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EAN : 9782367951331
130 pages
Chèvre-feuille étoilée (06/02/2019)
3.58/5   6 notes
Résumé :
Le bébé littéraire que nous fécondons ici sera une exception. Son sang, son plasma se nourrit de toutes les veines multiples qui irriguent notre placenta, cette Mer Blanche commune que les temps présents transforment en un immense cimetière marin. Djilali

Je me suis enfermée dans les vieux bouquins et les salles d’archives, décidée à comprendre, enfin, absolument ce qui s’était passé « là-bas ». C’est où, « là-bas » ? C’est quoi, d’abord, « là-bas » ?... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
Djilali et Sophie sont enfants de la même terre, l'Algérie, nés à presque vingt ans de distance, l'un un peu avant la guerre d'indépendance, l'autre tout à fait à la fin, l'une, née en France car son père ne voulait même pas que ses papiers d'identité la rattachent à l'Algérie (ce qui en dit long sur l'ambiance de l'époque !), l'autre ayant vécu ses premières années dans un petit bled un peu poussiéreux, à mi-chemin entre Alger et Oran, ni très riche ni très pauvre, comme il y en avait tant. Ils se rencontrent à l'occasion d'une réception littéraire pour le premier roman de Sophie et sympathisent. Les superbes yeux bleus de Sophie éblouissent Djilali et lui rappellent une petite fille, Juliette, qui l'avait fascinée quand il l'avait rencontrée à l'école . Et si, se demande-t-il, Sophie était la fille de Juliette ? Sophie, elle, la fille de « pieds-noirs », née en France et vivant en Suisse, voit en Djilali celui qui lui rendra cette Algérie qu'elle n'a connue que par les souvenirs de ses parents, qu'elle a volontairement niée en elle et qu'elle aspire maintenant à connaître. S'ensuivra la correspondance publiée ici entre la petite fille romantique et l'homme mûr désillusionné (enfin presque, ils ont un peu dépassé cet âge, mais c'est de cet âge-là qu'ils écrivent…) : Sophie cherche désespérément à retrouver les souvenirs de sa mère, le soleil, les « mounas » festives, la plage, les palmiers du Front de mer d'Oran, Djilali lui répond par une évocation sans concession de ce qu'était ce paradis pour un petit garçon plutôt pauvre. Sophie rêve de marcher pieds nus dans la terre et Djilali la ramène à la réalité en lui expliquant ce que c'était que de devoir marcher pieds nus pour ne pas abîmer ses souliers en allant à l'école : « Tu le sais comme moi, courir sans chaussures n'était pas un luxe pour tout le monde, ni forcément un signe de misère (…) Pour les uns, issus d'une nichée de onze enfants, le pater familias n'avait pas de sous à consacrer au pied (…) Pour des milliers d'autres enfants de la terre, c'était la seule possibilité de préserver ses sandales et de les conserver propres pour avoir le droit de rejoindre sa classe ». A quoi rétorque en conclusion Sophie, citant son aieule paternelle, une Lorraine ayant fait partie des convois de personnes déplacées en 1915 : « tout ça c'est bien gentil, mes enfants, mais encore faut-il avoir de la galette ».
Tous deux sont lucides, honnêtes sur l'histoire de ce pays qui est profondément le leur, ni l'un ni l'autre ne développent de rancunes, tous deux en connaissent et pardonnent les défaillances, mais la mère de Sophie lui parle d'un beau pays abandonné tandis que celle de Djilali lui dit « Mon fils, toi qui fréquentes ceux qui savent, dis-moi un peu, cette indépendance, ça se termine quand ? ». Deux désillusions.
Deux expériences, deux regards, deux ressentis qui s'échangent en seize courtes lettres, sans conclure, d'ailleurs, juste avec amitié et bonne volonté. Une correspondance qui devrait tous nous toucher, nous enfants du peuple de « l'Entre deux rives », comme le dit Anne Châtel-Demenge , « Ce pays sans frontières (qui) ne figure pas sur la mappemonde, quoiqu'il soit peuplé de nombreux habitants de part et d'autre de la Méditerranée ». Les autres, que l'Algérie met mal à l'aise, n'en auront sans doute que faire, mais pour nous tous, c'est un document inestimable et qui fait chaud au coeur.



