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François-Eric Gendron (Autre) Audiolib (Autre)
EAN : 978B084QB7RGK
Audiolib (11/03/2020)
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3.89/5   1685 notes
Résumé :
Corentin, personne n’en voulait. Ni son père envolé, ni les commères dont les rumeurs abreuvent le village, ni surtout sa mère, qui rêve de s’en débarrasser. Traîné de foyer en foyer, son enfance est une errance. Jusqu'au jour où sa mère l’abandonne à Augustine, l’une des vieilles du hameau. Au creux de la vallée des Forêts, ce territoire hostile où habite l’aïeule, une vie recommence.
À la grande ville où le propulsent ses études, Corentin plonge sans retenu... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (411) Voir plus Ajouter une critique
3,89

sur 1685 notes
Le voilà mon premier coup de coeur de l'année et cela pourrait être MON coup de l'année tout court tellement j'ai été percutée par l'intensité de ce roman dès les premières lignes, terribles, sur l'enfance perdue de Corentin.

Et puis l'Apocalypse. Une implosion, un incendie, un monde rendu stérile, sans couleur, sans soleil, sans plante, sans animaux, une population humaine décimée, la sixième extinction. Corentin a survécu.

Oui, le genre post-apocalyptique est fort encombré et a donné lieu à de grands romans, des chefs d'oeuvre même. La Route ( Cormac McCarthy ), Ravage ( Barjavel ), Je suis une légende ( Richard Matheson ), Les Derniers hommes ( Pierre Bordage ), Dans la forêt ( Jean Hegland ), La Peste écarlate ( Jack London ). La liste est longue, j'affectionne tout particulièrement les romans post-apo. Et ce n'est pas le énième. Il est même plutôt inclassable, même si il est question de survivants errants sur la route, même s'il est question de forêts refuge.

Sandrine Collette opte pour la lignée intimiste, rien n'est spectaculaire, tout est crépusculaire. A peine comprend-on que l'apocalypse est climatique. L'auteure joue sa propre partition en se recentrant sur le personnage de Corentin, comme dans un huis-clos de mots pour dire le vide, la solitude, la disparition des couleurs dans ces jours devenus sauvages que va connaître Corentin. J'ai été prise aux tripes par le destin de cet personnage accroché à la vie, pris dans un combat intérieur entre l'animal et l'humain, au bord de la démence, à la fois lâche et courageux, combatif et désabusé. Que faire de cette vie, de cet espoir qui ne meurt pas, de cet amour à donner encore ? Il n'est pas le seul à m'avoir bouleversé, il y le merveilleux personnage de l'Aveugle, ce chiot rescapé devenu compagnon indispensable.

Si ce roman est aussi puissant, c'est parce qu'il est porté par une écriture superbe, tellurique et poétique, un tour de force. Les phrases sont courtes, avec des renvois à la ligne. Des phrases saccadées, qui claquent, cueillent l'émotion sans esbroufe, sans pathos. Authentiques avec leur syntaxe parfaite pour rythmer le parcours de vie de Corentin et son évolution psychologique dans ce chaos.

«  La seule couleur était celle du sang.
Corentin s'en aperçut en s'écorchant la main à un morceau de bois, un soir qu'il faisait du feu. Cela roula sur sa paume. Cela coula sur ses doigts. Dans son esprit chaviré, cela prit des teintes d'automne flamboyantes, des lueurs de rubis, des incandescences d'un vermillon inouï. Cela refléta le soleil disparu.
Il fut émerveillé.
Il comprit que cela n'existait pas, avant.
A présent, il savait créer la couleur. Il la portait en lui. Malgré tout le malheur, la chose n'avait pas pu détruire ce qu'il à avait à l'intérieur.
Pas la foi.
Pas son âme.
Mais le rouge.
Mais le sang.
Parfois le long de l'autoroute, il piquait sa peau de la pointe du couteau pour être sûr que c'était toujours là. Deux ou trois gouttes écarlates. Il riait tout bas en les regardant. »

Ecriture et récit sont en symbiose parfaite pour nous faire vibrer jusqu'à l'os. Sandrine Collette ne nous prend pas qu'aux tripes, ses mots résonnent jusqu'à notre tête pour nous pousser à la réflexion sur notre société qui gaspille et consomme, responsable du fléau qui s'abat sur Terre. Il ne s'agit pas pour elle de faire de Et toujours les forêts un roman idéologique ou politique, mais à l'heure où l'Australie brûle, ce récit instinctif prend de l'ampleur et terrifie.

