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EAN : 9781025300450
Editions Daphnis et Chloé (02/04/2015)
4.4/5   10 notes
Résumé :
Dix-huit écrivains russes sont réunis dans ce livre de nouvelles inédites. Parmi ces grandes plumes, des grandes gueules, des provocateurs, des poètes. Sorokine, Limonov, Prilepine, Chichkine... Quelque chose dans l'air nous fait croire que c'est la dernière fois qu'ils peuvent être réunis. En Russie, être écrivain, c'est un destin. Un long chemin de croix. Tolstoï a été excommunié, Dostoïevski condamné à mort et gracié juste après le roulement du tambour, Gogol ent... >Voir plus
Que lire après Nostalgia, La mélancolie du futurVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (7) Voir plus Ajouter une critique
Je tiens à remercier les Éditions Daphnis et Chloé ainsi que l'opération Masse critique pour l'envoi de ce livre dont j'ai apprécié immédiatement la reliure. Outre sa qualité littéraire, c'est un bel objet !

Mais quelle tâche ardue fut pour moi d'envisager la rédaction de la critique de ce recueil de nouvelles russes !
Ardue car ces nouvelles sont au nombre de dix-huit, écrites par dix-huit écrivains différents, leur structure, leur propos et leur style est varié, mêlant tant des souvenirs que de la fiction...

La solution doit être trouvée dans le titre, très explicite, la Nostalgie : cette nostalgie est le commun dénominateur de ces nouvelles : solution que me suggère l'avant-propos de Sergueï Nicolaïevitch, rédacteur en chef de la revue russe SNOB d'où sont extraites ces récits ; celui-ci nous rappelle l'origine du mot, composé de deux éléments d'origine grecque “nostos”, le retour au pays et “algia”, la douleur.
La nostalgie représente le fil rouge de tous ces textes mais de manière évidemment très variée.
Dans sa belle préface, Mazarine Pingeot développe encore cette notion : “L'âme russe, c'est celle qui a inventé la nostalgie comme une couleur, une note ténue, un accent, et une contagion”, elle aborde plusieurs caractéristiques de cette littérature russe : la liberté, les livres malgré la censure, le conte dans le conte, la morale de l'histoire, la Patrie...

Des nouvelles peuplées de souvenirs tel le récit que nous fait Elena Pasternak, petite fille de l'écrivain, où est décrite la maison de ce dernier et les visites inopinées (et mal vues par les autorités) des personnes voulant découvrir l'endroit où il a vécu. Autres souvenirs évoqués par Alla Demidova et ses trajets - sans billets - dans la Flèche rouge, le TGV russe, en compagnie de Vyssotski et Dykhovitchnvi.

Des nouvelles axées sur la Patrie, telle celle de Chichkine qui nous fait revivre la vie des prisonniers de guerre russe ayant fui l'Allemagne pour la Suisse et à qui le régime propose le retour au pays, retour périlleux car Staline considérait tout soldat russe fait prisonnier comme un déserteur...

Ou axées sur la famille, telle celle écrite par Natalia Turine qui évoque ses parents et l'époque où on ne pouvait faire confiance à personne, et ce même à l'intérieur d'un couple ou celle de Limonov qui dépeint sa rencontre avec un demi-frère inconnu.

La fiction n'est évidemment pas absente, notamment dans le récit le Prince Taviani de Dimitri Bykov ou bien entendu dans la nouvelle de Zakhar Prilepine où nous retrouvons l'atmosphère propre à cet auteur.

le thème de l'exil et du retour est lui évoqué par Tatiana Chtcherbina

Tout ceci n'est qu'un aperçu trop succinct de ce livre, je ne cite que quelques auteurs ce qui ne signifie pas que les autres m'aient moins intéressé ! Développer chacune de ces dix-huit nouvelles m'entraînerait trop loin.

Je tiens à souligner avec conviction que toutes sont intéressantes et dressent un tableau vivant des Russes d'aujourd'hui.
C'est une lecture agréable, et les histoires sont variées.
Les nouvelles sont à lire une à une, sans vouloir toutes les aborder en une fois vu leur diversité et caractère propre.