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Tout pourrait séparer Sophie et Djilali, elle la fille de Pieds-Noirs née en France qui a de l'Algérie la vision mythique et fantasmée de ses parents exilés de 1962, lui l'enfant du bled qui a connu le joug des colons, mais aussi le sacerdoce de son instituteur Albert Gounelle.
Sophie vit maintenant en Suisse et Djilali en France.
Dans ce long échange épistolaire de seize lettres ils cherchent ce qui les rapproche, ils échangent leur vision de ce pays, ils veulent s'affranchir des clichés, regarder l'avenir en dépassant le passé, « (…) si nous passions le reste de nos existences à opposer les mémoires, comme le font les ultras des deux rives, notre histoire commune en s'écrirait pas. »
Entre celui qui est né dans un pays qui n'existe plus, dont il ne peut que rêver ou se souvenir, et celui qui ne peut vivre dans le pays pour lequel il s'est battu, il existe un point commun, ils ont perdu une part de leur identité, aux yeux des autres ils sont des étrangers : « L'Algérie est devenue un espace étriqué où je ne sais plus marcher au rythme des autres. » ;
En effet « Parler de réparations, de justice, c'est encore revenir à la blessure toujours cuisante. », nous dit Djilali.
Djilali cite sa mère, « (…) cette indépendance, ça se termine quand ? », incite chaque acteur de ce conflit à « Vider son sac certes, puis le remplir des germes du futur. »
Sophie relie ce qu'ont vécu ses parents à l'actualité « Les migrants d'aujourd'hui incarnaient des pages douloureuses du passé des miens. »
Djilali est plus pragmatique il déclare : « Arrêtez de célébrer des massacres, Arrêtez de célébrer des noms, Arrêtez de célébrer des morts. » et vilipende-les « (…) visions souvent partisanes, toujours partielles car oublieuses des petites histoires, des destins des gens. »
Un livre qui n'est pas sans rappeler la sensibilité de Jean Pélégri dans Ma mère l'Algérie quand il déclare « (...) on a besoin de celui qui est d'une autre langue et d'une autre foi pour découvrir l'autre côté de la réalité, l'autre nom des choses (...) C'est la différence qui nous enseigne et nous agrandit. »
Comme Sophie et Djilali, Jean Pélégri ne pouvait partager la vision manichéenne des deux Algérie qui s'affrontaient à coup d'attentats, « (...) où chacun justifiait ses violences par celles des autres, (...) », et qui souvent, « (...) s'ils parlaient du même paysage, ne parlaient pas toujours de la même Algérie. »
Un livre émouvant qui donne une vision plus légitime et plus humaine de la vie des multiples communautés qui ont vécu en Algérie et ont contribué aussi à son histoire.
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Suite à leur rencontre dans une réunion littéraire, les auteurs, tous deux romanciers, décident de correspondre pour échanger leur vision de leur terre d'origine, l'Algérie.
Djilali est tout de suite attiré par les yeux bleus de Sophie. Ils lui rappellent ceux d'une jeune Juliette rencontrée à l'école.
Sophie a une envie irrépressible de mieux connaître l'Algérie, ce pays que les siens ont pourtant renié, tout en en gardant de lui, un souvenir, toujours davantage embelli d'année en année.

Ce recueil est la compilation de leurs correspondances durant tout un été : les seize courtes lettres se complètent parfaitement et surtout, se répondent.
Nés tous deux à vingt ans de distance, ils n'ont bien évidemment pas le même point de vue sur leur pays.
Sophie est fille de "Pieds-noirs". Elle vit aujourd'hui en Suisse et enseigne le français. Elle va chercher à retrouver l'Algérie telle que la lui décrivait sa mère, celle des grandes fêtes colorées et si vivantes, des rires et des chants, des mounas que l'on partageait, et des pieds nus dans le sable...
Djilali est né un peu avant la guerre d'Indépendance dans un petit village entre Alger et Oran. Pour lui, l'Algérie c'est à la fois de beaux souvenirs d'enfance, mais aussi la pauvreté, l'injustice, la dureté de la guerre et des hommes, la rancoeur de certains algériens et leur légitime colère, mais aussi la joie d'aller à l'école pour apprendre toujours plus, grâce à ses instituteurs qui croyaient en lui.
Evidemment, tous deux n'ont pas vécu la même enfance, mais ils restent reliés pour toujours à l'Algérie, leur pays, celui où se trouvent leurs racines familiales.

Ce qui m'a touché dans ce récit épistolaire, c'est la sincérité des propos et le respect mutuel dont tous deux font preuve, lors de leurs échanges.
Ceux de Djilali, qui nous livre ici des propos particulièrement apaisants, sont emplis de sagesse. C'est lui le plus âgé et il fait donc preuve de maturité répondant à Sophie, lui expliquant ce qu'elle n'a pas vécu, comme par exemple la vie quotidienne des algériens pauvres, les horreurs de la guerre d'indépendance, la responsabilité des hommes politiques.

Ce recueil est une belle façon de revisiter l'histoire en croisant le regard et le ressenti de ces deux personnes différentes.
Il peut être lu dès l'adolescence même si je reconnais que ce genre de récit épistolaire n'est pas forcément facile à aborder pour des ados. Cela vaut la peine de fournir un certain effort pour entrer dedans.
Ces lettres peuvent de plus, être utilisées en classe puisqu'elles se répondent. Je suis certaine qu'elles pourront être la base de débats constructifs.
Leurs deux regards, complémentaires, dressent le portrait d'un pays meurtri auquel le silence a fait considérablement de mal, comme il a fait du mal aux hommes. Ce silence a entraîné son lot de violence, amenant les hommes à taire leur amour pour lui, et cela, des deux côtés de la méditerranée.
Le sujet glisse forcément sur le thème des migrants, de tous les temps et de la méditerranée qui depuis des décennies, a été traversée, car porteuse de tous les rêves... de déceptions et de pertes humaines considérables.

