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Charles Jourdain (Éditeur scientifique)
EAN : 9782070727261
406 pages
Gallimard (09/09/1992)
3/5   7 notes
Résumé :

" La logique de Port-Royal " a été publiée pour la première fois en 1662 à Paris et sans nom d'auteur. A la fois grammaire intellectuelle et compendium de l'épistémologie du classicisme cartésien et pascalien, cet art de penser est structuré selon les quatre aspects de la pensée rationnelle : comprendre, juger, déduire, ordonner. Toutes nos connaissances ont lieu à travers des idées qui refl... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Ce qui m'a d'abord plu c'est la clarté du propos. Il n'y a pas d'obscurité, tout est abordable, ordonné et bien écrit, avec sobriété. le but de ce livre est pédagogique, Antoine Arnauld fait beaucoup de comparaisons et étaye son propos de nombreux exemples ; un exemple n'est pas une preuve diront les philosophes, mais ça permet de comprendre plus facilement. L'ouvrage est divisé en quatre parties qui correspondent aux quatre facultés de l'esprit : La première sur la conception des idées (elle intéressera particulièrement les philosophes), la deuxième sur le jugement (comme c'est en grande partie la suite de la Grammaire de Port-Royal, et qu'elle en reprend d'ailleurs des passages, il y est beaucoup question de syntaxe), la troisième sur le raisonnement (de la logique pure) et la quatrième sur la méthode (qu'on peut qualifier d'embryon d'épistémologie).
J'avoue n'avoir que survolé tout ce qui est consacré à l'analyse détaillée des syllogismes dans la troisième partie, Arnauld le permet puisqu'il écrit lui-même que ce sont « des choses subtiles et nécessaires pour la spéculation de la logique, mais qui sont de peu d'usage ». Utile pour exercer sa logique, mais il est fastidieux de devoir assimiler tout un nouveau vocabulaire. Les syllogismes, bien classifiés et étudiés d'une manière exhaustive, sont certainement parfaits dans leur mécanisme, ce qui est très important, mais ça s'arrête là, car, comme le fait remarquer Arnauld, « s'il arrive jamais qu'on pèche contre les règles des syllogismes, c'est en se trompant dans l'équivoque de quelque terme », et ça, la logique n'y peut rien.
Si c'est un ouvrage assez pratique pour s'initier à la logique et qu'il n'essaye pas de prouver un système, il n'empêche qu'il est imprégné de son temps et de réflexions personnelles. D'abord très religieux, évidement, très catholique. A plusieurs reprises Arnauld s'en prend aux protestants, il essaye de démontrer le bon fondement des doctrines catholiques sur la transsubstantiation, l'autorité de l'Eglise ou la vénération des saints.
Plus généralement, il revient souvent sur sa conception de l'âme et voit, par analogie, dans les dernières avancées scientifiques sur la gravitation et le magnétisme la confirmation de ses idées : une force extérieure et immatérielle peut exercer une action sur les corps. Ainsi, l'âme, définie comme « une substance qui pense », « ce qui est en nous le principe de la pensée », est elle aussi immatérielle et indépendante du corps. A travers Saint-Augustin, Antoine Arnauld se présente comme davantage platonicien qu'aristotélicien, il critique Aristote et méprise l'obscure scolastique du moyen-âge.
Hobbes est aussi critiqué, tandis que Descartes est une référence estimée, particulièrement dans la dernière partie. Cette dernière partie sur la méthode pour acquérir le savoir est très sérieuse, elle se base sur l'exemple de la géométrie, mais à la fin Arnauld étend son sujet à la connaissance des évènements du monde et à la foi. Par exemple, doit-on croire aux miracles ? Ce qui est intéressant c'est qu'il en vient à en faire une question de probabilité et il en tire une excellente morale sur les espérances et les craintes.
Car la cause finale de la logique n'est pas d'acquérir un savoir inutile et purement spéculatif mais elle a un but morale. Cette idée-là n'est vraiment pas en vogue et elle est d'autant plus intéressante qu'elle est essentielle pour Antoine Arnauld. Beaucoup de passages du livre sont des considérations morales. La morale de Port-Royal s'oppose à celle des sceptiques, avec Montaigne à leur tête, dont la vanité est blâmée pour avoir osé écrire un livre dont il est le principal sujet (autres temps…). En tout cas, elle est pleine de riches observations, qui n'ont jamais été plus d'actualité, sur le comportement des hommes, notamment lors des disputes et des débats. En lisant ce livre on s'aperçoit que la fameuse austérité de Port-Royal provient d'une rigoureuse logique.
