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sur 1685 notes
Le voilà mon premier coup de coeur de l'année et cela pourrait être MON coup de l'année tout court tellement j'ai été percutée par l'intensité de ce roman dès les premières lignes, terribles, sur l'enfance perdue de Corentin.

Et puis l'Apocalypse. Une implosion, un incendie, un monde rendu stérile, sans couleur, sans soleil, sans plante, sans animaux, une population humaine décimée, la sixième extinction. Corentin a survécu.

Oui, le genre post-apocalyptique est fort encombré et a donné lieu à de grands romans, des chefs d'oeuvre même. La Route ( Cormac McCarthy ), Ravage ( Barjavel ), Je suis une légende ( Richard Matheson ), Les Derniers hommes ( Pierre Bordage ), Dans la forêt ( Jean Hegland ), La Peste écarlate ( Jack London ). La liste est longue, j'affectionne tout particulièrement les romans post-apo. Et ce n'est pas le énième. Il est même plutôt inclassable, même si il est question de survivants errants sur la route, même s'il est question de forêts refuge.

Sandrine Collette opte pour la lignée intimiste, rien n'est spectaculaire, tout est crépusculaire. A peine comprend-on que l'apocalypse est climatique. L'auteure joue sa propre partition en se recentrant sur le personnage de Corentin, comme dans un huis-clos de mots pour dire le vide, la solitude, la disparition des couleurs dans ces jours devenus sauvages que va connaître Corentin. J'ai été prise aux tripes par le destin de cet personnage accroché à la vie, pris dans un combat intérieur entre l'animal et l'humain, au bord de la démence, à la fois lâche et courageux, combatif et désabusé. Que faire de cette vie, de cet espoir qui ne meurt pas, de cet amour à donner encore ? Il n'est pas le seul à m'avoir bouleversé, il y le merveilleux personnage de l'Aveugle, ce chiot rescapé devenu compagnon indispensable.

Si ce roman est aussi puissant, c'est parce qu'il est porté par une écriture superbe, tellurique et poétique, un tour de force. Les phrases sont courtes, avec des renvois à la ligne. Des phrases saccadées, qui claquent, cueillent l'émotion sans esbroufe, sans pathos. Authentiques avec leur syntaxe parfaite pour rythmer le parcours de vie de Corentin et son évolution psychologique dans ce chaos.

«  La seule couleur était celle du sang.
Corentin s'en aperçut en s'écorchant la main à un morceau de bois, un soir qu'il faisait du feu. Cela roula sur sa paume. Cela coula sur ses doigts. Dans son esprit chaviré, cela prit des teintes d'automne flamboyantes, des lueurs de rubis, des incandescences d'un vermillon inouï. Cela refléta le soleil disparu.
Il fut émerveillé.
Il comprit que cela n'existait pas, avant.
A présent, il savait créer la couleur. Il la portait en lui. Malgré tout le malheur, la chose n'avait pas pu détruire ce qu'il à avait à l'intérieur.
Pas la foi.
Pas son âme.
Mais le rouge.
Mais le sang.
Parfois le long de l'autoroute, il piquait sa peau de la pointe du couteau pour être sûr que c'était toujours là. Deux ou trois gouttes écarlates. Il riait tout bas en les regardant. »

Ecriture et récit sont en symbiose parfaite pour nous faire vibrer jusqu'à l'os. Sandrine Collette ne nous prend pas qu'aux tripes, ses mots résonnent jusqu'à notre tête pour nous pousser à la réflexion sur notre société qui gaspille et consomme, responsable du fléau qui s'abat sur Terre. Il ne s'agit pas pour elle de faire de Et toujours les forêts un roman idéologique ou politique, mais à l'heure où l'Australie brûle, ce récit instinctif prend de l'ampleur et terrifie.

Un grand roman noir où brûle la flamme de la résilience, porté par une écriture sublime, épique et époustouflant, bouleversant d'humanité.