Le fait que tous deux cherchent à comprendre, remettent en questions leurs a-priori et s'interrogent, tout en tentant de trouver un chemin commun sur lequel les générations futures pourront s'appuyer pour pardonner, est un beau message d'espoir...
J'ai cependant trouvé le ton employé par Djilali, par moment trop moralisateur ce qui a un peu gâché ma découverte.

Merci à Babelio et aux Editions "Chèvre-feuille étoilée" de m'avoir permis de découvrir cet échange épistolaire. Cela me donne envie de découvrir les livres de ces deux auteurs.
Lien : http://www.bulledemanou.com/..
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Tout d'abord j'aimerais remercier Babelio pour son opération de masse critique et les éditions Chèvre-feuille étoilée pour l'envoie de ce livre.

On suit dans ce court roman un échange entre Djilali et Sophie, la fille de la femme pour qui il a eut un coup de coeur des années auparavant.
Le caractère épistolaire ne m'a pas déplu, il ajoute au contraire, de la vie dans ce roman.
L'histoire se base sur un pays que les parents de Sophie ont choisi de fuir avant sa naissance, pour qu'elle puisse vivre aisément et sans craintes, et dans lequel Djilali a vécu tant d'années, dont une enfance très insouciante : l'Algérie.
La guerre ayant fait rage, la splendeur de ce pays en a prit un coup mais les souvenirs heureux de leur enfance ne se ternissent pas.
Sophie a toujours rêvé de voir ce pays qu'elle n'a pas connu, elle s'y sent connectée et vit au travers des souvenirs de ses parents. Djilali la pousse a venir, elle qui n'a pas connu la vie là bas, la pousse à venir découvrir les paysages et les habitants.

On vit l'histoire de l'Algérie à travers leurs lettres. Leur échange m'a quand même paru long, j'ai trouvé certains passages assez répétitifs et j'ai dû m'accrocher pour avoir le fin mot de l'histoire.
J'ai cependant aimé en apprendre plus sur la vie et les expériences de Djilali dans le pays de son enfance.

Pour conclure, c'est un court livre qui donne envie de connaître ce pays dont parle les auteurs avec tant de passion.
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J'ai reçu ce livre dans le cadre de l'opération masse critique ; le thème, le dialogue entre deux écrivains ayant un lien Fort mais différent à l'Algérie, un regard croisé sur l'histoire eT le présent de ce pays.... le dialogue entre les deux auteurs rythme le livre et le rend attrayant et vif, chaque histoire est unique et singulière mais se répond, regards croisés évocateurs de cette histoire eT du rôle primordial de la France qui reste empêtrée de cela, marasme de l'Algerie et des Algériens qui peinent à se ressouder et croire en la force de leur pays sans besoin de haine ni de violence. Instructif, riche. Mais j'ai peiné sur le style et le moralisme paternaliste de M. Bencheikh. À découvrir
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Citations et extraits (9) Voir plus Ajouter une citation
Plus je prends de l'âge et moins je suis acerbe à l'égard de mon enfance. J'ai souffert de la faim, du froid, des querelles des gueux de mon douar et plus tard, du couvre-feu de la guerre. Si c'était à refaire, je ne serais pas preneur. Pourtant, des trouées de bonheur remontent à la surface des souvenirs. Je me consolais du dénuement en brillant sur les bancs de l'école, dans une salle propre, chauffée et décorée. DB
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Oui notre histoire commune est atroce. Des crimes militaires, administratifs, culturels, un désastre humanitaire. Que dire des déplacements de population ? Le terme est à la mode aujourd’hui.
J’ai la rage d’écrire, comme tu le dis.
Mais pas plus que toi je n’ai envie d’entamer un inventaire des horreurs du passé. En ouvrant cette boîte, au fil de mes recherches, puis de cette conversation avec toi, bien au contraire, mon désir conscient était de hisser les voiles vers un espace à redécouvrir, peut-être cette île de la plume et du cœur dont tu parles. SC
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Nous voilà, nous les victimes, séparées pour un siècle. Et pourtant il y a tant d’amour non-dit entre nos deux rives qui se sourient malgré la nuit, à cause du grand malentendu qu’on leur a imposé. Oui, seules des générations neuves peuvent briser le mur d’incompréhension qu’on nous a savamment édifié. DB
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Qu'importe, disait-on, le nombre des victimes, des martyrs, l'essentiel est d'arriver au but suprême, l'indépendance. Je l'ai cru, maintenant je révise, avec le recul, mon jugement. Aujourd'hui, je pense qu'aucune cause ne mérite qu'on lui sacrifie autant de vies humaines...
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...cette fraternité congénitale que portent les compatriotes de là-bas dans leurs gènes. Après tout, pourquoi nous a-t-on contraints à choisir entre Algériens et Français ? DB
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