Et voilà je me retrouve pour la troisième fois dans une casse.
La première c'est parce que j'avais lu ce texte une première fois en 2014 dans
Les Petits Polars du Monde, mais comme j'ai une mémoire de Dory, je ne rappelais plus du titre. En fait j'ai fait confiance à ma mémoire visuelle de la couverture, et celle-ci je ne la connaissais pas. Et du coup j'ai relu l'histoire
La seconde c'est quand j'ai ouvert ma liseuse et que j'ai commencé à lire cette histoire.
Un jour, Jo a débarqué dans cette cité de misère où les vieilles voitures à la casse servent de logements pour les plus pauvres. Elle était seule, sans travail ni projet. Ada et les autres filles l'ont aidée à s'installer dans une Peugeot grise sans âge. C'est là qu'elle s'est mise à pleurer. Puis Nathan est apparu, toujours accompagné d'
Aristote, et la situation est devenue très compliquée.
Tiens ça me rappelle quelque chose, du déjà lu en effet, mais comment résister au mots de
Sandrine Collette. A peine les premières phrases avalées que déjà je suis (re)prise dans cette engrenage infernale qui va mener notre héroïne à la rue. Elle qui avait tout pour réussir dans sa première vie, un mari, un boulot extra et puis c'est chute. Un simple divorce, une dépression, la picole, la perte de son boulot, le chômage qui s'éternise, la perte des repères sociaux, la solitude et enfin la misère. Une misère crasse, de celle que la société rejette. Et puis la chute vertigineuse jusqu'à la déchéance. Et là vous êtes mis au rebut.
Hasard ou ironie, la Casse est construite comme ces villages de vacances qui s'étalent le long d'une route ovale, avec des dizaines de petites rues desservant des bungalows serrés les uns contre les autres à deux pas de la plage.
Sauf qu'ici, c'est dans des voitures qu'on vit. Oui, une ville de voitures – vieilles, cabossées, ringardes. Une ville de miséreux. […]
Combien sont-ils aujourd'hui, peut-être huit ou neuf mille personnes, qui vivent là sur des sièges éventrés des Renault hors d'usage, dans les coffres ouverts prolongés par une tôle ou une bâche pour gagner un peu d'espace.
Vous vous retrouvez dans un bidonville où plutôt une jungle semi-urbaine. Un endroit hors du monde où les parias vivent en secret sur les décombres de la société post-industrielle.
Cela fait huit mois que je suis arrivée à la Casse. Un parcours presque classique pour les gens comme moi qui, de catastrophe en dégringolade, n'ont plus leur place dans une société qui ne veut pas s'embarrasser de ses pauvres. Ici, j'y suis venue comme à l'alcool, par erreur et par fatigue, alors que je savais qu'il ne fallait pas ; alors que je connaissais les rumeurs, j'avais vu un ou deux reportages – pour ce que les journalistes, systématiquement refoulés, arrivaient à savoir. Une ville de misère tenue par cette étrange mafia locale, un lieu sans retour : que les pauvres aillent s'entretuer loin de nous !
En moins de 50 pages,
Sandrine Colette nous emmène loin, très loin de notre quotidien bien rangé. Loin mais si proche à la fois. Dans cette casse où l'on entasse les rebuts de la société. Là où on les enferme pour ne plus les voir, là où on les concentre ! Une ségrégation des plus faibles organisée.
Il y eut ce temps où les carcasses de voitures hors d'usage étaient emportées par les camions des ferrailleurs, détruites à coups de barres de métal ou de blocs de béton. Sur la route on croisait parfois ces convois insolites, ces empilements de couleurs fracassées, sanglées sur des plateaux ou serrées dans des bennes rouillées à force d'essuyer les chocs des voitures jetées là. […]
Je ne sais pas qui a eu l'idée de cette nouvelle filière de recyclage mais un jour, on a sorti des dizaines de milliers de voitures de la chaîne. Pas n'importe lesquelles : les plus grosses. Les citadines ou les sportives filaient toujours tout droit à la casse mais les berlines, les camionnettes et les breaks étaient chassés avec fureur. C'est une sorte de seconde vie qu'on leur offrait, à ces automobiles embouties, boîte ou moteur cassés : une vache de nouvelle chance sur cales, côte à côte dans un alignement impeccable, comme des maisonnettes aux peintures cloquées.
Tout cela, nous le savions. Mais nous le pensions marginal – ou cela nous arrangeait de le croire.
Et puis il y a aussi cette micro société qui se réorganise. Dans cette communauté des laissés pour compte, des milices d'hommes ont droit de vie et de morts sur les autres, c'est clairement un retours à la féodalité. Et là aussi les plus fort impose leur loi et bien souvent ce sont les femmes qui trinquent. Victime une nouvelle fois comme si la déchéance ne suffisait pas.
Chargée du sac à dos dans lequel j'avais enfoui mes dernières affaires, et de la poche donnée par le gardien, j'ai erré une demi-heure avant de trouver la place 2167. Bon Dieu, cet endroit, c'était un bidonville, un vrai, au coeur de notre pays bien civilisé, au XXIe siècle. […] Et ça, c'était ma nouvelle ville. La préhistoire, version Mad Max ou pire.
En 50 pages,
Sandrine Collette nous offre un fable, celle de notre monde qui va droit dans le mur. Celle de cette société où sur-consumérisme et mondialisation mettent des tas de personnes sur le carreau dans une indifférence assez flippante.
Tout cela, nous le savions. Mais nous le pensions marginal – ou cela nous arrangeait de le croire. […] d'une certaine façon, nous admettions que c'était mérité, et même si c'était trop facile, nous pensions tout bas qu'ils n'avaient qu'à travailler. / Jusqu'au jour où nous en étions
Une brume si légère est un conte urbain et contemporain où notre humanité ne ressortira pas grandi où pourtant derrière
Une brume si légère on pourrait entrevoir un monde nouveau fait d'entraide, de solidarité et d'amour. Pour autant certain conte ne tolère pas une happy end.
Je ne peux que vous conseiller vivement cette lecture que j'ai adoré. Ce sont 48 pages d'une folle intensité emplies d'émotions
Ah oui j'allais oublier :
Une brume si légère a aussi été adaptée en fiction radiophonique.
Et à n'en pas douté cette nouvelle-ci a servi de base de travail à notre autrice car la troisième fois où je suis allée à la casse, c'est aussi avec
Sandrine Collette dans son somptueux roman,
Les Larmes noires sur la terre dont je vous recommande fortement aussi la lecture.
Bref vous l'aurez compris le conseil est simple : lisez ou écoutez
Sandrine Collette, c'est simple, non ? !!!
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