Lu dans le cadre du jury Grand prix des lectrices Elle 2020 - catégorie roman.
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Une grande réussite que ce roman post-apocalyptique, à la croisée entre « Malevil » de Robert Merle et « La route » de Cormac McCarthy.
Quelque part sur terre, des amis étudiants se réunissent pour faire la fête et s'alcooliser sous le macadam d'une Grande Ville qui asphyxie. Imperceptiblement les saisons se sont décalées, l'air s'est raréfié, la température monte anormalement, la sécheresse se répand, la planète crève dans l'indifférence pourtant elle avertit.
Alors que la fête souterraine bat son plein, soudain à la surface tout craque, tout rompt dans un grondement terrifiant. Un souffle incendiaire inexpliqué a réduit la surface du globe en cendres. Sauvés de la grande extinction, sidérés et apeurés le retour risqué à la surface est une épreuve. Il faut dire que le spectacle est horrifique : la ville est ravagée, le paysage calciné et cendreux, l'air enfumé. Au milieu d'odeurs nauséabondes la terre se consume, dans un gris uniformisé, définitivement désertée par la lumière solaire. Se retrouvant seul, Corentin doit organiser les moyens de sa survie dans cet univers inhospitalier. Il n'a alors plus qu'une obsession : retrouver Augustine, son arrière grand-mère. Celle qui l'a recueilli, lui, l'enfant maudit, non désiré et abandonné par sa mère errant de famille d'accueil en famille d'accueil, de rejet en manque d'amour,avant qu'elle ne le recueille enfant dans sa vieille maison aux abords des forêts et l'enveloppe d'un amour pudique mais bien réel. Au coeur d'une nature nourricière et réparatrice elle distille « une sorte de douceur âpre, de rugosité bienveillante ». Enfin une main aimante enserre la sienne.
Dans ce chaos monochrome c'est elle qui envahit ses pensées et devient sa raison de survivre. Appréhendant pourtant ce qu'il va y découvrir, et ignorant si elle a survécu il décide de retourner « aux forêts ».
Une sombre odyssée commence alors accompagné de son chien « l'aveugle » au bout de laquelle il trouvera sa nouvelle destinée et parviendra à se sédentariser. La « chose » est passée mais le souffle mortifère poursuit sa destruction et insuffle « dans l'air et sur la terre des poisons pour les tuer jusqu'au dernier »
Pluies acides, orage de neige qui tombe en lames de glace, chaleur excessive viendront achever ce qui tient encore debout.
Slalomant entre les cadavres, manquant de ressources primaires, de lumière, de moyen de locomotion, l'espoir de reviviscence au-delà de la grisaille, de la destruction de l'humanité, de celle de la faune et la flore, entretient sa combativité.
Sandrine Colette nous tient en haleine, il y a une «  urgence » dans le style avec des phrases saccadées, brutales, lapidaires utilisant des « mots-coups de poing » des retours à la ligne qui tranchent avec le reste du texte et font écho à une certaine froideur, un détachement des personnages. Dans cette complexité existentielle l'affect doit être mis en sourdine. Au cours de ces années de combat l'entraide s'oppose à l'affrontement avec des groupes de rares survivants. La nuance n'existe plus , c'est la vie ou la mort. Et l'Homme toujours l'Homme pour détruire la vie encore et encore même lorsqu'il n'y a plus rien à détruire. Et toujours les forêts comme refuge et espoir. La reconstruction de la civilisation dans des conditions aussi archaïques et inamicales sera-t-elle possible?
La fin est inattendue, déstabilisante et poignante. Cette « fable écologique » que l'on espère non prophétique (...) est glaçante et captivante❤️
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Pour découvrir cette auteure, Sandrine Collette, dont je vois souvent passer les livres sur Babelio, avec le plus souvent des avis très positifs (je pense notamment à la critique de Sandrine pour « Juste après la vague » ou encore celle de Céline pour « Six fourmis blanches »), j'ai choisi ce roman « Et toujours les forêts », tout simplement car il s'agit d'un récit post-apocalyptique. Et j'aime profondément ce genre littéraire.

