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Critique de Godefroid


Reynolds et Jason le rasta, deux jamaïcains installés à Londres, entretiennent et surveillent des toilettes publiques pour homme en plein centre de la capitale. La fréquentation étant fleurissante, un troisième larron, Ez, jamaïcain également, est embauché par la ville. Les choses se corsent lorsque la municipalité (par l'intermédiaire d'une sympathique responsable au maintien très britannique), émue par une série de plaintes, enjoint les trois hommes d'agir pour éloigner enfin de ces toilettes les homosexuels qui ont fait, de longue date, un lieu de rendez-vous largement réputé. En cas d'échec, la menace est explicite : les toilettes fermeront.

Jason ne comprend rien au comportement très pulsionnel de ces hommes, parfois pères de famille, qui se livrent à ces relations fugitives et anonymes. Jason et Reynolds les appellent "reptiles" car ils sont froids, muets et fuyants lorsqu'ils sont débusqués. Ez se met rapidement au diapason. Pour Jason, tous les blancs sont des reptiles en puissance, et tous les reptiles sont des blancs. Jusqu'au jour où une vision l'ébranle : le deuxième homme à sortir d'une cabine évacuée en urgence par un premier reptile se trouve avoir la peau aussi foncée que la sienne. Nos trois lascars mettent tout de même en place un stratagème à la limite de la légalité et parviennent à éloigner les homos... mais leur emploi n'en sera pas moins menacé pour autant.

Belle réussite que ce court roman (140 pages en édition de poche) qui mêle intelligemment antagonismes culturels et sexuels, en pointant au passage l'absurdité à vouloir gérer un service public comme une entreprise privée... même si c'est pour Collins un moyen pas très honnête de suggérer qu'un service public géré par le public ne peut pas bien fonctionner.

Warwick Collins est né en Afrique du Sud en 1948 mais s'est installé très tôt en Angleterre en suivant ses parents. C'est un touche-à-tout de talent : étudiant en biologie, ingénieur par passion pour la navigation, romancier, il se mêle également de politique : plutôt de centre gauche (au pays de Tony Blair, on sait ce que ça veut dire), il est à peine trentenaire lorsqu'il est appelé à participer à un à un think tank conservateur sur les privatisations. Ses convictions quant au "moins d'Etat et plus de marché" sont connues et se déclinent néanmoins avec astuce dans la chute de ce remarquable opuscule vespasien. Chute dont la justification ne résisterait certes pas à quelques remarques évidentes et de bon sens... mais il n'est pas possible d'en dire plus sans dévoiler cette pirouette finale.

L'écriture de Collins est fluide, bien équilibrée, et la description de la petite communauté Jamaïcaine (les trois hommes et leurs épouses) respire l'authenticité. Très bonne traduction de Robert Davreu, qui a bien fait de conserver tous les "man" qui ponctuent la plupart des savoureux dialogues entre Jamaïcains.
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