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18 textes parus dans la revue littéraire russe SNOB, réunis autour de la nostalgie. 
Le rédacteur en chef de SNOB, Sergueï Nicolaëvitch nous en fait la présentation : «Le mot nostalgie est composé de deux éléments d’origine grecque, nostos, le retour au pays, et algie, la douleur.(…) La nostalgie, retour vers le passé, a inspiré les oeuvres maîtresses de Bounine, de Nabokov, de Chmeliov, dans lesquelles la mémoire a opéré un saut historique dans la splendeur de l’éternité.
Les écrivains publiés dans SNOB essaient aussi à leur manière de reprendre cette dynamique, dans la mesure où les espaces infinis de notre histoire nationale ainsi que les giga-octets inépuisables de notre mémoire permettent de réaliser cette prouesse avec une bonne part de légèreté. »

L’idée de faire figurer ces textes dans un recueil unique est venue de la journaliste, photographe et écrivain Nathalie Strube qui y publie elle-même un très beau texte autobiographique intitulé « Réchauffement ».
Elle est aussi la rédactrice d’ une postface que j’ai trouvé pleine d’humour : « Quand, dans une cuisine pleine de vaisselles sale et de verres vides, on se souvient des années passées, tout le monde s’accorde à dire que dans la Russie de Gorbatchev tout était possible.(…! Après l’époque Gorby, on voulait tous émigrer en Occident qu’on croyait ête le paradis.
(…) On s’était acheté de belles voitures puissantes, mais l’occident ne cessait de réduire la vitesse et adoptait le vélo…
Dépossédés de leurs rêves, beaucoup de ces néophytes russes sont rentrés à la maison, en fermant leurs portes blindées derrière eux. Ainsi a commencé la Nostalgie, la mélancolie du futur. » p 525
Quant à la préface elle est signée Mazarine Pingeot et mérite elle-aussi lecture.

J’ai dévoré ce recueil comme un roman dont les chapitres me faisait découvrir un aspect différent de cette Nostalgie dont chacun est imprégné, en compagnie d’ écrivains que je connaissais déjà comme Vladimir Sorokine qui choisit le boulevard de la Ringstrasse pour sentir frémir la ville de Vienne et mieux en jouir, Prilepine et ses « Compagnons de route » adeptes de sauna, fille et vodka ou Limonov qui reçoit la visite d’un demi-frère, prénommé Youri, qu’il ne connaissait pas et bien d’autres que j’ai eu le plaisir de lire pour la première fois telle la petite fille de Pasternak, Elena, qui fait revivre Peredelkino « Dans l’ordre des choses » ou Dimitri Bykov qui nous entraîne dans un conte des mille et une nuits à la mode russe « Le Prince Taviani ».
Tous ne sont pas des écrivains mais cela n’enlève rien à la qualité de leur texte.
Ainsi de Vitali Komar, qui enfant rêvait de voir Staline en chair et en os. Il le verra alors qu’il ne s’y attendait pas quand, en compagnie de son grand-père, il doit s’arrêter pour laisser passer un cortège officiel. De cette vision de Staline derrière la vitre d’une voiture noire naîtra bien plus tard l’une de ses toiles intitulée « Un jour, dans mon enfance, j’ai aperçu Staline » qui fait partie de la série intitulée « Le Sots Art nostalgique ». Ne connaissant pas l’art « Sots », j’ai été voir sur "google" et j'ai appris que, dénommé ainsi par analogie avec le Pop Art, à partir des mots art et socialisme, il est né en 1972, sous l’impulsion de deux artistes moscovites, Vitaly Komar et Alexandre Melamid. »

et Alla Demidova, « Eh, l’étoile, comment va la vie ? », actrice dans des pièces mises en scène par Iouri Lioubimov au Théâtre de la Taganka à Moscou. Elle s’aide de notes prises dans des carnets entre juin et octobre 1975 pour redonner vie aux tournées qu’elle a faite avec Volodia Vyssotski qui joue dans Hamlet et la Cerisaie. Elle se remémore les voyages en train quand existait encore « la flèche rouge ».

etc…

Tourbillon de vies et de Vie qu’offrent tous ces textes qu’il serait trop long de détailler et qui sont reliés dans ce livre très beau avec sa couverture noire, sa tranche rouge, un ruban pour signet, et la qualité de la mise en page et de l’impression. Je ne m’attendais pas à un tel écrin qui rajoute au bonheur de cette lecture.
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Je lis peu de littérature russe. Ainsi Nostalgia rejoignît ma sélection Masse Critique. Dame, découvrir 18 écrivains russes en une fois ! Non, peut-être ?! En un autre temps, j'eusse embrasé les ours (soupir) pour me l'attribuer. Qu'il me soit permis non seulement de remercier les éditions Daphnis et Chloé pour leur envoi, mais aussi de les féliciter pour la haute qualité de l'ouvrage : papier, mise en page aérée, reliure, couverture cartonnée, jusqu'au liseré rouge. Tout est d'une grande classe. Si rare !