Chaque livre dit post-apocalyptique comporte sa singularité, son ambiance, sa touche personnelle. Certains s'engagent dans la voie de l'exploration spatiale (pour les plus récents, entre autres, Cantique pour les étoiles de Simon Jimenez, le roman de Jeanne de Lidia Yuknavitch ; mais nous pourrions même citer les grands romans de la SF plus classiques, tel que Fondations d'Asimov, dans lesquels la Terre n'est plus et son peuplement plus qu'un lointain souvenir), tandis que d'autres livres, plus réalistes peut-être, nous montrent à voir la vie sur Terre après la catastrophe que cette dernière soit nucléaire, écologique, épidémique. « Et toujours les forêts » se situe dans cette deuxième mouvance et n'est pas sans rappeler fortement Malevil de Robert Merle, le mur invisible de Marlène Haushofer, la Constellation du chien de Peter Heller, Dans la forêt de Jean Hegland, et la Route de Cormac McCarthy. Comme dans Malevil, la catastrophe est un feu (nucléaire sans doute mais rien n'est indiqué) qui a tout dévasté, seules les personnes se trouvant par chance sous terre, dans les caves, dans les sous-terrains à ce moment-là, ont pu survivre. Comme dans le mur invisible la solitude est terrible et les conditions de survie revenues à l'âge médiéval. Nous retrouvons la présence salvatrice d'un chien qui m'avait émue aux larmes dans La constellation du chien. La forêt comme refuge, berceau et possibilité d'enracinement comme dans le beau Dans la forêt. Et enfin, même si c'est le seul que je n'ai pas lu, le roman est sombre, d'une noirceur extrême, et les êtres humains aussi sauvages que des bêtes, comme apparemment dans La route.

Entrelacement de plusieurs références, et non des moindres, Sandrine Colette n'a pas à rougir de s'être essayée à ce genre, son livre est un grand livre, un véritable coup de coeur pour ma part. Et qui a sa touche personnelle, qui apporte sa pierre au foisonnant édifice de ce genre littéraire. D'un réalisme à couper le souffle. D'une beauté noire poignante. D'un pessimisme absolu heureusement teinté d'un espoir grandissant. Et quelle plume, âpre, fluide, touchante ! J'ai fini le livre bouleversée même si le noir, le gris au mieux, les couleurs du livre, ont quelque peu déteint sur mon humeur tant j'étais dans l'histoire.

« Les vieilles l'avaient dit, elles qui voyaient tout : une vie qui commençait comme ça, ça ne pouvait rien donner de bon. Les vieilles ignoraient alors à quel point elles avaient raison, et ce que cette petite existence qui s'était mise à pousser là où on n'en voulait pas connaîtrait de malheur et de désastre ».

Dès le début le roman nous happe tant l'enfance de Corentin est glaçante, terrible, comme placée sous le sceau de la malédiction. Survient la Catastrophe lorsque, jeune homme, il fait la fête dans les catacombes parisiennes. Un brasier qui a tout dévasté, rendu le monde totalement stérile, sans plus aucune couleur, sans plante, sans animaux, sans soleil, sans bruit. Corentin a survécu. Leurs fêtes alcoolisées souterraine l'éloignant du monde l'avaient sauvé, ce monde qu'il ne voulait pas n'imaginant pas un instant que ce serait lui, le monde, qui ne voudrait plus des hommes.

Il y avait bien eu des alertes, des signes avant-coureurs que personnes ne prenaient vraiment aux sérieux, surtout en ville, peut-être faisait-il juste plus chaud chaque année, les saisons étaient déréglées, les températures montaient, les insectes écrasés sur les pare-brise étaient devenus que des souvenirs.

