AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782702119037
280 pages
Calmann-Lévy (01/04/1994)
2.92/5   13 notes
Résumé :
L'histoire commence par une course poursuite sur la Nationale 20, entre Paris et Limoges. Pour montrer à Julien, son frère cadet, la puissance de son nouveau 40 tonnes ", Alain Romance dépasse dangereusement plusieurs poids lourds et oblige le dernier à sortir de la route. Rattrapé quelques heures plus tard, Alain sera humilié d'une façon ignoble par l'un des chauffeurs.Dès lors, un malaise s'installe entre les deux frères unis depuis l'enfance par un sentiment trè... >Voir plus
Que lire après Les frères RomanceVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Ce roman noir (Renaudot 90), original, très bien écrit, souvent poétique, et qui brasse les sentiments et les émotions dans une langue magnifique, mérite largement d'être redécouvert.
Noir, il est très noir car il décrit la douloureuse descente aux enfers du narrateur dont la vie bascule en quelques secondes. Un mauvais choix, un premier mensonge et tout dégénère.
Original ensuite car il est rare de choisir pour personnage principal un chauffeur routier qui écoute Mozart pendant ses longues courses de nuit. Original encore, le point de départ de cette histoire qui fait penser au « Duel » de Spielberg.
On retrouve aussi quelques uns des grands thèmes de l'oeuvre de Jean Colombier : la figure paternelle (ici le grand-père), l'enfance, l'amitié (ici entre les deux frères) qui va jusqu'au sacrifice, la beauté poétique de la campagne limousine, l'amour et la trahison amère. On se régale des trouvailles de l'auteur, on se surprend à sourire d'un jeu de mots, avant de partager le désarroi et la honte de notre antihéros. Au final, on referme ce livre fort et passionnant, ravi d'avoir découvert un roman qui sort vraiment de l'ordinaire.
Morceaux choisis :
« Je savais, je me répétais que les fantasmes ressemblent à une bulle de savon. Souffler mais pas toucher. »
« J'étais perdu. Qui était qui ? Julien avait-il en définitive accepté un avocat ? J'espérais que ce serait celui qui se dissimulait dans la robe de gauche. Il avait belle allure, le menton énergique, le front réfléchi, un regard vif. Je sais qu'une physionomie intelligente déguise souvent les imbéciles, mais sa ressemblance avec Humphrey Bogart me rassurait. »
« Et soudain, une bonde en moi a cédé, des mots m'ont traversé la tête, j'étais amoureux, je l'aimais, j'avais l'impression qu'ils me prenaient par la main, m'empêchaient de réfléchir, m'entraînaient dans une ronde qui me fascinait et m'épouvantait (...) Elle m'a souri. Un sourire éclatant qui ne lui ressemblait pas. J'ai cru qu'elle avait deviné. Son sourire a bousculé ce qui en moi résistait encore. »
Commenter  J’apprécie          190


Juin 1991
n° 65

LES FRERES ROMANCEJean COLOMBIER - Éditions Calman-Lévy.

Tout commence par un défi ridicule, une course de poids lourds sur une nationale pour prouver, ou se prouver, qu'on est le plus fort... Les choses s'enchaînent, s'aggravent, comme une sorte de vendetta au terme de laquelle il faut monter qu'on est un homme simplement parce qu'on ne laisse pas un affront impuni. Ce qui n'était qu'un jeu devient un drame, la justice s'en mêle, avec, au bout du compte, le tribunal et la prison à cause d'un mauvais coup.

Je dois dire que je n'ai pas, dès l'abord, accroché à ce texte qui pourtant ne ménageait pas les descriptions poétiques et évocatrices d'un terroir agréable. Pourtant, les personnages se sont imposés peu peu... Les deux frères Romance, qu'on disait inséparables, et qui n'avaient l'un pour l'autre aucun secret, malgré leur différence d'âge, sont une manière de jumeaux dont la complicité est exacerbée par la disparition précoce de leurs parents. L'aîné, Alain, après avoir espéré autre chose, se retrouve marié et transporteur chez son beau-père. Sa femme qui ne fait partie de sa vie que d'une manière épisodique, attend une maternité qui ne vient pas. Julien, élevé par Clairon, leur grand-père, c'est celui qui a réussi et dont l'avenir est plein de promesses, une brillante carrière d'ingénieur... C'est pourtant lui que la justice condamne pour avoir voulu venger son frère aîné, cet Alain, dont la lâcheté éclate un soir sur un parking, entre routiers.