Un grand roman noir où brûle la flamme de la résilience, porté par une écriture sublime, épique et époustouflant, bouleversant d'humanité.

Lu dans le cadre du jury Grand prix des lectrices Elle 2020 - catégorie roman.
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Une grande réussite que ce roman post-apocalyptique, à la croisée entre « Malevil » de Robert Merle et « La route » de Cormac McCarthy.
Quelque part sur terre, des amis étudiants se réunissent pour faire la fête et s'alcooliser sous le macadam d'une Grande Ville qui asphyxie. Imperceptiblement les saisons se sont décalées, l'air s'est raréfié, la température monte anormalement, la sécheresse se répand, la planète crève dans l'indifférence pourtant elle avertit.
Alors que la fête souterraine bat son plein, soudain à la surface tout craque, tout rompt dans un grondement terrifiant. Un souffle incendiaire inexpliqué a réduit la surface du globe en cendres. Sauvés de la grande extinction, sidérés et apeurés le retour risqué à la surface est une épreuve. Il faut dire que le spectacle est horrifique : la ville est ravagée, le paysage calciné et cendreux, l'air enfumé. Au milieu d'odeurs nauséabondes la terre se consume, dans un gris uniformisé, définitivement désertée par la lumière solaire. Se retrouvant seul, Corentin doit organiser les moyens de sa survie dans cet univers inhospitalier. Il n'a alors plus qu'une obsession : retrouver Augustine, son arrière grand-mère. Celle qui l'a recueilli, lui, l'enfant maudit, non désiré et abandonné par sa mère errant de famille d'accueil en famille d'accueil, de rejet en manque d'amour,avant qu'elle ne le recueille enfant dans sa vieille maison aux abords des forêts et l'enveloppe d'un amour pudique mais bien réel. Au coeur d'une nature nourricière et réparatrice elle distille « une sorte de douceur âpre, de rugosité bienveillante ». Enfin une main aimante enserre la sienne.
Dans ce chaos monochrome c'est elle qui envahit ses pensées et devient sa raison de survivre. Appréhendant pourtant ce qu'il va y découvrir, et ignorant si elle a survécu il décide de retourner « aux forêts ».
Une sombre odyssée commence alors accompagné de son chien « l'aveugle » au bout de laquelle il trouvera sa nouvelle destinée et parviendra à se sédentariser. La « chose » est passée mais le souffle mortifère poursuit sa destruction et insuffle « dans l'air et sur la terre des poisons pour les tuer jusqu'au dernier »
Pluies acides, orage de neige qui tombe en lames de glace, chaleur excessive viendront achever ce qui tient encore debout.
Slalomant entre les cadavres, manquant de ressources primaires, de lumière, de moyen de locomotion, l'espoir de reviviscence au-delà de la grisaille, de la destruction de l'humanité, de celle de la faune et la flore, entretient sa combativité.
Sandrine Colette nous tient en haleine, il y a une «  urgence » dans le style avec des phrases saccadées, brutales, lapidaires utilisant des « mots-coups de poing » des retours à la ligne qui tranchent avec le reste du texte et font écho à une certaine froideur, un détachement des personnages. Dans cette complexité existentielle l'affect doit être mis en sourdine. Au cours de ces années de combat l'entraide s'oppose à l'affrontement avec des groupes de rares survivants. La nuance n'existe plus , c'est la vie ou la mort. Et l'Homme toujours l'Homme pour détruire la vie encore et encore même lorsqu'il n'y a plus rien à détruire. Et toujours les forêts comme refuge et espoir. La reconstruction de la civilisation dans des conditions aussi archaïques et inamicales sera-t-elle possible?
La fin est inattendue, déstabilisante et poignante. Cette « fable écologique » que l'on espère non prophétique (...) est glaçante et captivante❤️
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Pour découvrir cette auteure, Sandrine Collette, dont je vois souvent passer les livres sur Babelio, avec le plus souvent des avis très positifs (je pense notamment à la critique de Sandrine pour « Juste après la vague » ou encore celle de Céline pour « Six fourmis blanches »), j'ai choisi ce roman « Et toujours les forêts », tout simplement car il s'agit d'un récit post-apocalyptique. Et j'aime profondément ce genre littéraire.