« Mais ça ne se voyait pas que la nature crevait, dans la ville. Ça ne faisait rien au macadam, rien aux réverbères. Ça ne changeait pas le chant des étudiants, ça ne changeait pas le bruit des klaxons. Ça n'atténuait pas les rires ni les cris, le grincement des portes qui s'ouvraient et celles qui se fermaient, pas le ronronnement du métro, pas les sonneries des portables. Ça ne modifiait pas la couleur du ciel – parce que personne ne le regardait. Il y avait trop de lumière devant. Des lueurs artificielles. Qu'on éteigne, suppliait parfois Corentin en silence. le monde comme une ampoule. le monde comme une fête, et il était bientôt minuit ».

L'histoire est ensuite celle de l'errance de Corentin après l'Apocalypse, de la vision de quelques survivants entrecroisés, devenus des êtres sauvages, de celle bien plus fréquente des morts, grillés sur place que l'on ne regarde plus tant cela devient habituel, de l'odeur pestilentielle omniprésente, de son retour aux Forêts, là où habite le seul être qui l'ait vraiment aimé, son arrière-grand-mère de près de 100 ans, des essais pour survivre, des années qui passent, des minces espoirs quand la nature essaie de percer de nouveau, des immenses espoirs placés en sa progéniture. Oui ses enfants aux noms d'étoiles. Je n'en dis pas plus, c'est somptueux…et tout au long de ce roman le gris, uniquement le gris, avec seulement parfois une couleur vive, le rouge, celle du sang.

« La seule couleur était celle du sang. Corentin s'en aperçut en s'écorchant la main à un morceau de bois, un soir qu'il faisait du feu. Cela roula sur sa paume. Cela coula sur ses doigts. Dans son esprit chaviré, cela prit des teintes d'automne flamboyantes, des lueurs de rubis, des incandescences d'un vermillon inouï. Cela refléta le soleil disparu. Il fut émerveillé ».

Certaines scènes me resteront longtemps en tête. Prenez celle, hallucinante, de ce rebut de voiture qui fonctionne encore, pneus et tableaux de bord fondus, la voilà à rouler doucement sur l'autoroute devenue bouillie de goudron, à rouler sur ses jantes…je ne sais pas pourquoi m'est venue alors une image, celle du tricycle rouge sur l'autoroute dans Bruit de fond, cette oeuvre de Don de Lillo qui montre du doigt l'absurdité de notre société de consommation et des enfants rois…l'avant et l'après, en signes ténus. Sortes de clins d'oeil. Lorsque les livres se parlent, s'interpellent, et nous lecteurs de frissonner…

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Sandrine Collette trace le parcours de Corentin, du ventre de sa mère où il tremble déjà de froid, ballotté de maison en maison, ce sera auprès de la vieille Augustine en pleine forêt qu'il trouvera enfin un peu de répit. A cette lisière sombre où sa mère Marie lui a dit « File, merde ». Les derniers mots de sa mère. Les rêves, Corentin très vite n'y croit plus, les rêves ce n'est que des mensonges.

Jeune adulte, il part faire ses études en ville, rencontre des jeunes de son âge, fait la fête, arrose ses nuits de whisky, rit d'ivresse jusqu'à l'aube. Tapis au fond d'un tunnel, les amis assistent à un terrible tremblement de terre, à la descente d'un soleil fou qui calcinera tout sur son passage. Les quelques rares rescapés sont ceux qui étaient cachés au sous sol, ils se comptent sur les doigts de la main. le monde a été détruit, l'humanité n'est plus. Ne reste plus que la poussière, les cendres, les larmes pour pleurer.

Corentin partira sur La route rejoindre son Augustine en espérant qu'elle ait survécu. Ce roman en rappelle bien d'autres qui aborde ce thème apocalyptique d'un personnage central qui marche seul dans un monde dissolu. Peu de rencontres ici, celle qui percute le plus est peut-être celle avec l'Aveugle, ce chiot survivant d'une fratrie en agonie. Un jeune chien qui apaisera et accompagnera notre Corentin dans son périple.