Près de 500 pages, 18 nouvelles de 12 à 50 pages, toutes traduites d'une exquise écriture par Marie Roche-Naïdenov participant au plaisir de la lecture en français. Toutes de nostalgie. Mais encore... "je dirais que toute forme de nostalgie n'est qu'un mot, glissé en douce, ou un rappel sévère - tu es un visiteur. [...] Tout au moins, tant que tu es vivant." p.481
[Une belle apparition I. Sakhnovski]


Ainsi je suis passé, visiteur inconnu, de craintes en surprise, de surprises en émerveillement, d'émerveillements en souvenirs. Etait-ce dans "L'ordre de choses" de soudain me remémorer "La cerisaie" à la vue de la maison de Pasternak ? de songer à cette énigmatique inconnue "L'inconnue de Birobidjan" au moment où "Un jour dans mon enfance j'ai vu Staline" ? de par "La nostalgie de la Patrie" m'interroger sur "La modification" pendant cet autre parcours en train, celui-ci vers Berlin et non Rome ? que, dans "Ringstrasse", dans cette Vienne familière et aimée, je crusse entrapercevoir Freud demander au Dr Breuer si Nietzsche pleurerait sur ses migraines ? qu'à l'approche de ce sanatorium suisse où des Russes exilés trouvèrent temporairement refuge pendant la guerre dans "La Patrie vous attend" volassent en moi "Les oiseaux de bois" ?
" Ce que j'écris, en soi, n'a pas de signification, car le monde tel que je l'ai vécu était sans limite, alors qu'en écrivant, le monde, réduit en lettres, est rétréci. Pour croire en ce qui a été vécu, il faut l'avoir vécu, comme moi ; or chacun vit sa propre vie." p.345
[Siverskaya E. Vodolazkine]


De plus, impossible de les citer toutes, d'ailleurs je n'ai pas parlé de "Sirverskaya" qui par magie m'a ramené dans "La ville dans le miroir" pourtant ce village de vacance sur la rivière Oredej ne ressemblait en rien à Dubrovnik ; je saute à la dernière "Le trou noir" qui vous verrez parle du Wi-Fi. Car "La mélancolie du futur" n'est pas passéiste. Toutes ces histoires cependant nous rappellent, comme Kundera dans "L'insoutenable légèreté de l'être", qu'en Russie plus qu'ailleurs peut-être la constance est dans l'incertitude, la permanence dans l'éphémère. Déjà les voilà, belles nouvelles, s'estompant pour rejoindre tout de ouate celles de "Trop de bonheur". Aussi brisant mes habitudes, je relus la première et vous en confie la dernière phrase.
"Je me dis que, l'espace d'un instant, j'ai réussi à tromper le destin : les voilà tous réunis, tous ces êtres chers qui sont partis, ils se retrouvent en famille et, comme toujours, ils racontent des histoires invraisemblables." p.58 [L'ordre des choses. E. Pasternak]
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Découvrir Nostalgia, La mélancolie du futur, c'est aussi retrouver le contact délectable d'une fabrication de qualité. Exigence du papier, sobriété élégante de la couverture façonnée pour résister aux assauts du temps et trouver sa légitimité dans une bibliothèque. Les mots qui composent ce recueil de dix-huit nouvelles viennent confirmer le raffinement de l'écrin. Dix-huit nouvelles russes qui renouent avec cet état entre dérision et mélancolie que l'on appelle l'âme slave. Cette âme toujours un peu titubante faite de mondes intérieurs dévastés, de trains qui mènent vers la Toundra, d'immeubles gris aux fenêtres étroites comme des meurtrières et de Datchas romantiques entre les murs desquels déambulent les fantômes de Lara et du Docteur Jivago. Eternelle Russie mendiante d'alcool fort, tour à tour éructante comme un ogre à bacchantes et fragile comme une enfant aux longs cheveux de paille. Les larmes et les rires, la beauté et la laideur, une chorégraphie d'émotions contradictoires où la tiare de l'empereur côtoie la faucille du camarade. Une histoire comme un monstre à deux têtes, une histoire de diables rouges et d'icônes faite pour être écrite et contée par les romanciers.
En renouant avec cette grande tradition d'une plume russe libre et échevelée, Nostalgia nous invite dans un pays de neige encore hanté par les heures sombres du communisme, les privations de liberté et qui en dépit de la brève éclaircie de la Perestroïka peine à enchanter son histoire contemporaine. Bien que connecté au monde avec tous les outils de l'ultra libéralisme, l'homme russe moderne demeure au plus profond de son âme ce vagabond lyrique qui convoque la voûte céleste. Car c'est bien cette insatisfaction, cette impossibilité du bonheur terrestre, que retrace cet excellent florilège de nouvelles à la haute teneur littéraire. Quels que soient les régimes politiques et les coups du sort l'âme slave résiste au temps et la mélancolie qui la poursuit demeure cette noblesse identitaire qu'aucune révolution marxiste ou capitaliste ne pourra destituer.
Préfacé avec talent par une Mazarine Pingeot inspirée et honoré de la présence d'Elena Pasternak, petite fille de Boris, qui signe la plus belle nouvelle, Nostalgia, La mélancolie du futur, est un voyage baroque et désenchanté en terre russe, cette terre rude et vulnérable sur laquelle s'obstinent les empreintes de la grande littérature.
Astrid MANFREDI, le 28 mai 2015
Lien : https://laisseparlerlesfille..
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Ce qui frappe avant tout, lorsque l'on tient Nostalgia, La mélancolie du futur entre ses mains pour la première fois, c'est la beauté de ce livre qui ne manquera pas d'émouvoir tous les bibliophiles (que celui qui n'a jamais acheté un livre pour sa couverture me jette la première pierre !). L'ayant reçu via l'opération Masse critique, je ne savais pas à quoi m'attendre et, en tout état de cause, je ne m'attendais pas à un aussi bel objet s'agissant d'un recueil de quelques nouvelles. Mais ce fut un coup de foudre rien qu'à la couverture et je salue vivement l'effort porté à cette édition soignée et au sens du détail.