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La logique de Port-Royal est raisonnée bien plus que mathématique. Les formules toutes faites ne sauraient aider celui qui cherche la vérité, qui elle même (hormis bien sûr, pour leurs auteurs, celle qui concerne qui vous savez) est discutable. Dans ce sens, il est intéressant de noter que l'attention portée à détailler et décrire le fonctionnement des syllogismes est autrement plus concentrée que dans de nombreux ouvrages de logique mathématiques. Ce qui tend en effet à confirmer que le raisonnement est supérieur à la logique puisqu'il permet de l'expliquer et que l'inverse ne se trouve pas. Pour le reste Descartes et Saint Augustin sont les deux grandes sources d'inspiration de L'art de penser et Gassendi (qui s'était déjà illustré dans les Objections) en est la bête noire.

C'est un peu daté, mais l'expression, bien que simple, est élégante ; la lecture est très aisée et l'on se sent intelligent en refermant ce livre ; on n'en sait pas nécessairement plus sur le monde, mais on se dit qu'on saura mieux l'appréhender et que l'on fait bien, dans tous les cas, pour cela, plutôt que de suivre des automatismes venus de l'extérieur qui prétendent le mettre en boîte, de prendre, comme le recommande La logique, du recul et de réfléchir sans s'en laisser conter.
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Cet exposé méthodique des formes syllogistiques telles que découvertes par Aristote constitue une lecture d'une souffrance sans nom, entre archaïsmes linguistiques baroques, grammaire algébrique, et exemples systématiquement réciproques.
Une somme à aborder pleinement aguerri, et plus comme le témoin d'un siècle, en terme d'idées, remarquables, qu'en tant qu'ouvrage d'apprentissage de "l'Art de penser".

Pour les benêts comme moi, savourez donc :
Plus il y a de gruyère, plus il y a de trous.
Plus il y a de trous, moins il y a de Gruyère.
Donc plus il y a de Gruyère, moins il y a de gruyère...

PS : en plus d'une composition compacte, en petit caractère, le texte est reproduit par photomécanique, un procédé qui ne facilite en rien la lecture de ce céleste lingot de plomb.
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Citations et extraits (13) Voir plus Ajouter une citation
Il faut avouer que s'il y en a à qui la logique sert, il y en a beaucoup à qui elle nuit ; et il faut reconnaître, en même temps, qu'il n'y en a point à qui elle nuise davantage qu'à ceux qui s'en piquent le plus, et qui affectent avec plus de vanité de paraître bons logiciens : car cette affectation même étant la marque d'un esprit bas et peu solide , il arrive que, s'attachant plus à l’écorce des règles qu'au bon sens, qui en est l'âme, ils se portent facilement à rejeter comme mauvais des raisonnements qui sont très bons ; parce qu'ils n'ont pas assez de lumière pour les ajuster aux règles, qui ne servent qu'à les tromper, à cause qu'ils ne les comprennent qu'imparfaitement.
Pour éviter ce défaut, qui ressent beaucoup cet air de pédanterie si indigne d'un honnête homme, nous devons plutôt examiner la solidité d'un raisonnement par la lumière naturelle que par les formes ; et un des moyens d'y réussir, quand nous y trouvons quelque difficulté, est d'en faire d'autres semblables en différentes matières ; et lorsqu'il nous paraît clairement qu'il conclut bien, à ne considérer que le bon sens, si nous trouvons en même temps qu'il contienne quelque chose qui ne nous semble pas conforme aux règles, nous devons plutôt croire que c'est faute de bien le démêler, que non pas qu'il y soit contraire en effet.