J'ai beaucoup aimé ce roman pour sa force évocatrice. La désolation est rendue vivante à travers le caractère onirique de la plume de l'auteure. Un monde apocalyptique « comme si Hercule, au terme de ses travaux, avait succombé à un rhume. Comme si Dieu avait créé le monde puis avait fait un infarctus. »

C'est puissant, imagé à souhait, d'une précision littéraire impressionnante. J'aurai néanmoins aimé que l'auteure fouille davantage dans les décombres, fasse bouillir la rage des protagonistes, la peur, la désespérance. Ça reste à mon sens assez soft et aurait mérité une explosion intérieure comme Sandrine Collette maîtrise si bien. Néanmoins, ça reste un roman choc, vibrant et intense. Mais n'y aurait-il pas saturation dans ce thème si souvent revisité en littérature... Je me questionne...
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Météo du jour : Apocalypse, avec pluies acides et rafale fatale sur la majeure partie du globe. du calme Evelyne, ce n'est qu'un roman. Vous allez pouvoir continuer à faire rugir le golfe du Lion qui est en nous et câliner la Côoote Basque en forçant l'accent.
Intro à la Zola ou Dickens. Corentin est un enfant non désiré que sa mère abandonne à droite, à gauche puis à une petite vieille, Augustine, qui vit dans un hameau si reculé qu'il a fini dans un trou perdu. le territoire forestier est hostile, ce n'est pas le monde de Mickey. Plutôt celui du petit Poucet, des tiques et des taons. La mémé n'est pas très causante, elle compte ses mots comme ses sous et gestes d'affection mais un coeur bat sous sa blouse. En arrière-plan de cette première partie, beaucoup d'herbe verte et de vieilles branches qui raviront les accrocs de la chlorophylle et les scouts, mais aussi la petite musique de l'auteure qui accélère le dérèglement des saisons pour nous préparer au grand effondrement qui fait palpiter les survivalistes.
Pour ses études, Corentin succombe aux charmes de la grande ville, cède à l'insouciance de son âge et s'éloigne de l'austérité champêtre. La nature, c'est sympa cinq minutes, tant qu'on n'est pas obligé d'y vivre, mais l'eau du torrent n'a pas goût au Spritz et dans une forêt, la gueule de bois, c'est toute l'année.
Heureuse idée, sinon le récit s'arrêtait à la soixantième page, le jeune étudiant passe une soirée dans des catacombes avec des amis quand un souffle dévastateur signe la fin du monde. Pas étonnant que Sandrine Colette cite un verset de l'Apocalypse de Jean en exergue de son roman. Les cavaliers de l'Apocalypse, casaques noires, ont bouclé le quartet dans le désordre. Pas le temps de rédiger un nouveau testament. La quasi-totalité des êtres humains et inhumains, animaux domestiques et sauvages, plantes en plastique et végétation, sont réduits à l'état de braise. Pratique pour les barbecues ou les hammams mais pas idéal pour tenter de survivre.
Corentin se retrouve seul à la surface et il décide de retrouver Augustine dans sa forêt. Il se lance dans un périple à pied dont Cormac McCarthy avait déjà publié le guide du routard survivant dans le somptueux « La Route », paysages où transite aussi souvent Antoine Volodine dans ses romans. Par temps de crise, la fin des temps ne connait pas la crise. Je recommande aussi dans le même registre de l'extinction au Baygon vert, l'excellent « Station Eleven », d'Emily St John Mandel.
Sans donc réinventer le genre, Sandrine Collette excelle dans ce récit qui s'étale sur une vingtaine d'années et lui permet de sublimer les thèmes qui traversent la plupart de ses romans : l'instinct animal de survie et la violence de la nature qui répond à la violence des hommes.
Avant un final éblouissant, j'ai trouvé la partie où Corentin va s'attacher à perpétuer l'espèce, façon famille Ingualls qui va couper du bois en se tenant la main avec des nattes sur la tête et des paniers en osier moins passionnante, métaphore un peu chargée de la renaissance du monde.
Par les temps qui courent dans le mur, il ne faut pas compter sur ce roman pour prendre la poudre d'escampette de la réalité. Tentative d'évasion ratée à la Dalton, mais un vrai plaisir de lecture et un coup d'oeil dans le judas d'un monde d'après qui donne envie d'arrêter sa montre.


