Enfin les vacances, le grand air à la montagne, ce vent doux et léger, ce blanc de neige pénétrant !
J'en ai rêvé tant et tant, j'inspire profondément ce ciel pur, d'un bleu profond. Relaxation.
Crac ! Zip ! Ahhhh ! … Silence
J'ai entendu trois bruits ! Mais qu'est-ce donc ? Qui va là ?
Même les oiseaux et les loups ne s'aventurent pas si haut. Un craquement de branches est peu probable, je ne distingue qu'un manteau laiteux à perte de vue.
Le diable ? Mais nan !
Sapristi ! Pas moyen d'être peinarde, même à deux mille cinq cents mètres d'altitude !
J'étais tranquille et sereine, v'là-t'y pas qu'y a un groupe tout droit sorti d'un escape game à la mode de chez eux qui semble en vouloir à ma petite condition.
Quel bazar y m'ont fichu en plus dans mes affaires, le sac à dos éventré, plus rien à manger.
Me voilà bien ! Moi qui voulais de l'aventure, je vais être servie. Et l'aut' là qui me guide, avec son air aimable des mauvais jours, il me regarde la tronche en biais. Et avec toutes ces molécules qui s'agitent dans l'air, je commence à être frigorifiée en plus d'avoir la pétoche.
Bon zalors, ce n'est pas vraiment ça. Faut pas se fier à mes résumés, car je n'en fais jamais.
Allez, j'arrête d'écrire de la bêtise.
Si vous voulez savoir de quoi ça cause, je vous invite à lire la quatrième de couverture, que je n'ai pas lue.
Six fourmis blanches est ma première lecture de
Sandrine Collette.
C'est pas mal et plutôt bien écrit. J'ai surtout aimé la construction simultanée offrant un duo surprenant et improbable, en me confrontant à quelques frissons.
Sandrine Collette nous propose un roman à deux voix que tout oppose, où toutes les voies sont hostiles.
Mathias ouvre le bal des fourmis, suivi par Lou. Les deux protagonistes aux antipodes sont intéressants. J'ai nettement préféré lire Mathias, l'homme inquiétant et ténébreux tout droit sorti d'un conte pour enfants pas sages. Mathias, l'invulnérable poussé dans ses retranchements…
« Je crie, je siffle, mais il est trop loin, dans des songes que je préfère ne pas connaître, et il faut que je lui pose une main sur l'épaule pour qu'enfin il revienne en sursautant, et qu'il braque sur moi ce regard qui devrait me faire fuir, ce regard blanc et vide des aveugles et des fous. »
J'ai également été touchée par le thème, au-delà de l'aspect purement thriller, l'écrivaine nous dessine une montagne sauvage et intensément périlleuse.
« On ne vaut pas grand-chose face à la nature, ses déchaînements incompréhensibles, et notre réflexion stupide de chercher une explication »
L'autrice semble avoir l'habitude de placer la nature en premier rôle. Elle fait de cette actrice sa complice d'écriture. Ici, le résultat est réussi. Les fourmis sont sans rappeler la petitesse de l'humain face aux changements climatiques. Bien que la fourmi ait la capacité de porter jusqu'à soixante fois son poids, contrairement à l'humain, l'image reste forte et parlante. La couleur blanche qui lui est associée marque sa faible ressource face à l'immensité neigeuse qui la dévore petit à petit.
« Comment meurt-on de faim ? Au fond, je n'en ai pas idée. Je viens d'un pays où cela n'existe pas. »
Pour illustrer le mystère de son récit, la romancière a choisi l'Albanie. Un Pays lointain peu connu du grand public, pour baroudeurs avertis à la recherche d'expéditions et grands espaces.
« Nous avons les pieds sur terre, mais tout ce qui est au-dessus baigne dans le ciel. Il est là, tout près, il nous entoure et nous enveloppe. Nous avons les mains dedans, nous le respirons chaque seconde. »
J'ai beaucoup moins adhéré au rythme à l'américaine, entre poursuites et jeux de piste. Bof, ce n'est pas ma tasse de café. J'eusse préféré un regard plus discret sur les épouvantables et suspectes circonstances qui ébranlent l'histoire. L'effet boule de neige pilotant la cascade ne trouve pas toujours mon adhésion.
En revanche, j'ai aimé le dénouement très inattendu et pourtant j'ai l'habitude de découvrir les résolutions d'un suspense tenu au chaud dans une ambiance glaciale.
Je m'attendais également à une chute vertigineuse, en considération de la hauteur insufflée par ce récit. Malheureusement, la toute fin ne m'a pas emballée. Je ne suis pas restée agrippée à mes rideaux duveteux. C'est dommage car la surprise avant terme était particulièrement soignée.
Malgré ces quelques réserves,
Six fourmis blanches est un bon livre, livrant une belle ode à la nature en rappelant à quel point l'humain est vulnérable.
« Devant l'immensité des éléments, dans des situations extrêmes, nous ne sommes plus rien. »
Lu en octobre 2021