Chaque livre dit post-apocalyptique comporte sa singularité, son ambiance, sa touche personnelle. Certains s'engagent dans la voie de l'exploration spatiale (pour les plus récents, entre autres, Cantique pour les étoiles de Simon Jimenez, le roman de Jeanne de Lidia Yuknavitch ; mais nous pourrions même citer les grands romans de la SF plus classiques, tel que Fondations d'Asimov, dans lesquels la Terre n'est plus et son peuplement plus qu'un lointain souvenir), tandis que d'autres livres, plus réalistes peut-être, nous montrent à voir la vie sur Terre après la catastrophe que cette dernière soit nucléaire, écologique, épidémique. « Et toujours les forêts » se situe dans cette deuxième mouvance et n'est pas sans rappeler fortement Malevil de Robert Merle, le mur invisible de Marlène Haushofer, la Constellation du chien de Peter Heller, Dans la forêt de Jean Hegland, et la Route de Cormac McCarthy. Comme dans Malevil, la catastrophe est un feu (nucléaire sans doute mais rien n'est indiqué) qui a tout dévasté, seules les personnes se trouvant par chance sous terre, dans les caves, dans les sous-terrains à ce moment-là, ont pu survivre. Comme dans le mur invisible la solitude est terrible et les conditions de survie revenues à l'âge médiéval. Nous retrouvons la présence salvatrice d'un chien qui m'avait émue aux larmes dans La constellation du chien. La forêt comme refuge, berceau et possibilité d'enracinement comme dans le beau Dans la forêt. Et enfin, même si c'est le seul que je n'ai pas lu, le roman est sombre, d'une noirceur extrême, et les êtres humains aussi sauvages que des bêtes, comme apparemment dans La route.

Entrelacement de plusieurs références, et non des moindres, Sandrine Colette n'a pas à rougir de s'être essayée à ce genre, son livre est un grand livre, un véritable coup de coeur pour ma part. Et qui a sa touche personnelle, qui apporte sa pierre au foisonnant édifice de ce genre littéraire. D'un réalisme à couper le souffle. D'une beauté noire poignante. D'un pessimisme absolu heureusement teinté d'un espoir grandissant. Et quelle plume, âpre, fluide, touchante ! J'ai fini le livre bouleversée même si le noir, le gris au mieux, les couleurs du livre, ont quelque peu déteint sur mon humeur tant j'étais dans l'histoire.

« Les vieilles l'avaient dit, elles qui voyaient tout : une vie qui commençait comme ça, ça ne pouvait rien donner de bon. Les vieilles ignoraient alors à quel point elles avaient raison, et ce que cette petite existence qui s'était mise à pousser là où on n'en voulait pas connaîtrait de malheur et de désastre ».

Dès le début le roman nous happe tant l'enfance de Corentin est glaçante, terrible, comme placée sous le sceau de la malédiction. Survient la Catastrophe lorsque, jeune homme, il fait la fête dans les catacombes parisiennes. Un brasier qui a tout dévasté, rendu le monde totalement stérile, sans plus aucune couleur, sans plante, sans animaux, sans soleil, sans bruit. Corentin a survécu. Leurs fêtes alcoolisées souterraine l'éloignant du monde l'avaient sauvé, ce monde qu'il ne voulait pas n'imaginant pas un instant que ce serait lui, le monde, qui ne voudrait plus des hommes.

Il y avait bien eu des alertes, des signes avant-coureurs que personnes ne prenaient vraiment aux sérieux, surtout en ville, peut-être faisait-il juste plus chaud chaque année, les saisons étaient déréglées, les températures montaient, les insectes écrasés sur les pare-brise étaient devenus que des souvenirs.