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Rejeté par sa mère qui n'a jamais voulu de lui, ballotté chez les copines de cette dernière, puis finalement déposé chez Augustine, la grand-mère de son père qu'il n'a jamais connu, Corentin connait une enfance chaotique. Mais heureusement, aux Forêts, entre l'attachement profond qu'Augustine lui manifeste silencieusement et l'amitié de Mathilde et Jeannot, les enfants des fermiers d'à côté, le jeune garçon grandit bon an mal an et finit par quitter le hameau pour s'installer dans la Grande Ville afin d'y poursuivre ses études. D'abord en retrait, il réussit à se faire des amis avec qui il passe de longues soirées. Lors de l'une d'elles, alors que tous s'enivrent dans les profondeurs de la Grande Ville, un bruit soudain les fige... Et ce fut la fin du monde. Lorsque les quelques rescapés remontent à la surface, ils découvrent un monde inconnu, dévasté et un tombeau à ciel ouvert. de nouveau seul, Corentin se met en tête de retrouver Augustine...

Un monde méconnaissable, apocalyptique, où tout n'est plus que cendres et cadavres... Voilà l'atmosphère de fin du monde dans laquelle nous plonge Sandrine Collette avec son dernier roman. Dans une ambiance étouffante, pesante, où le gris du ciel se confond avec celui des cendres, où la pluie brûle les peaux, où le silence devient assourdissant, Corentin, un des seuls rescapés, n'a qu'une idée en tête : retrouver Augustine. Pour ce qui est de l'après, il verra demain... Car, comment survivre dans un monde vide, aussi bien d'humains que d'animaux ? Comment, même, concevoir un futur ? Si le thème central de ce roman a déjà été vu, Sandrine Collette se démarque de par sa façon de l'aborder. Rien de spectaculaire dans cette fin du monde, à peine en connait-on les raisons. Elle préfère aborder ce nouveau quotidien, auprès de Corentin et quelques autres. Si l'ambiance se révèle sombre, il y a toujours, quelque part, un espoir, aussi infime soit-il. Un huis clos étonnant, parfois oppressant, ardent, servi par une plume vive et des phrases courtes...
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Sandrine Collette a acquis ses lettres de noblesse en écrivant des polars où " la tendresse " n'est pas vraiment au rendez-vous . On se demande même comment une dame si sympathique peut " renfermer " en elle de telles idées noires ..Bon , retrouvons un peu de sérieux , Sandrine Collette est une auteure remarquable dont j'ai beaucoup apprécié les " polars noirs " et j'ai été un peu dérouté, je dois le dire , par un titre , somme toute assez bucolique qui , lu sans autre " analyse " , ne semblait pas annonciateur d'une quelconque catastrophe .....Le début du roman m'a beaucoup ému à travers cette " enfance particulière " de Corentin qui , néanmoins, avait reçu l'amour " silencieux ", un peu " brutal" mais si sincère de son arriére- grand- mère Augustine , dans un cadre rassurant , les Forêts , dans un village presque mort....Et puis , l'appel de la vie , la ville , les copains et ...le drame. Dés lors l'Odyssée commence vers le seul refuge pour lui , Augustine et les Foréts..... .
Le drame , il est lié à l'environnement même et l'on ignore bien des choses quant à son origine , si ce n'est qu' à partir de là , le talent " mortifère " de l'auteure va s'exprimer jusqu'à l'oppression pour un lecteur attaché " aux basques de Corentin " , partageant ses inquiétudes, ses découragements , ses " rayons de soleil " ( oh , bien peu , il est vrai ) . le tour de force , c'est de nous amener à tourner les pages , sans cesse en quête de recherche d'oxygène , oubliant presque " la lutte et les obstinations " de Corentin , pour nous les approprier , " enfiler son pourtant peu enviable costume de héros ".
