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« Abandonnez tout espoir, vous qui entrez ici » … le ver de Dante décrivant l'enfer m'a hanté tout au long de ces pages dont est totalement absente la petite fée Espérance chère à Charles Péguy.

Ces quatorze nouvelles publiées en 1941, reposent sur les témoignages fascinants que l'auteur a enregistré dans les années trente en écoutant les protagonistes raconter leurs existences en Terre de Feu au début du XX siècle.

Le contexte est donc fort éloigné de notre époque. Il y a un siècle, à l'époque où la vapeur prenait le relais de la voile, les moyens de communications étaient inexistants dans ces terres isolées et les occupants vivaient emprisonnés dans une solitude inimaginable en notre époque.

La quasi totalité de ces nouvelles se déroule sur la terre ferme et cet ancrage surprend puisque le Cap Horn évoque d'ordinaire des navigations périlleuses. Une large proportion des acteurs (des cow boys) est originaire de la vieille Europe, et l'indigène est absent de cet ouvrage qui se distingue donc, par exemple, des écrits de Jean Raspail … et ces personnages sont des hommes, les rares femmes étant considérées comme des jouets sexuels exposés à l'eau et à la lune. Aucun enfant, aucune école … aucun livre !

Deux titres de chapitres évoquent les animaux Cururo et Flamenco ; aucun n'évoque un humain et cette omission me semble très significative.

Ces nouvelles sont toutes plus ou moins dramatiques, leur enchainement, dans un ordre qui ne doit rien au hasard, est effrayant avec une spirale ascendante de bestialité, de cruauté et de férocité. La dernière, qui donne son titre au recueil, est infernale et nous mêne dans une allégorie sur les bords du Styx dans la barque de Caron …

Impossible de sortir indemne de ces pages dans lesquelles Francisco Coloane ne laisse aucune place à l'espérance. Un ouvrage aussi inoubliable qu'épouvantable qui dissuade le lecteur de se diriger vers Ushuaïa.
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En plagiant Sacha Guitry pour qui « Lorsqu'on vient d'entendre un morceau de Mozart, le silence qui lui succède est encore de lui »,, je peux écrire « Lorsqu'on vient de lire une nouvelle de Francisco Coloane , les lignes blanches qui succèdent sont encore de lui ». Dans Cap Horn, quatorze nouvelles sont des histoires évoquées par des conteurs imaginaires sur la vie rude des hommes de la Terre de Feu, ces hommes sont chasseurs, bergers, marins, gardiens de phares, contremaîtres. Les nouvelles sont courtes, les vies sont violentes et la fin des histoires est abrupte. Francisco Coloane nous abandonne les conséquences des événements, qu'il a mis en scène, c'est par ce procédé qu'il nous faut compléter les lignes blanches qui suivent les nouvelles.
Les conteurs des nouvelles ont participé aux événements qu'ils racontent, ce qui donne de la force et de la vérité aux récits.
Malgré cette belle journée, je reste éprouvé par les tempêtes racontées par Francisco Coloane ….
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Après un piètre voyage bouddhique dans l'au-delà la semaine dernière, quel soulagement de revenir aux confins du monde : les terres australes de Francisco Coloane.

Lorsqu'il écrit « Cap Horn » en 1941, à seulement 30 ans, Coloane est au plus mal. Fiévreux et sans le sou, il suit les conseils d'un ami et envoie cette nouvelle au journal Mercurio. Publiée, elle rapporte à son auteur 150 pesos grâce auxquels il peut s'acheter des médicaments.
Celui qui deviendra plus tard l'écrivain le plus apprécié de la jeunesse chilienne, a déjà derrière lui une décennie peuplée d'aventures et de rencontres insolites, une décennie entre terre et mer fouettée par tous les mauvais vents du sud.

« Cap Horn » est un recueil de quatorze nouvelles dont la plupart ont pour cadre les vastes étendues arides de Patagonie où Coloane a travaillé comme contremaître d'estancia.
Dans une interview au journal le Monde en novembre 1995, Coloane décrivait avec réalisme ses expériences en la matière : « Je suis monté à cheval sans étrier – très pénible pour les testicules -, j'ai châtré des moutons avec les dents – très douloureux pour les gencives -, et j'ai égorgé des brebis, mais avec délicatesse, car j'avais appris à leur couper l'aorte pour que les pauvres bêtes ne souffrent pas ».

