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EAN : 9782870036471
Couleur Livres (01/06/2014)

Note moyenne : /5 (sur 0 notes)
Résumé :
Comment peut-on être belge ? De bien des façons différentes, assurément. Ce pays vit la pluralité depuis sa naissance. Mais après trente ans de déprime économique et de croissance des inégalités, la pluralité se vit moins bien. Les procès d’intention se multiplient et les imaginations s’enflamment. Sous des formes dures ou plus “voilées”, la xénophobie envahit l’espace public, les médias et les réseaux sociaux.

Le groupe de réflexion Tayush s’est préc... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Reconnaître les autres formes d'aspiration à la liberté et à l'égalité

Dans l'introduction, Nadine Plateau parle, entre autres, des discriminations et des racismes en soulignant que « Toutes les données aujourd'hui disponibles, quantitatives et qualitatives, montrent qu'en particulier les groupes issus de l'immigration maghrébine, turque et subsaharienne, se voient restreindre l'accès tant au marché du travail qu'au logement ou à l'éducation ». Sans que disparaissent les racismes antisémite, anti-noir-e, anti-rrom, une nouvelle forme de racisme domine dans certains pays européens : l'islamophobie. Un racisme basé sur la construction/invention d'un-e autre comme différent-e par nature ou par essence.

La préfacière explique le mot Tayush et le groupe (« Groupe de réflexion pour un pluralisme actif », http://www.tayush.com/) qui s'y rattache : « Bien que clairement situé-e-s différemment dans ce qu'on nomme les rapports de classe, de sexe et de race, ces hommes et ces femmes partagent une même volonté de recréer la citoyenneté et le vivre ensemble. D'où le choix du nom Tayush, mot issu de l'arabe classique Ta'ayush qui signifie coexistence ou vivre ensemble ».

Elle ajoute « Un espace tout à fait particulier en ce que l'affrontement ne se coule pas dans le moule asymétrique des rapports de force et n'aboutit pas à la mise à mort que ce soit d'une pensée ou d'une identité ». et « Avec Tayush, le vivre ensemble commence ici et maintenant… et c'est un agir ».

Elle poursuit sur les « défis du pluriel », la « subjectivité contrôlée » des auteur-e-s des textes présentés, les singularités individuelles et collectives, l'« action politique commune, d'un cheminement collectif, d'un travail d'élaboration – dans les mots et l'agir – de la démocratie »

Elle consacre un paragraphe au « féminin dans la langue », la volonté de « rendre visible le féminin trop souvent occulté dans le langage quand par exemple le mot hommes pris dans un sens générique empêche que l'on se souvienne que la moitié de ces hommes sont des femmes qui ont été et sont encore dominées dans les sociétés patriarcales ». Nadine Plateau souligne aussi que les luttes contre le sexisme rejoignent celles contre le racisme et réciproquement, « lutte contre un système de domination qui assigne des groupes à des essences supposées dans le but de les inférioriser ».

Elle termine sur les mots égalité, diversité, laïcité, en présentant les différents textes et invite à cette démarche collective pour que ces mots fassent sens pour toutes et tous et « deviennent vraiment universels ».

Tout en indiquant de légères variations de sens entre l'usage des termes entre la Belgique et la France, je reste dubitatif sur certains mots utilisés. Il ne me semble pas que le terme « diversité » permette d'aborder la complexité des rapports sociaux et des individu-e-s dans leurs identités fluctuantes et multiples.

Le mot « laïcité » à une histoire particulière dans certains pays, je trouve préférable de parler de sécularisation, de séparation de « l'Église et de l'État », de liberté de conscience et de pratique (ce qui implique, entre autres, des lieux de prières décents dans la ville et des salles de prières dans les entreprises, que les principales fêtes religieuses juives et musulmanes soient fériées à l'instar de celles des chrétien-ne-s, que les parures vestimentaires ne soient des obstacles ni à l'éducation ni au travail)…

Les courants de l'émancipation négligent les différenciations entre dominé-e-s, entre celles et ceux qui appartiennent ou se reconnaissent dans les différents groupes dominants ou majoritaires, que cela soit d'un point de vue de genre, de la langue, de la culture, de la religion, de la sexualité, etc., et celles et ceux n'y appartenant ou ne s'y reconnaissant pas. Cette mise à l'écart, cette mise « hors norme » des autres, est plus qu'une souffrance pour les personnes concernées, c'est un déni d'égalité. Il y a beaucoup à apprendre des travaux féministes sur le sujet. Des hiérarchies, de fait, se reconstruisent et divisent profondément celles et ceux qui sont objectivement toutes et tous des dominé-e-s.