« Mais ça ne se voyait pas que la nature crevait, dans la ville. Ça ne faisait rien au macadam, rien aux réverbères. Ça ne changeait pas le chant des étudiants, ça ne changeait pas le bruit des klaxons. Ça n'atténuait pas les rires ni les cris, le grincement des portes qui s'ouvraient et celles qui se fermaient, pas le ronronnement du métro, pas les sonneries des portables. Ça ne modifiait pas la couleur du ciel – parce que personne ne le regardait. Il y avait trop de lumière devant. Des lueurs artificielles. Qu'on éteigne, suppliait parfois Corentin en silence. le monde comme une ampoule. le monde comme une fête, et il était bientôt minuit ».

L'histoire est ensuite celle de l'errance de Corentin après l'Apocalypse, de la vision de quelques survivants entrecroisés, devenus des êtres sauvages, de celle bien plus fréquente des morts, grillés sur place que l'on ne regarde plus tant cela devient habituel, de l'odeur pestilentielle omniprésente, de son retour aux Forêts, là où habite le seul être qui l'ait vraiment aimé, son arrière-grand-mère de près de 100 ans, des essais pour survivre, des années qui passent, des minces espoirs quand la nature essaie de percer de nouveau, des immenses espoirs placés en sa progéniture. Oui ses enfants aux noms d'étoiles. Je n'en dis pas plus, c'est somptueux…et tout au long de ce roman le gris, uniquement le gris, avec seulement parfois une couleur vive, le rouge, celle du sang.

« La seule couleur était celle du sang. Corentin s'en aperçut en s'écorchant la main à un morceau de bois, un soir qu'il faisait du feu. Cela roula sur sa paume. Cela coula sur ses doigts. Dans son esprit chaviré, cela prit des teintes d'automne flamboyantes, des lueurs de rubis, des incandescences d'un vermillon inouï. Cela refléta le soleil disparu. Il fut émerveillé ».

Certaines scènes me resteront longtemps en tête. Prenez celle, hallucinante, de ce rebut de voiture qui fonctionne encore, pneus et tableaux de bord fondus, la voilà à rouler doucement sur l'autoroute devenue bouillie de goudron, à rouler sur ses jantes…je ne sais pas pourquoi m'est venue alors une image, celle du tricycle rouge sur l'autoroute dans Bruit de fond, cette oeuvre de Don de Lillo qui montre du doigt l'absurdité de notre société de consommation et des enfants rois…l'avant et l'après, en signes ténus. Sortes de clins d'oeil. Lorsque les livres se parlent, s'interpellent, et nous lecteurs de frissonner…

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Sandrine Collette trace le parcours de Corentin, du ventre de sa mère où il tremble déjà de froid, ballotté de maison en maison, ce sera auprès de la vieille Augustine en pleine forêt qu'il trouvera enfin un peu de répit. A cette lisière sombre où sa mère Marie lui a dit « File, merde ». Les derniers mots de sa mère. Les rêves, Corentin très vite n'y croit plus, les rêves ce n'est que des mensonges.

Jeune adulte, il part faire ses études en ville, rencontre des jeunes de son âge, fait la fête, arrose ses nuits de whisky, rit d'ivresse jusqu'à l'aube. Tapis au fond d'un tunnel, les amis assistent à un terrible tremblement de terre, à la descente d'un soleil fou qui calcinera tout sur son passage. Les quelques rares rescapés sont ceux qui étaient cachés au sous sol, ils se comptent sur les doigts de la main. le monde a été détruit, l'humanité n'est plus. Ne reste plus que la poussière, les cendres, les larmes pour pleurer.

Corentin partira sur La route rejoindre son Augustine en espérant qu'elle ait survécu. Ce roman en rappelle bien d'autres qui aborde ce thème apocalyptique d'un personnage central qui marche seul dans un monde dissolu. Peu de rencontres ici, celle qui percute le plus est peut-être celle avec l'Aveugle, ce chiot survivant d'une fratrie en agonie. Un jeune chien qui apaisera et accompagnera notre Corentin dans son périple.