L'incarcération de Julien sera, pendant dix huit mois, avec la complicité de tout un village du Limousin, cachée à Clairon, qui n'aurait pas supporté cette épreuve. Un hypothétique stage aux États-Unis servira d'alibi... Et pourtant, la complicité qu'on suppose entre les deux frères, se lézarde, avec l'apparition de Louise, l'amie inconnue de Julien qui, bien entendu, finit par devenir la maîtresse d'Alain, autre lâcheté d'autant plus grande que cette liaison se déroule pendant l'incarcération du frère. Elle creuse encore plus profondément le fossé qui sépare les deux hommes.

Ce roman m'apparaît être celui de la trahison où chacun rencontre son propre personnage, celui qui sommeille en lui et contre qui il n'a pas envie de se battre. Alain révèle la solitude du routier, une solitude qu'il redoute, mais dans laquelle il se complaît, parce qu'il avait vu sa vie autrement et que celle-ci l'entraîne dans une indécision presque maladive autant que dans un tourbillon dans lequel il se sent mal. Il finit par s'y couler comme dans une peau trop étroite. Au tribunal, le témoignage d'Alain aurait pu sauver son frère, mais il garde le silence sur l'humiliation qu'il a subie et que Julien a voulu venger. le silence puissé soit dans l'ignorance de la vérité soit dans la volonté de ne pas révéler les faits tels qu'ils se sont passés restera pesant jusqu'à la fin.

La vie d'Alain est peuplée de fantasmes qu'il cherche apprivoiser par la fréquentation de la mort, comme si les absoutes qu'il recherche pouvaient remplacer celle de ses parents trop tôt disparus. Cette idée de la mort est trop présente pour ne pas éclater la fin, dans le fracas d'un accident et la dislocation du corps de Louise... Un suicide libérateur. La vie continuera, mais ce drame ne pourra être happé par l'oubli.

J'ai lu dans ce livre une étude de caractères fort bien menée, surtout celui d'Alain qui aurait pu jouer le rôle du père pour son frère mais que les événements révèlent comme quelqu'un qui fuit les responsabilités, celui qui trahit et qui se retrouve seul... à cause de lui. Il ne suffit pas de dominer la route du haut d'un " quarante tonnes " pour être maître de sa vie. On ne peut être longtemps son propre illusionniste.

Je l'ai dit, je n'ai pas accroché d'emblée à ce livre, j'ai continué cependant. J'ai continué cependant, peut-être conduit dans ma lecture par le fil ténu de l'intérêt. Je n'ai pas été déçu.

©. Hervé GAUTIER.- Juin 1991.
Lien : http://hervegautier.e-monsit..
Commenter  J’apprécie          10
Je suis passée complètement à côté de ce livre. L'histoire aurait pu m'intéresser si elle n'était pas constamment coupée par des envolées poétiques qui m'ont fait décrocher à chaque fois. A part le grand-père aucun des personnages ne m'a vraiment plu, un vrai manque de rythme pour moi.
Commenter  J’apprécie          10

