« Eaux du fleuve et de la mer se joignent au printemps ;
Avec la marée, la lune brillante surgit sur la mer.
Sur des milliers de lis, son éclat suit les vagues ;
Sur le fleuve printanier, il n'est d'éclat que lunaire.
Le fleuve sinueux ondule parmi les champs parfumés ;
Le clair de lune inonde les fleurs et les arbres de grésil.
On ne perçoit pas la blanche gelée qui vole dans le ciel ;
On ne voit plus le sable blanc répandu sur les îles.
Fleuve et ciel d'une seule couleur, sans aucune poussière,
Seul dans le ciel, le disque lunaire d'un blanc immaculé.
Sur les rives du fleuve , quel homme l'a vue le premier ?
Depuis quand sur le fleuve la Lune a t-elle éclairé l'humanité ?
Génération après génération, la vie continue à se perpétuer ;
Les années passent, la Lune du fleuve ignore le changement.
On ne sait pas pour qui la Lune sur le fleuve s'attarde ;
On ne voit que le long fleuve escorter le courant.
Un fragment de nuage blanc s'éloigne tranquillement ; (...)
(« Sur le fleuve au printemps, nuit de fleurs et de Lune »- Zhang Ruoxu p. 332)

Le désir , les troubles de la sensualité apparaissent en « ombre chinoise » enveloppés dans une ambiance bucolique délicate.

« Parc au soleil levant, calme, nulle brise ;
Dans les cristaux de brume, fleurs éclosent partout semblables,
Je me souviens : dans le palais profond des Talents assemblés,
Une danseuse ajustait dans ses cheveux les épingles de jade. »
(« Cristaux de brume » p. 576 Zeng Gong p. 576)

« (...) Je me souviens encore d'anciens récits au fond des palais :
Cette belle endormie
Aux verts sourcils papillons que frôle une fleur ;
Ne sois pas comme le vent du printemps,
Insensible à la grâce,
Prépare lui plutôt des maintenant une chambre dorée.
Car si tu laisses ses pétales partir au gré des vagues,
Vite tu te plaindras des airs tristes modulés par le dragon de jade,
Et si tu attends trop de retrouver cette obscure senteur,
Elle sera déjà enfermée dans le large lavis près de la petite croisée. »
(« Ombres trouées de lumière » Jiang Kui p. 738)

Mais même s'il s'agit de figures de styles récurrentes les poètes n'ont pas seulement célébré la grâce des fleurs de lotus, l'intimité des clairs de Lune, l'onirisme des paysages karstiques.

Le vin est souvent un compagnon :

« Lune cruche de vin parmi les fleurs ;
Sans aucun de mes proches, seul je bois.
Je lève ma coupe pour inviter la Lune ;
Avec mon ombre nous sommes trois.
Évidemment, la Lune ne sait pas boire ; (...)
Trois coupes : on se lie au Grand Dao ;
Plus encore ; on se fond dans la Nature.
Si vous saisissez la signification du vin,
Ne le révélez pas aux sobres gens »
(« Libation solitaire sous la Lune »-Li Bai- p. 380)

Et ces vers trouvent un écho sept siècles plus tard, en forme d'hommage, à l'éternité du lyrisme poétique.

« Il y avait déjà une Lune avant Li Bai
Mais seul Li Bai sut la célébrer de ses vers.
Combien de fois la Lune a t-elle cru et décru
Depuis que Li Bai est au pays des immortels ? "
(« Chant du buveur face à la Lune » Tang Yin p. 900)

Cette ivresse est également chantée par des poétesses, signe de la vivacité de cette pratique.

« Feuilles rouges répandues :dragon de feu laisse tomber ses écailles ; (...)
Tant que vous ne serez pas fin soul, hé ! Sur votre cheval nous ne vous hisserons pas ! »
(« Feuilles rouges répandues »-Yifeur p. 869)

La pauvreté, la précarité de la condition humaine, l'exil, la solitude sont des sources d'inspiration en résurgence.

« (...) Les monts et les marais s'enchaînent l'un à l'autre
La lande et les forêts s'étendent sans limite.
J'entends feuler un tigre au fonds d'une vallée
Et un faisant crier tout en haut de son arbre.
Un vent désolé souffle au profond de la nuit
Une bête esseulée traverse mon chemin.
Mon coeur s'émeut au spectacle des choses
Et mes sombres pensées s'emmêlent et se nouent.
Je me retourne alors vers le pays natal,
Mais ne voit que mon ombre et je pleure sur moi. (…)  »
(« Sur la route de Luoyang » Lu Ji p. 209)