J'ai beaucoup aimé ce roman pour sa force évocatrice. La désolation est rendue vivante à travers le caractère onirique de la plume de l'auteure. Un monde apocalyptique « comme si Hercule, au terme de ses travaux, avait succombé à un rhume. Comme si Dieu avait créé le monde puis avait fait un infarctus. »

C'est puissant, imagé à souhait, d'une précision littéraire impressionnante. J'aurai néanmoins aimé que l'auteure fouille davantage dans les décombres, fasse bouillir la rage des protagonistes, la peur, la désespérance. Ça reste à mon sens assez soft et aurait mérité une explosion intérieure comme Sandrine Collette maîtrise si bien. Néanmoins, ça reste un roman choc, vibrant et intense. Mais n'y aurait-il pas saturation dans ce thème si souvent revisité en littérature... Je me questionne...
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Météo du jour : Apocalypse, avec pluies acides et rafale fatale sur la majeure partie du globe. du calme Evelyne, ce n'est qu'un roman. Vous allez pouvoir continuer à faire rugir le golfe du Lion qui est en nous et câliner la Côoote Basque en forçant l'accent.
Intro à la Zola ou Dickens. Corentin est un enfant non désiré que sa mère abandonne à droite, à gauche puis à une petite vieille, Augustine, qui vit dans un hameau si reculé qu'il a fini dans un trou perdu. le territoire forestier est hostile, ce n'est pas le monde de Mickey. Plutôt celui du petit Poucet, des tiques et des taons. La mémé n'est pas très causante, elle compte ses mots comme ses sous et gestes d'affection mais un coeur bat sous sa blouse. En arrière-plan de cette première partie, beaucoup d'herbe verte et de vieilles branches qui raviront les accrocs de la chlorophylle et les scouts, mais aussi la petite musique de l'auteure qui accélère le dérèglement des saisons pour nous préparer au grand effondrement qui fait palpiter les survivalistes.
Pour ses études, Corentin succombe aux charmes de la grande ville, cède à l'insouciance de son âge et s'éloigne de l'austérité champêtre. La nature, c'est sympa cinq minutes, tant qu'on n'est pas obligé d'y vivre, mais l'eau du torrent n'a pas goût au Spritz et dans une forêt, la gueule de bois, c'est toute l'année.
Heureuse idée, sinon le récit s'arrêtait à la soixantième page, le jeune étudiant passe une soirée dans des catacombes avec des amis quand un souffle dévastateur signe la fin du monde. Pas étonnant que Sandrine Colette cite un verset de l'Apocalypse de Jean en exergue de son roman. Les cavaliers de l'Apocalypse, casaques noires, ont bouclé le quartet dans le désordre. Pas le temps de rédiger un nouveau testament. La quasi-totalité des êtres humains et inhumains, animaux domestiques et sauvages, plantes en plastique et végétation, sont réduits à l'état de braise. Pratique pour les barbecues ou les hammams mais pas idéal pour tenter de survivre.
Corentin se retrouve seul à la surface et il décide de retrouver Augustine dans sa forêt. Il se lance dans un périple à pied dont Cormac McCarthy avait déjà publié le guide du routard survivant dans le somptueux « La Route », paysages où transite aussi souvent Antoine Volodine dans ses romans. Par temps de crise, la fin des temps ne connait pas la crise. Je recommande aussi dans le même registre de l'extinction au Baygon vert, l'excellent « Station Eleven », d'Emily St John Mandel.
Sans donc réinventer le genre, Sandrine Collette excelle dans ce récit qui s'étale sur une vingtaine d'années et lui permet de sublimer les thèmes qui traversent la plupart de ses romans : l'instinct animal de survie et la violence de la nature qui répond à la violence des hommes.
Avant un final éblouissant, j'ai trouvé la partie où Corentin va s'attacher à perpétuer l'espèce, façon famille Ingualls qui va couper du bois en se tenant la main avec des nattes sur la tête et des paniers en osier moins passionnante, métaphore un peu chargée de la renaissance du monde.
Par les temps qui courent dans le mur, il ne faut pas compter sur ce roman pour prendre la poudre d'escampette de la réalité. Tentative d'évasion ratée à la Dalton, mais un vrai plaisir de lecture et un coup d'oeil dans le judas d'un monde d'après qui donne envie d'arrêter sa montre.