L'écriture de Sandrine Collette se met au diapason . Sécheresse. Phrases minimales .. nominales ...verbales ...infinitives . Ça claque . Économie de mots pour un décor où plus rien n'existe et où, donc , les mots perdent leurs sens ...On aura du reste de bons exemples de cette " perte linguistique " plus avant , mais ça, c'est une autre histoire , fort intéressante au demeurant et anxiogène au possible.
Les personnages , peu nombreux , on le comprend , s'imprégnent , en nous au point de nous projeter à leurs côtés , de nous faire partager leurs pensées, leurs angoisses , leurs silences car pourquoi parler lorsque plus rien n'existe . Et puis , l'"aveugle " , quelle trouvaille...
Fort heureusement , la fin entr'ouvrira une porte vers l'espoir à condition d'ouvrir aussi celle de la sagesse ...des hommes . Une interpellation quant à nos comportements , un roman pour réfléchir sérieusement au devenir de la nature et , par la même, de l'espèce humaine .
Comme beaucoup d'entre- vous , j'ai lu quelques romans " de ce type " . Sans doute les ai- je lus comme des projections " farfelues " , de simples " récits de science - fiction " bien éloignés de la réalité....Des péripéties, des divagations d'auteurs à l'imagination fertile .. Il va falloir changer d'optique ..Des romans comme celui de Sandrine Collette enfoncent un clou , nous avertissent encore et encore , nous incitent à prendre très au sérieux ces propos de savants qui tirent sans cesse une sonnette d'alarme , au risque de sonner bientôt le tocsin .....A nous , lecteurs , de " faire " de cet ouvrage un simple roman ou un message , un de plus , un des derniers ?
Avec le célèbre " La route " et bien d'autres , si on ne comprend pas , alors ...c'est " mort " ...
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Au départ, l'histoire d'un enfant mal aimé, et même pas aimé du tout, que la mère en détresse finit par laisser aux bons soins d'Augustine, son arrière grand-mère, qui vit dans une petite maison aux Forêts. L'enfant y trouve une stabilité et une affection qui lui ont jusque là manquées. Puis vient le jour où l'oiseau doit quitter le nid pour rejoindre ses congénères étudiants. Augustine ne fait plus partie de ses priorités, il sera toujours temps de l‘emmener à la mer…Mais quand on vit avec une certaine idée de l'éternité, et que cette éternité s'interrompt brutalement, l'évidence s'impose, il faut retrouver ses racines.
A la suite de la catastrophe qui a tout détruit, (comme dans la Route de McCormack), Corentin prend la route, ou ce qu'il en reste, pour tenter de retrouver Augustine. C'est un chemin de sidération plus que de désespoir. le trajet est compliqué et douloureux, mais le but sera atteint. Des retrouvailles inattendues seront la base d'un nouveau départ, pour quelle destination?


Le roman se lit sans déplaisir, mais m'apporte pas vraiment de nouveauté sur le thème du post-apocalyptique. Les cadavres partout, les hordes d'humains prêts à tuer pour un peu de nourriture, mais prêts aussi à violer et massacrer sans une once de remords, quelques rencontres plus positives.
La seconde partie, avec la reconstruction d'un futur incertain reste peu plausible du fait de sa durée et des conditions de survie, mais pourquoi pas?