Tristesse aussi de la femme asservie

« J'étais autrefois la perle sous la main.
De mes parents : aujourd'hui, ne sais comment, atterrie à Pingkang.
Devant les gens faisant l'enjouée et la coquette,
Mille rangs de larmes par derrière.
Trois printemps qu'en ces terres du Sud je bamboche et ribaude,
Pas une seule chose dont les autres ne soient maîtres à ma place.
Inconsolable.
N'y aura t-il pas quelque part dix setiers de perles,
Dont on pourrait racheter nuage ? »
(« J'étais autrefois la perle sous la main... » Zhenzhen p. 823)

Chacune, ou presque, des 1 295 pages de l'ouvrage offrent des émotions sidérantes.
Et ce qui le rend aussi si attachant, en tout cas de mon point de vue, c'est cette étonnante proximité ressentie en dépit de la distance du temps et de l'espace, qui en principe séparent ces poètes du lecteur occidental contemporain.
Et pourtant ne serait-ce que formellement, même pour nombre d'oeuvres écrites il y a plus de mille ans, l'expression apparaît singulièrement « moderne ».
Naturellement, l'écran de la traduction impose fatalement, en principe, une altération préjudiciable des textes. le passage de la calligraphie, qui offre une verticalité, (par exemple, l'homme- « ren » 人- devient subtilement, « naturellement » ciel-tian 天) à l'écriture occidentale, horizontale, plate, mutile la Beauté du texte. Mais en dépit de ce problème ces oeuvres sont magnifiques.

La lecture de cette anthologie constitue incontestablement un véritable défi, mais loin d'être insurmontable tant le lecteur est « récompensé » page après page.
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Quatre ans pour lire ce volume, quatre ans que je le compulse, que je lis et relis ces poèmes, en progressant petit à petit dans les époques, puisque je l'ai lu bien sagement dans l'ordre chronologique !
Que critiquer dans cet ouvrage ? Je ne suis pas sinologue, résumer 1200 pages de poésie s'étalant sur 3000 ans serait un peu présomptueux...
C'est une bible, un recueil unique en langue française et donc précieux pour se plonger dans les différents styles de poésie chinoise.
On y découvre des styles variés, des règles qui évoluent, des modes qui vivent et meurent, puis ressuscitent, et en filigrane la société chinoise qui évolue, elle aussi...
A ce titre la dernière période est très instructive, même si à titre personnel c'est plus la poésie classique qui m'a plu, avec sa nature, ses réflexions simples mais magnifiques, empreintent de spiritualité...
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Même si le texte chinois en regard aurait été bienvenu (comme dans toutes les autres anthologies de poésie de la Pléiade), cela reste une excellente anthologie, très large dans ses choix de poèmes et très diverses dans ses approches de la traduction. La section consacrée à la dynastie des Song est particulièrement réussie. Dans l'ensemble, l'anthologie offre une magnifique promenade dans un territoire poétique encore assez méconnu, quoique immense et renversant.
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Citations et extraits (129) Voir plus Ajouter une citation
L’étang de dix mille toises

« Le ravin verdoyant recèle bien des mystères ;
On y voit, parfois, une créature surnaturelle.
Un dragon doit se lover au fond de ses eaux ;
Son antre est profond de dix mille pieds.
Prudemment, nous suivons la pente raide,
Puis, courbés, descendons dans une brume bleue.
Devant nous surgit une grande étendue d’eau ;
Derrière nous se dresse un énorme roc grisâtre.
Le chemin disparaît dans les monts périlleux ;
Le rivage est coupé en deux falaises opposées.
Tranchées jusqu’à leur racines invisibles,
Leurs ombres inversées, calmes, vibrent sur l’eau.
Noir : on devine une courbe dans ce gouffre ;
Clarté : reflets ; brisés des ondulations de la lumière.
Un nuage solitaire s’introduit dans ce gouffre ;
Les oiseaux volent et tentent en vain de s’éloigner.
Des plantes grimpantes forment des rideaux ;
Des arbres transis ressemblent à des drapeaux.
Des torrents sinueux amènent des eaux lointaines ;
Ses eaux souterraines sont évacuées par des grottes.
Il semble que nul n’ait connu cet endroit exquis ;
Nous sommes sans doute les premiers à l’explorer.
Avec regret, il est temps de repartir maintenant ;
C’est la meilleure promenade de ces dernières années.
A cette saison, le dragon caché ne peut bouger ;
Ses mouvements sont gênés par des rocs géants.
J’aimerais revenir ici par une belle journée d’été,
Pour voir le dragon surgir dans un ouragan ! »

(p. 413 et 414 Du Fu 712 770-dynastie Tang)
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Paysage de neige sous la Lune

« L’hiver était doux et il n’a pas neigé en l’an dingwei, mais le trois de la première lune de l’an wuhen, la neige se mit à tomber jusqu’au cinquième jour et un vent glacial l’empêcha de fondre avant le dixième.

Cette nuit, la Lune apparut et rivalisa d’éclat avec la neige.