Je n'aborde que certains points.

J'ai particulièrement été intéressé par les analyses de l'enseignement et « la question des modalités concrètes de production des inégalités scolaires », du fonctionnement de la Société des transports intercommunaux de Bruxelles (STIB) en regard du fait religieux et la proposition de « neutralité pragmatique différenciée » que nos ami-e-s québecois-e-s nomment « accommodement raisonnable », celles sur « l'émergence de minorités actives » dont les exemples de ces « jeunes femmes qui résistent aux mécanismes discriminatoires », ou le décryptage des statistiques sur l'origine des travailleurs et des travailleuses et le poids de celle-ci dans les inégalités.

Irène Kaufer rappelle que les femmes ne forment ni une minorité ni « une catégorie passagère », qu'elles sont présentes dans toutes les catégories discriminées. Elle ajoute que « la diversité semble ignorer les majoritaires et plus encore les discriminant-e-s ». Il s'agit bien de rapports sociaux asymétriques qui créent à la fois les dominant-e-s et les dominé-e, les racisé-e-s dit de couleur et les racisé-e-s invisibilisé-e-s blanc-he-s, les êtres humains construits comme femmes et comme hommes, etc.

L'auteure souligne la place de la non-mixité dans la construction de mouvements de dominé-e-s et en particulier du mouvement des femmes. Elle parle aussi de l'apport des Black Féminists (voir par exemple, Black femininism : Anthologie du féminisme africain-américain, 1975-2000, textes choisis et présentés par Elsa Dorlin, Editions L'Harmattan 2008.
Elle insiste sur la construction des voies concrètes de solidarité : « ensemble quand on peut, séparément quand il le faut, mais si possible pas les unes contre les autres »

Ouardia Derriche parle du racisme comme question politique, de la construction de l'islamophobie comme « construction idéologique euro-américaine », du racisme systémique alors que le plus souvent « le seul racisme pris en considération est le racisme des individus », des politiques d'ajustement structurel, de la culturalisation et de la naturalisation des pratiques, de « l'hystérie collective autour du foulard »…

Henri Goldman propose « Neuf thèses pour antiracisme de convergence » : le racisme est « systémique » (ou « structurel ») ; la restauration de l'État social ne garantit nullement l'éradication du racisme ; le racisme n'est pas un sous-produit du capitalisme ; le racisme vise des minorités ethnoculturelles, pas des individus atomisés ; l'islamophobie est la forme principale du « racisme de crise » ; le discours antireligieux est devenu la forme respectable du discours raciste ; le mouvement ouvrier et démocratique n'est pas le premier acteur de la lutte antiraciste, il en est le premier enjeu ; aucun mouvement social n'est spontanément universel ; le nouvel antiracisme n'avancera que s'il marche sur deux jambes.

Sans partager l'ensemble des formulations,cela me semble une bonne base pour débattre. Je souligne la dimension d'auto-organisation indispensable : « Seule l'existence de mouvements autonomes, notamment issus des minorités ethnoculturelles, peut garantir que certaines préoccupations ne seront pas décrétées secondaires par ceux/celles (enfin surtout ceux) qui sont en position de rédiger les synthèses ». C'est la leçon du mouvement féministe et c'est aussi une condition pour construire un nouveau front majoritaire et inclusif pour bouleverser l'ordre-désordre du monde.

Table des matières

Introduction de Nadine Plateau : Tayush ou le vivre ensemble

Azzedine Hajji et Renaud David Maes : La question raciale est une question sociale : le cas de l'enseignement en Communauté française

Michel Staszewski : L'École publique, tisseuse de liens sociaux ?