Deux nouvelles captivantes ont pour acteur principal un animal :

« Flamenco » est le nom d'un magnifique alezan de trois ans.
Entre les piquets de son enclos il contemple la centaine de poulains poignardés par le féroce Jackie pour décongestionner les champs et ne pas laisser se propager une race inférieure.
Assez curieusement, lors de sa première séance de dressage, Flamenco ne se laisse monter que par ce péon sanguinaire qui d'un air fanfaron se l'approprie. Quelques temps plus tard, Jackie part en tournée sur son cheval ; Flamenco prépare sa vengeance…

« Cururo » est un chien de troupeau. Trouvé chiot dans la pampa, son maître Subiabre lui avait donné le nom d'un petit rat sans queue auquel il ressemblait beaucoup.
Subiabre aime ce chien plus que les autres, il n'a pas son pareil pour rassembler et conduire d'un point à un autre les milliers de moutons dispersés dans la pampa.
Un jour d'hiver pour sauver ces derniers pris en fâcheuse posture sous la neige, le brave Cururo va se sacrifier…

Francisco Coloane a perdu son père à l'âge de neuf ans, ce dernier était capitaine de baleinier. Comme lui, Francisco a navigué jeune adulte sur ces mers du sud si redoutables.

Dans la nouvelle « Cap Horn » dont le recueil porte le nom, trois hommes à bord d'une barque pénètrent dans une immense grotte située à l'extrémité de l'archipel chilien de la Terre de Feu et entourée de brisants.
L'un deux, évadé du bagne d'Ushuaia, est seul à connaître ce lieu de parturition des femelles phoques seulement accessible par la mer et dissimulé par un épais rideau de végétation. Les deux autres lui ont laissé la vie sauve lorsqu'il a échoué sur leur île et les voilà maintenant tous les trois fracassant à coups de gourdins le crâne des bébés phoques venant de naître.
Au moment de repartir avec leur sinistre butin, Dame Nature n'aura pitié d'aucun d'eux…

Vous croiserez dans « Cap Horn » des hommes rudes au coeur coriace, des animaux bien singuliers, des paysages comme nulle part ailleurs, des atmosphères mystérieuses et sauvages.
Ces quatorze nouvelles du bout du monde empreintes de vécu et de magie s'adressent à un large public. Comment ne pas tomber sous le charme du style à la fois direct et poétique du génial Francisco Coloane ?
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« Les marins prétendent qu'à un mille de ce tragique promontoire, témoin de l'incessant duel que se livrent au Cap Horn les deux plus grands océans, le Diable veille au fond des eaux, harnaché de chaînes et de fers qui grincent épouvantablement les nuits de tempête, quand les flots montent à l'assaut des ombres. » (p. 167)

Avec de pareils débuts, les nouvelles qui composent ce recueil, Cap Horn, ne pouvaient que me tenir captif. J'ai dévoré ce bouquin en deux jours. Et encore, c'est parce que je voulais étirer le plaisir ! C'est là le pouvoir d'évocation de la plume de Francisco Coloane : j'ai toujours l'impression d'entrer dans un univers magique où la nature envoutante et terrible fait des siennes et où les superstitions tenaces prennent vie.

Pourtant, pas de grands gestes héroïques ni de fines analyses psychologiques. C'est que ce bout du monde abrite de pauvres fermiers qui peinent à produire quelque chose de leur lopin de terre, des bergers, des pêcheurs et une poignée d'autochtones. Des déshérités, quoi ! Non, il y a aussi tous ces aventuriers, qu'ils viennent du Chili, bien sûr, mais aussi de l'Australie, de l'Écosse ou même de la Yougoslavie ! Sans oublier les brigands…

Bref, des gens qui vivent de peu et, surtout, qui parlent peu. Avares de paroles comme de tout. Et ils ont appris à vivre en harmonie avec la nature ingrate et hostile, à la mercie des éléments dans le silence des terribles nuits solitaires. Sinon ils l'apprennent à leurs dépens car « la terre est trop cruelle et l'homme trop dur. » (p. 75) Un destin où l'on se sent en vie à chaque instant mais où chaque geste compte.

Ainsi donc, ils vaquent à leurs occupations. Des gauchos tentent de dresser des étalons farouches, des bergers tentent de sauver leurs moutons d'une avalanche de neige, un gardien de phare rompt sa solitude avec une poule qui pond des oeufs d'or, des marins se racontent des histoires à dormir debout, des fugitifs s'évadent du bagne à travers une mer hérissée d'écueils, etc. Et il y a bien une ou deux histoires d'amour.