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critiques presse (2)
Lexpress
17 mai 2021
La Belle Sauvage, premier tome du nouveau cycle enchanteur du magicien d'Oxford ; Et toujours les forêts, un opéra grandiose sur une Terre dévastée.
Lire la critique sur le site : Lexpress
LeMonde
03 février 2020
Ni lieu de perdition, ni réserve de nourriture, la forêt forme ici l’écrin du conte, un bout du monde. C’est là où grandit Corentin, auprès d’Augustine, une arrière-grand-mère bourrue, « au nez un peu crochu » [...] La romancière livre un conte de fin du monde. Mais où l’espoir, toujours, subsiste.
Lire la critique sur le site : LeMonde
Citations et extraits (246) Voir plus Ajouter une citation
Il écouta le silence de la nuit. Le souvenir des hululements des chouettes, des rossignols, des grillons était trop ancré dans sa mémoire pour avoir déjà disparu, il croyait les entendre, il se laissait bercer.
Et puis il y avait la détresse.
Cet univers où ses enfants ne connaîtraient jamais le cri des chouettes, des rossignols et des grillons.
Ni la couleur des fleurs, ni la brûlure du soleil. Pas le reflet argenté des poissons dans la rivière, pas la légèreté des graminées en fin d’après-midi dans la lumière de l’été, quand le vent les ondule – pas le goût des framboises que l’on écrase dans la main, ni celui des mirabelles ou des reines-claudes disputées aux guêpes.
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Lorsque trois quarts des espèces vivantes disparaissent, quelles qu’en soient les raisons – une météorite, des volcans déchaînés, un changement climatique, l’activité humaine. Même pas l’activité : la présence. Dès qu’il y avait eu des hommes, les vivants qui les entouraient avaient commencé à s’éteindre.
Dès la préhistoire.
Trop de chasse. Trop de sang.
Les hommes étaient intrinsèquement des meurtriers. Ils puaient la mort. Aussi stupides que les cellules cancéreuses détruisant les corps qui les abritent, jusqu’à claquer avec eux. Tuer et être tué.
Insensés.
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Un toit d’ardoise abîmé sur les rives, une pierre triste avec des portes basses, comme si on ne voulait pas laisser entrer les gens. La maison d’Augustine était laide. À l’intérieur, à partir de quatre heures, il fallait rester près des fenêtres pour lire ou raccommoder un ouvrage. Le carrelage au sol était fendu à plusieurs endroits, des carreaux blancs et noirs mouchetés, que l’on pouvait regarder pendant des heures en cherchant des dessins, et sur lesquels les insectes morts se devinaient à peine. Deux fauteuils d’un vert sans âge, une table basse jonchée de journaux. Le vieux chat allongé sur les journaux. C’est ce que Corentin vit en premier.
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Ils avaient vu des vivants.
Quatre fois depuis la naissance des jumeaux. Quatre fois et une demie - la demie, c’était Corentin qui les avait aperçus, si furtivement qu'il n'aurait pas pu jurer qu'il y avait bien eu des humains là où il avait regardé quelques instants plus tôt, car le temps de froncer les sourcils et d'ajuster sa vision, ils avaient disparu. L'image le hanterait longtemps cependant, car c'étaient les premiers vivants qu'il avait repérés depuis des années. Et l'image resterait également dans sa mémoire parce qu'ils offraient une silhouette si étrange, un père et son fils - ou peut-être, tout simplement, un homme et un enfant - poussant un caddie devant eux, et le caddie contenait toutes les affaires et tous leurs trésors. Corentin savait qu'ils l'avaient vu. Il avait deviné, de loin, leurs dos voûtés, leurs courbures pour se cacher en vain, ils avaient quitté la route, ils avaient masqué le caddie derrière un bosquet gris. Tout avait cessé de bouger.

p.319
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Juste les arbres, avec leurs branches immenses déjetées tels des bras disloqués, et le vent qui faisait des sons étranges, des chuintements, des murmures, des menaces.
Juste les silhouettes étouffantes des châtaigniers et des hêtres au-dessus d’elle, refermées en une voûte infranchissable, leurs racines comme des pièges, leurs oiseaux et leurs insectes réveillés par les sanglots de Marie qui la frôlaient en s’enfuyant dans des bruits mécontents.
Juste les Forêts.
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Vidéo de Sandrine Collette
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