Assis à ma fenêtre tendue de papier, je fus frappé par une inhabituelle clarté ; je m’habillai pour monter à l’étage du petit pavillon qui domine la rivière à l’ouest, au-dessus d’un vide cristallin. Tout à la ronde était enrobé de neige, comme couvert de laque argentée ou inondé de mercure et il en montait une lumière éblouissante aux reflets miroitants. »

« La Lune se réfléchissait sur cet ondoiement radieux, les ombres des arbres dansaient comme l’image gracieuse de cheveux épars reflétés par un miroir.
Le froid m’imprégnait la peau, sa pureté me pénétrait jusqu’aux entrailles.
Appuyé à la balustrade, je levais la tête et tout n’était que vague, je la baissais et tout n’était que flou, j’étais bouleversé sans comprendre, j’ouvrais grands les yeux sans rien voir.

Mon esprit se fondait dans le paysage, notre rencontre était un prodige. Sans doute le Ciel m’avait-il transporté au pays de la pureté originelle ; je ne saurais, je le crains, le capter dans une peinture ou le décrire par des mots pour le représenter à ceux qui n’ont pu le voir avec moi ; l’évocation serait infidèle.

Je me dis qu’il y avait alors dans l’empire des paysages célèbres encore plus vastes, que la Lune et la neige y étaient encore plus célestes.

J’eus envie d’enlacer la Lune pour voler dans tous les confins et revenir en son sein. Mais une randonnée dans l’infini est malaisée, mes forces ont décru avec l’âge, je ne supporte plus le froid . Lorsque je redescendis, en chantant dans mon exaltation, on avait déjà battu le tambour de la deuxième veille. Je rentrai m’asseoir à ma fenêtre, seul comme si rien n’existait plus pour moi.

Je ne reverrai sans doute plus jamais un semblable spectacle et j’oublie à mesure que les jours passent, aussi je prends mon pinceau pour le noter avant que ma mémoire ne me trahisse. »

(p. 896 1 427-1 509 Shen Zhou dynastie Ming)
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Le narcisse

Sur les berges de la rivière Chu,
A nouveau l’ondine de la Xiang,
Dont sans un mot jaillissent les larmes pures :
Air de printemps pâle et discret.
En vain, seule, dressée dans le vent d’est.
Pour qui exhale t-elle ses tendres sentiments ?
Combien est froid le chemin de la fée qui marche sur les eaux, comme un automne sans fin ;
Des nuages parfumés se lèvent sous ses pas.
Revient le souvenir dans le palais des Han de la paume de l’immortel,
Altière et imposante au clair de lune…
En filaments glacés elle écrit sa plainte, sentiment plus intense encore.
Inutilement l’élégiaque poète a chanté les orchis parfumés et les iris obscurs.
Comme s’étendent au loin ses pensées printanières.
En son charme pourtant nul n’admire la première senteur du pays,
Seuls sauraient l’accompagner les trois amis de l’hiver !
Si pure près de la petite croisée,
Ses manches émeraude parfumées des brumes de l’encens,
Et quand je m’éveille d’un rêve profond,
La claire rosée perle le long de ses tiges dans l’ombre et sous la lampe... 

(p. 753 et 754 Zhou Mi 1 232-1 298 dynastie des Song du Sud)
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Soleil de l'aube à l'entrée du vieux temple ,
Le jour paraît sur la haute futaie.
Un sentier de bambous mène au secret
Des cellules tapies dans la verdure.

Clarté des monts où s'égaient les oiseaux
Reflets des eaux où s'épurent les coeurs,
Toute rumeur du monde ici s'est tue,
Rien que le son de la cloche et du gong.

Chang Jian
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Ombres trouées de lumière

Sur des branches moussues serties de jade,
Des oiseaux bleus, menus, si menus,
Se posent et ensemble demeurent.
Lorsqu'en voyage, je la rencontre
Dans un coin de la haie au crépuscule
Sans un mot elle s'appuie contre de hauts et simples bambous.
Dame Brillante, peu familière des lointains sables barbares,
Secrètement songe au sud, au nord du fleuve Bleu ;
Et sans doute est-ce le jade de sa ceinture qui s'en revient les nuits de pleine lune
Changé en cette fleur discrète et solitaire.

Je me souviens encore d'anciens récits au fond des palais :
Cette belle endormie
Aux verts sourcils papillons que frôle une fleur ;
Ne sois pas comme le vent du printemps,
Insensible à la grâce,
Prépare lui plutôt des maintenant une chambre dorée.
Car si tu laisses ses pétales partir au gré des vagues,
Vite tu te plaindras des airs tristes modulés par le dragon de jade,
Et si tu attends trop de retrouver cette obscure senteur,
Elle sera déjà enfermée dans le large lavis près de la petite croisée.

(p. 738 Jiang Kui 1155-1221 dynastie des Song du Sud)
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