Et parfois, je me prenais à m'imaginer à leur suite, comme ce jeune homme qui « galopait sur son alezan à travers le paysage vallonné. » (p. 81) Seulement je poursuivrais ma route dans des endroits encore plus isolés, sauvage, déchiquetés, entre mer et montagne. Mais bon, ce n'est qu'un rêve. La Patagonie, l'infini pampa, le détroit de Magellan, l'Antarctique tout près, peut-être qu'un jour je vous visiterai…
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À l'extrême-sud du Nouveau-Monde, Francisco Coloane embarque son lecteur entre fureur, merveille et désolation!
L'homme, en ces terres battues d'eau et de vent, n'est pas forcément le bienvenu: La mort et la folie le guettent, sa cruauté rapace le perd.
Ces quatorze nouvelles sont autant de couplets d'un hymne magistral et funèbre dont le décor est cette nature âpre et impitoyable.
Hommes et animaux, dans Cap Horn, sont unis pour le meilleur et souvent pour le pire. Certaines scènes de ces récits sont assez insoutenables et figent le lecteur qui revient au début du paragraphe: Ais-je bien lu?
Se déchaînent les incessantes tempêtes et se dérobe le sol parfois traître!...
Mais captive et résonne avec une force et une justesse incroyable, la prose puissante de Francisco Coloane!
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Terre de feu, la solitude et le vent qui rend fou les hommes et les bêtes.

Des histoires de gardiens de troupeaux avec leurs chiens et leurs chevaux, de pêcheurs ou de gardiens de phare.

Un monde étonnamment cosmopolite à proximité du bagne d'Ushuaïa.
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Sur cette terre inhospitalière, dans les eaux qui la bordent, la furie des éléments balaye le paysage et fouette les hommes fous de solitude, de convoitise, de jalousie. Parfois, la sauvagerie des hommes dépasse celle de la nature, mais ils n'en sont jamais maîtres. Ceux qui sont nés dans cette contrée hostile et indomptable y sont pourtant indéfectiblement liés.
Des textes de toute beauté, du grand art.
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CAP HORN est un recueil de quatorze nouvelles écrites par l'écrivain Chilien Francisco Coloane en 1941 alors qu'il n'avait que trente ans. Pourtant, à la lecture de ces récits, on a le sentiment que c'est un homme qui a déjà beaucoup vécu qui les a écrits. Et pour cause : Francisco Coloane, ayant perdu ses parents à 17 ans, est contraint de travailler pour subvenir à ses besoins. Il devient éleveur de moutons, dresseur de chevaux, ouvrier agricole, baleinier... Autant de métiers rudes et pénibles exercés en terres australes.

Ce sont ses expériences qu'il retranscrit dans ces récits d'aventures où il conte la vie austère et pénible des hommes vivant en Terre de Feu. Une terre balayée par les vents, aux sols arides et caillouteux où les hommes vivent entre eux, leurs chiens fidèles leur permettant de supporter la solitude.

Les histoires que nous raconte Francisco Coloane sont dures, tristes et pleine de magie. Les hommes qui peuplent ces récits sont aussi sauvages que la terre qui les abrite. La solitude, l'isolement, le difficile labeur et l'alcool font ressortir leur bestialité et leur font commettre des actes d'une rare cruauté. Pourtant l'écrivain semble aimer cette terre et ces hommes, on le ressent à chaque page.

Je ne suis habituellement pas amatrice de récits d'aventures mais Francisco Coloane a réussi à m'embarquer avec lui. J'ai ressenti la morsure du froid, la faim, le désespoir, la chaleur des chevaux et j'ai partagé la solitude de ces hommes courageux.
Toutes les nouvelles n'ont pas eu le même intérêt pour moi, certaines sont à mes yeux meilleures que les autres (La voix du vent, Flamenco, Cururo, La vengeance de la mer, La poule aux oeufs de lumière et Cap Horn).

Les amateurs de livres d'aventures ne pourront qu'être comblés par le style percutant de l'auteur. Les autres pourraient bien tomber sous le charme !
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Digne de figurer parmi mes 6 livres à emporter sur une île déserte…
Chaque nouvelle est un nouveau coup à l'estomac.
Et le silence qui s'impose entre chacune de ces histoires est plein et lourd.
Mais il est chaque fois délectable car l'auteur nous a si bien enivrés de sa patte et de sa verve que l'on ressent la neige, la glace, le vent, le froid ou la mer avec tant de certitudes que cela tient du génie.
Et comment s'imaginer vivre ce que ces hommes ont vécu ?
Leur courage et leur folie...
Sommes-nous devenus si faibles ?
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Un style court, percutant, sans chichis, pour décrire des territoires immensément beaux mais également dangereux et hostiles, ainsi que les sentiments humains et leurs ténèbres.
Un voyage au bout du monde et au bout de l'humanité.
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