Le recueil Nostalgia regroupe 18 nouvelles russes contemporaines, publiées dans la célèbre revue russe Snob. Leurs auteurs sont divers : écrivains ou non, ils sont rassemblés dans cet ouvrage par un dénominateur commun, qui est la prégnance dans leur écrit d'un sentiment de nostalgie.
Pour la majorité des nouvelles, la nostalgie vient illustrer l'âme russe de la fin du 20e siècle, le rapport complexe entre le passé et l'avenir entretenu par ceux qui habitent ce pays hors-norme, et à ce titre, c'est un ouvrage précieux pour qui s'intéresse à la Russie. Par sa polyphonie, et la multiplicité des styles des auteurs, ainsi que leurs visions diverses de leur pays et de leur histoire (que celle-ci soit personnelle, voire intime, ou collective), il n'aplatit pas cette vision et ne leur confère pas la simplicité factice qu'un observateur extérieur pourrait adopter sur un sujet qui ne pourra que lui demeurer, in fine, étranger.

Un point tout à fait positif à mettre au crédit de cet ouvrage et auquel les amateurs de littérature russe ne resteront pas indifférents, c'est la qualité de la traduction proposée. Je n'ai certes pas fait la démarche de comparer le texte français avec leurs versions originales russes, mais j'ai noté avec grand plaisir (et une pointe de surprise) que la traduction française est fluide, agréable, naturelle, autant de qualités dont sont souvent dépourvues les versions françaises des ouvrages de littérature russe.

Rien ne s'oppose donc à ce que le lecteur se plonge, à son rythme et en fonction de ses affinités, dans les petites tranches de vie, empreintes d'un profond réalisme, qui sont ici proposées et dans lesquelles se dessine une nostalgie pure, sincère, mise à nu.
Volontairement, je ne rentre pas dans le détail, nouvelle par nouvelle, de cet ouvrage. Comme dans tout recueil, et surtout aussi varié que celui-ci, les oeuvres sont inégales, tant par leurs qualités littéraires que par l'intérêt de leur propos. Mais les unes n'entraînant pas nécessairement l'autre, chacun pourra trouver dans Nostalgia ce qu'il y recherche, une pépite littéraire ou un témoignage à vif, une esquisse en quelques pages ou une longue fiction. de fait, Nostalgia, La mélancolie du futur n'échappe pas à l'écueil du recueil de textes, dans lequel le lecteur ne retiendra pas tout.