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Il est de la nature des choses finies de pouvoir être surpassées, quelque grandes qu'elles soient, par les plus petites, si on les multiplie souvent, ou que ces petites choses surpassent plus les grandes en vraisemblance de l'événement qu'elles n'en sont surpassées en grandeur. Ainsi, le moindre petit gain peut surpasser le plus grand qu'on puisse s'imaginer, si le petit est souvent réitéré, ou si ce grand bien est tellement difficile à obtenir, qu'il surpasse moins le petit en grandeur que le petit ne le surpasse en facilité; et il en est de même des maux que l'on appréhende, c'est-à-dire que le moindre petit mal peut être plus considérable que le plus grand mal qui n'est pas infini, s'il le surpasse par cette proportion.
Il n'y a que les choses infinies, comme l'éternité et le salut, qui ne peuvent être égalées par aucun avantage temporel, et ainsi on ne doit jamais les mettre en balance avec aucune des choses du monde. C'est pourquoi le moindre degré de facilité pour se sauver vaut mieux que tous les biens du monde joints ensemble ; et le moindre péril de se perdre est plus considérable que tous les maux temporels, considérés seulement comme maux. Ce qui suffit à toutes les personnes raisonnables pour leur faire tirer celte conclusion, par laquelle nous finirons cette logique, que la plus grande de toutes les imprudences est d'employer son temps et sa vie à autre chose qu'à ce qui peut servir à en acquérir une qui ne finira jamais, puisque tous les biens et les maux de cette vie ne sont rien en comparaison de ceux de l'autre, et que le danger de tomber dans ces maux est très-grand, aussi bien que la difficulté d'acquérir ces biens.
Ceux qui tirent cette conclusion, et qui la suivent dans la conduite de leur vie, sont prudents et sages, fussent-ils peu justes dans tous les raisonnements qu’ils font sur les matières de science ; et ceux qui ne la tirent pas, fussent-ils justes dans tout le reste, sont traités dans l’Ecriture de fous et d’insensés, et font un mauvais usage de la logique, de la raison et de la vie.
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Qu'un homme ait une idée fausse ou véritable, claire ou obscure, de la pesanteur, des qualités sensibles et des actions des sens, il n'en est ni plus heureux ni plus malheureux ; s'il en est un peu plus ou un peu moins savant, il n'en est ni plus homme de bien ni plus méchant. Quelque opinion que nous ayons de toutes ces choses, elles ne changeront pas pour nous. Leur être est indépendant de notre science, et la conduite de notre vie est indépendante de la connaissance de leur être : ainsi, il est permis à tout le monde de s'en remettre à ce que nous en connaîtrons dans l'autre vie, et de se reposer généralement de l'ordre du monde sur la bonté et sur la sagesse de celui qui le gouverne.
Mais personne ne se peut dispenser de former des jugements sur les choses bonnes ou mauvaises, puisque c'est par ces jugements qu'on doit conduire sa vie, régler ses actions, et se rendre heureux ou malheureux éternellement ; et comme les fausses idées que l'on a de toutes ces choses sont les sources des mauvais jugements que l'on en fait, il serait infiniment plus important de s'appliquer à les connaître et à les corriger, que non pas à réformer celles que la précipitation de nos jugements ou les préjugés de notre enfance nous font concevoir des choses de la nature qui ne sont l'objet que d'une spéculation stérile.
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il n'y a point d'absurdités si insupportables qui ne trouvent des approbateurs. Quiconque a dessein de piper le monde, est assuré de trouver des personnes qui seront bien aises d'être pipées ; et les plus ridicules sottises rencontrent toujours des esprits auxquels elles sont proportionnées.
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on ne voit pas que l'étude de ces sciences speculatives, comme de la Geometrie, de l'Astronomie, & de la Physique, soit autre chose qu'un amusment assez vain, ni qu'elles soient beaucoup plus estimables que l'ignorance de toutes ces choses, qui a au-moins cet avantage qu'elle est moins penible, & qu'elle ne donne pas lieu la sotte vanité que l'on tire souvent de ces connoissances steries & infructueuses.
Non seulement ces sciences ont des recoins & des enfoncements fort peu utils : mais elles sont toutes inutiles, si on les considere en elles-mêmes & pour elles-mêmes. Les hommes ne sont pas nés pour employer leur temps à mesurer des lignes, examiner les rapports des angles, à considérer les divers mouvements de la matiere. Leur esprit est trop grand, leur vie trop courte, ler temps trop précieux...
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