Citations et extraits (11) Voir plus Ajouter une citation
Mozart me tenait souvent compagnie. J'avais enregistré son Concerto pour harpe et flûte dont la mélancolie et les imprévisibles enjouements donnaient chair au fantôme de Louise, traduisaient à merveille ce chaud et ce froid qu'elle soufflait en permanence. L'ironie et la douceur, l'ingénuité et la rouerie, l'entrain et le marasme se succédaient, se mélangeaient jusqu'à composer un bouquet qui me tournait la tête. Il me restait l'incertitude, je n'en souhaitais pas plus. J'ouvrais les bras à ses petites soeurs, l'attente et l'espérance, étonné là encore d'avoir pu oublier ses saveurs vénéneuses, convaincu qu'elle exhalait ce que l'amour propose de plus précieux.
Commenter  J’apprécie          80
Mme Lucienne Duval n'avait pas attiré la foule. A quatre-vingt-douze ans elle avait vu partir l'essentiel de ses amis. J'ai compté dix-sept personnes. L'époux, enterré depuis longtemps, quelques petits-enfants dont les obligations professionnelles justifiaient la défection, des malades agrippés à leurs draps et implorant le Seigneur de n'être pas le prochain, cela tempérait la sévérité du jugement que l'on eût pu porter sur la négligence des villageois. La fille de la défunte dissimulait sous un voile noir des larmes authentiques. On ne pleure pas le décès d'une nonagénaire, mais on éprouve un vrai chagrin à se découvrir tout à coup en première ligne sur la liste familiale. Plus d'écran, plus de protection parentale, l'heure approche.
Commenter  J’apprécie          50
Accoudé au comptoir, l'inévitable routier dont le ventre gonflé et la fesse fuyante causaient bien du tracas à un pantalon que ne repêchaient plus des bretelles déprimées amusait la galerie. C'était un habitué, il tenait à le faire savoir, plaisantait très fort avec le patron, vérifiait autour d'eux l'effet produit, prêt à sceller une amitié bruyante avec quiconque manifesterait son contentement. Deux verres, à côté du sien, comme des armes abandonnées sur un champ de bataille, témoignaient d'une récente embuscade.
Commenter  J’apprécie          60
J'ai mis beaucoup de sincérité dans mon signe de croix, confié le goupillon à mon voisin en imperméable et me suis posté devant le porche, maillon anonyme de la haie d'honneur, dernier hommage que ses amis rendaient à Julien. La veuve a attendu que les portes du fourgon se referment sur le cercueil. Elle avait relevé son voile. Elle ne pleurait pas, pressait contre elle le plus jeune de ses enfants. Les deux autres, une fillette et un garçon d'une dizaine d'années, se tenaient par la main, les yeux rouges et gonflés. Il est des gens doués pour le malheur d'autres ne le sont pas pour le bonheur. J'avais vu à l'époque où faisant feu de tout bois j'assistais à des messes de mariage ou des baptêmes (...) des mariées enlaidies par leur accoutrement immaculé, leurs afféteries, leur sourire. Pensait-elle, la jolie veuve, au jour pas si lointain où elle avait posé, sur cette même place, au bras de son mari, voile blanc sur pensées douces ?
Commenter  J’apprécie          20
Je la regardais s'approcher, je me demandais si elle glissait devant les êtres de la même façon qu'elle glissait devant les choses, je regardais une forme blanche, dans un sentier envahi d'herbes, de pluie et de silence, de ciel gris et de bouleaux effeuillés. Et soudain, une bonde en moi a cédé, des mots m'ont traversé la tête, j'étais amoureux, je l'aimais, j'avais l'impression qu'ils me prenaient par la main, m'empêchaient de réfléchir, m'entraînaient dans une ronde qui me fascinait et m'épouvantait (...) Elle m'a souri. Un sourire éclatant qui ne lui ressemblait pas. J'ai cru qu'elle avait deviné. Son sourire a bousculé ce qui en moi résistait encore.
Commenter  J’apprécie          20

Video de Jean Colombier (1) Voir plusAjouter une vidéo

[Jean Colombier]
Entretien avec Jean COLOMBIER, à propos de son livre "Les frères Romance" (aux éditions Calmann Levy), qui relate une relation entre deux frères, et qui a eu le prix Renaudot.Il parle de son livre, qui a un côté autobiographique, des personnages et du lieu de l'intrigue.
autres livres classés : frèresVoir plus
Les plus populaires : Littérature française Voir plus


Lecteurs (34) Voir plus



Quiz Voir plus

Retrouvez le bon adjectif dans le titre - (2 - littérature francophone )

Françoise Sagan : "Le miroir ***"

brisé
fendu
égaré
perdu

20 questions
3650 lecteurs ont répondu
Thèmes : littérature , littérature française , littérature francophoneCréer un quiz sur ce livre

{* *}