Dans l'ensemble, en tout état de cause, il s'agit d'un ouvrage intéressant, et précieux dans le champ de la traduction française des auteurs russes. Je remercie vivement Babelio ainsi que la maison d'édition, Daphnis et Chloé, pour ce livre qui est venu embellir les rayonnages de ma bibliothèque !
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critiques presse (1)
LeSoir
10 août 2015
Un excellent recueil de 18 nouvelles de la littérature russe d’aujourd’hui.
Lire la critique sur le site : LeSoir
Citations et extraits (20) Voir plus Ajouter une citation
Natalia Turine - Postface

Après l’époque Gorby, on voulait tous émigrer en Occident qu’on croyait être le paradis.
Le paradis était sale, pauvre et peu cultivé. Peut-être était-ce juste son apparence, mais on n’avait pas d’autres critères que l’apparence pour juger. Et rien n’était possible pour nous dans ce monde civilisé.
On s’était acheté de belles voitures puissantes, mais l’Occident ne cessait de réduire la vitesse et adoptait le vélo...
Dépossèdes de leurs rêves, beaucoup de ces néophytes russes sont rentrés à la maison, en fermant leurs portes blindées derrière eux. Ainsi à commencé la Nostalgie, la mélancolie du futur.
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« Nous avons chacun nos peurs et nous partons chacun de notre côté pour cacher nos larmes et ne pas voir celle des autres.
(…) Mais chacun de nous a son propre cimetière, sa douleur et ses peurs. Nous n’avons que la solitude en commun. p 206-207

Mon père m’a quittée et a pris son avion pour Moscou. Il me restait encore deux heures avant mon vol pour Paris. J’étais à nouveau seule.
Je n’avais plus de passé. Nulle part. Ni dans la ville de mes parents où plus une seule rue ne ressemblait à l’album de ma grand-mère, ni dans celle où j’étais née ni dans celle de mon imaginaire.
On a annoncé l’embarquement pour Paris. Je quittais mon enfance. Pour toujours. J’étais terrifiée de regarder devant moi. J’ai fermé les yeux et je me suis dit que ma vie était semée d’erreurs. Mais, j’ai pris le parti de me les pardonner. p 209
(Réchauffement de Natalia Turine)
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Youri a enfilé sa veste. Nous nous sommes dirigés vers la porte, je le précédais. J’ai ouvert les deux verrous, il a franchi le seuil et s’est retourné.
— Edouard, vous l’aimez ?
— Si j’aime mon père ? Oui, j’aime mon père, même s’il s’est conduit comme les catholiques qui ont tué des huguenots la nuit de la Saint-Barthélémy. Mais, c’est mon père, il reste le jeune gars qui m’a donné la vie, par amour pour une jeune fille. Qui vous a donné la vie par amour pour une petite chamane.
— Comment votre mère appelait-t-elle votre père ?
— Venitchka.
— Ma mère aussi.

p 291 "Venitchka, mon père", Edouard Limonov
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Toute capitale est un être vivant. Elle peut se donner, s’ouvrir, faire partager sa chaleur intérieure. Mais elle peut aussi vous envelopper de la froideur de son urbanisme. On peut vivre toute sa vie dans une ville sans l’avoir pénétrée, sans avoir ressenti la chaleur de ses entrailles. Bien sûr, il existe des villes frigides, mais il ne faut pas se laisser brider par leur froideur, bon sang ! (…) Les capitales attendent des caresses de la part de leurs visiteurs. Chacune d’entre elles possède ses zones érogènes. Il suffit qu’on les frôle pour que la ville se donne totalement (…), il faut connaître les endroits sensibles de Vienne-la-Belle, de son corps de marbre. (…), le boulevard circulaire (Ringstrasse) fait partie de ces zones sensibles. Il suffit d’un frôlement pour que Vienne sursaute et garde mi-clos ses grands yeux noirs de belle Hongroise. Le sang se met à circuler plus vite dans les veines de Vienne.
p 128-129, Ringstrasse de Vladimir Sorokine
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Il m'arrive parfois aujourd'hui encore de rêver de mon père, je le revois surtout comme il était pendant ces étés à la campagne [...] Je me souviens de ses mouvements. De la façon un peu maniérée, un peu orgueilleuse même, qu'il avait de sortir sa montre Breguet avec sa chaîne. De faire claquer le couvercle, et là - d'ébaucher une petite grimace, comme pour exprimer son mécontentement, car le temps, d'après lui, passait trop vite ...

[Siverskaya E. Vodolazkine]
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