C'est bien entendu très désespérant et d'autant plus que l'on sait bien q'un jour un tel scénario pourrait très bien bouleverser le cours de nos existences déjà bien menacées par un truc microscopique qui rafle sur son passage les plus fragiles de nos proches.

Pas déplaisant mais impression de déjà vu.
Lien : https://kittylamouette.blogs..
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Un roman post-apocalyptique de la part de Sandrine Collette... je n'y croyais pas. Et pourtant c'est une belle réussite !

C'est avec fascination que j'ai découvert cet univers totalement immersif.
L'auteure nous dresse le triste scénario que tout le monde redoute : celui de la désolation, de la solitude et de la survie.
Comme à chaque fois, les personnages de l'auteure sont profonds et touchants.
Nous suivons Corentin, un jeune homme qui a réussi à se construire malgré une enfance chaotique. Pourtant sa vie, comme celle de l'humanité entière va être chamboulée...
La catastrophe a tout détruit.
Plus de paysages, une civilisation perdue, aucune trace de biodiversité à l'horizon... que reste-t-il de ce tableau sans couleurs ?
Une maigre poignée de survivants.
Aux côtés de Corentin, nous allons faire face à ce triste monde qu'on ne reconnaît plus.
Aura-t-il la force suffisante pour vivre malgré tout ?
Réussira-t-il a retrouver Augustine, son arrière-grand-mère qui a pris soin de lui depuis son enfance ? A-t-elle survécu ?
Quel avenir est possible lorsque tout est devenu sombre ?

Ce monde fait peur et l'être humain aussi.

Plus que jamais ce roman nous met face à nos responsabilités vis à vis de la planète.
Il faut avoir l'esprit assez positif au moment d'entamer cette lecture car l'ambiance est assez anxiogène.
Le lecteur reste désespérément optimiste quant à l'avancée de l'histoire.
Face au désastre, l'espoir d'un nouveau départ persiste sans arrêt. de plus, le temps est compté pour la survie des personnages avec ce qui reste de l'ancien monde.
C'est haletant et bouleversant.
L'écriture est particulièrement soignée avec de sublimes descriptions d'une atmosphère effrayante et menaçante. On retrouve aussi le style rurale qui est propre à l'auteure et qui fait selon moi sa signature.
Jusqu'à la fin, ce récit nous glace.

Un roman déstabilisant qui sonne comme un cri d'alerte qu'il ne faut pas ignorer.
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Pour notre plus grand bonheur, pour son huitième roman Sandrine Colette pose son étiquette d'auteure de polar et « donne » dans la dystopie post-apocalyptique et le résultat est vraiment très réussi.

La lenteur maîtrisée et lancinante du récit n'est pas sans rappeler « La Route » de Kerouac ou encore « Je suis une légende » de Richard Matheson, créant un état d'apesanteur et d'engourdissement.

Disruptif et resserré, ce récit sombre comme une longue nuit d'hiver chez les Inuits, compose l'inquiétant tableau d'un monde post-apocalyptique finalement pas si éloigné du nôtre.
L'auteure n'a délibérement pas situé l'histoire dans le temps, ni dans un lieu précis, car les Forêts avec un « F » majuscule, personnifient la force de la nature. La seule force capable de repartir après une catastrophe.
Mais aussi la force de l'être humain face à une catastrophe et son incroyable capacité de résilience et d'espoir à toujours espérer une renaissance.

Et toujours les forêts est porté par une Sandrine Colette aux capacités hors du commun. Son écriture s'adapte naturellement à l'histoire qu'elle raconte. Sa marque de fabrique à savoir intégrer de la poésie dans la noirceur, de lumière dans le gris absolu, est encore salutaire.

L'intrigue de mieux en mieux construite, progresse lentement, intégrant et libérant emphases et descriptions contemplatives.
La construction très intime et l'écriture très visuelle, autour de quelques personnages, permettent au lecteur de s'interroger sur la place de l'homme dans l'univers et de créer son propre scénario dans sa tête.


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