Farida Tahar : Pour une vision empirique du combat des femmes. L'expérience locale du collectif TETE (Toutes Égales au Travail et à l'École)

Irène Kaufer : L'égalité hommes/femmes est-elle soluble dans la diversité ?

Albert Martens : Les inégalités dans l'emploi et l'origine des travailleurs et travailleuses : ce que les statistiques peuvent révéler

Younous Lamghari : La STIB1 à l'épreuve du fait religieux

Gratia Pungu : Entre démographie menaçante et démocratie hésitante : Diversité à Bruxelles, émancipation différée ?

Khaddija Haourigui : L'émergence de minorités actives, une inclusion sociale par le bas ?

Ouardia Derriche : le racisme, une question politique

Marc Jacquemain : La laïcité contre elle-même

Paul Löwenthal : Foi et sécularisation

Xavier Delgrange et Hélène Lerouxel : le droit, allié ou adversaire de la liberté ?

Henri Goldman : Neuf thèses pour un antiracisme de convergence

Nicole Dewandre : Penser les différences

Quelques points me semblent mériter plus particulièrement débat. S'il est difficile d'analyser conjointement les mécanismes discriminatoires relevant de l'appartenance de classe, de genre, de « race » ou de « groupe ethnique », l'oubli du système de genre par certain-e-s me semble une erreur méthodologique, les femmes ne sont ni une catégorie ni une minorité.

Je ne pense pas que l'on puisse mettre sur le même plan la domination systémique des hommes sur les femmes (les rapports sociaux de genre) et les prises de positions de certaines féministes rebaptisées bien hâtivement en « logiques matriarcales ». Je passe que la notion de « féminisme hégémonique », en rappelant que le féminisme, comme mouvement de subversion sociale et d'égalité réelle, est très largement minoritaire dans toutes les sociétés, même celles où la notion de genre, souvent dépolitisée, est utilisée institutionnellement.

De la même manière, je ne pense pas que l'on puise mettre sur le même plan les constructions sociales sexistes et/ou racistes et les différences d'appréciations philosophiques incluant les constructions religieuses.

D'autres débats devraient porter sur les hypothétiques « classes moyennes », sur l'enseignement des « philosophies religieuses » (peut-on mettre sur le même plan le créationnisme et les théories évolutionnistes ou du Big Bang ?), sur la fantasmatique « neutralité » de l'État, sur la notion d'incroyant-e qui n'a de sens que pour les « religieux », sur la « sécularisation individuelle », sur la place des « écoles confessionnelles », sur le droit « comme allié naturel de la liberté », etc.

Et bien évidement, il serait souhaitable de discuter des « Neuf thèses pour antiracisme de convergence » présentées par Henri Goldman.

Je termine justement par une de ces thèses : « aucun mouvement social n'est spontanément universel », ce qui implique donc un travail et une volonté de convergence sur l'antiracisme comme sur d'autres sujets…

Un livre pour penser et construire les convergences.
Lien : https://entreleslignesentrel..
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rendre visible le féminin trop souvent occulté dans le langage quand par exemple le mot hommes pris dans un sens générique empêche que l’on se souvienne que la moitié de ces hommes sont des femmes qui ont été et sont encore dominées dans les sociétés patriarcales
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Toutes les données aujourd’hui disponibles, quantitatives et qualitatives, montrent qu’en particulier les groupes issus de l’immigration maghrébine, turque et subsaharienne, se voient restreindre l’accès tant au marché du travail qu’au logement ou à l’éducation
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seule l’existence de mouvements autonomes, notamment issus des minorités ethnoculturelles, peut garantir que certaines préoccupations ne seront pas décrétées secondaires par ceux/celles (enfin surtout ceux) qui sont en position de rédiger les synthèses
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ensemble quand on peut, séparément quand il le faut, mais si possible pas les unes contre les autres
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Avec Tayush, le vivre ensemble commence ici et maintenant… et c’est un agir
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