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EAN : 9782410015782
431 pages
Editions Belin (09/01/2019)
4.15/5   47 notes
Résumé :
"Fake news", "infox", "post-vérité" : le monde contemporain ne cesse d'être confronté aux enjeux de l'information de masse. On croyait la propagande disparue avec les régimes totalitaires du XXe siècle mais, à l'ère de la révolution numérique et des réseaux sociaux, elle est plus présente et plus efficace que jamais. Chaque jour apporte ainsi son lot de désinformation, de manipulation, de rumeurs et de théories du complot. Loin de se résumer à la sphère politique et... >Voir plus
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David Colon est un historien qui a notamment rédigé des manuels d'histoire pour les classes de terminale. Il s'intéresse dans cet ouvrage à l'histoire mondiale de la propagande depuis les années 20 jusqu'à aujourd'hui et répertorie les différents moyens mis en oeuvre - dans les démocraties comme dans les pays totalitaires - pour manipuler et guider, subtilement ou violemment, les populations dans le sens qui convient au plus petit nombre, celui qui détient le pouvoir et l'argent.

Ce n'est pas une vision manichéenne de notre temps mais une présentation de faits rapportés par des sociologues, des études scientifiques et empiriques. La propagande est utilisée de plus en plus massivement depuis la première Guerre Mondiale et que cela soit pour nous convaincre de la nécessité d'une guerre, d'acheter une marque spécifique de papier toilette, de nous convaincre de l'innocuité de certains produits ou aliments ou de nous faire voter pour un candidat plutôt qu'un autre, les méthodes sont peu ou prou les mêmes.

Pire encore, les techniques s'affinent au fil des progrès scientifique et l'utilisation des fonctions cognitives de notre cerveau à notre insu nous rend particulièrement vulnérables à ces attaques faites à notre sens critique. Aussi, le plus souvent, la propagande devient un outil destiné à nous garder dans le rang, à nous empêcher de réfléchir par nous-mêmes et surtout à nous faire croire que nous agissons librement et c'est en cela qu'elle est particulièrement dangereuse.

Nous voilà prévenus, quel que soit notre niveau d'instruction, personne n'est immunisé. Que celui qui n'a jamais acheté de maïs géant vert parce qu'il est trop rigolo le géant qui ressemble à Hulk me jette la première accusation de complotiste. Il se trouve justement que la théorie du complot est aussi une technique de propagande !

L'intérêt principal du livre réside donc dans la mise en garde qu'il contient, car il nous montre une vérité qui ne fait pas forcément plaisir, notre malléabilité. En cela il a un rôle préventif indéniable puisque la connaissance des techniques employées, sans nous vacciner contre la propagande, peut nous permettre de la reconnaître sous ses différents masques et parfois même (on peut rêver) de la contrer.

Alors… bien malin aujourd'hui celui qui pourra démêler le vrai du faux, à moins qu'il ne navigue dans les hautes sphères du pouvoir. D'ailleurs, tout ce que je vous raconte là, est-ce bien vrai ? Ne serais-je pas un agent de communication à la solde de Vlad ou de Donald venue pour vous contaminer, vous faire perdre confiance et remettre en question tout ce que vous savez, voyez et entendez ? Ah ah ah ah Fantômas vous salue…

Un grand Merci à Babelio et aux éditions Belin pour cette Masse Critique vraiment critique 😉
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« La propagande est la fille de la démocratie. L'expérience totalitaire d'une propagande poussée à son paroxysme, en conférant à ce mot une connotation péjorative, a longtemps masqué cette réalité : c'est dans la démocratie athénienne et la République romaine qu'est apparue la première forme de propagande - en tant qu' « effort organisé pour propager une croyance ou une doctrine particulière » -, c'est la Révolution française qui a posé les jalons de la propagande politique moderne, et ce sont les démocraties en guerre entre 1914 et 1918 qui ont inventé la propagande de masse, reprise ensuite par les régimes autoritaires et totalitaires. La propagande n'est donc pas le propre des régimes autoritaires, et encore moins l'envers de la démocratie. Non seulement, la propagande est née dans les régimes démocratiques, mais elle y a longtemps été perçue de façon positive. »
Aujourd'hui la propagande s'appelle : communication.
Depuis longtemps on sait que la population influe sur les décisions politiques, et les politiques en ont conscience... Alors autant diriger cette masse, se troupeau bêlant, pour qu'il aille dans le sens qu'on attend. C'est ainsi qu'a été mise au service d'une cause, la manipulation des esprits et des êtres humains par tous les moyens. Elle ne date bien sûr pas de l'époque contemporaine, mais c'est aujourd'hui et seulement depuis hier qu'elle a atteint un niveau jamais atteint.
Mais si la propagande agit sur toute la population, mettons toute de suite une chose au clair, elle ne touche pas que les plus « sous-développés », au contraire, elle agit d'avantage et mieux sur les populations fortement éduquées au fort niveau d'étude, car ils sont les plus à même de mieux comprendre les codes. Il s'avère donc que c'est eux les premières dupes de l'histoire.
Ça c'est un petit avant-goût du livre, allons voir ça de plus près maintenant.

Recherche et mode d'expression :

Je ne vais pas vous mentir ça va être difficile d'aborder cette partie, c'est tellement dense et il y a tellement de manière de l'exprimer que je ne vais pas arriver à parler de tout. Toutefois, je vais essayer de vous raconter l'essentiel.
Pour commencer, l'auteur David Colon va montrer comment science et propagande sont liées. En effet, grâce au progrès de la technologie et des sciences comportementales, il va présenter - par des études plus ou moins récentes - comment le cerveau réagit à certaines situations, images…, et comment ces avancées scientifiques sont utilisées par les organes de propagande pour mieux manipuler la population en leur présentant ce qui les intéresse ou les menace, afin de les pousser à aller dans le sens que l'on désire. Ceci passe dans pratique en jouant sur l'affect (très utilisé en propagande), la peur, le paraître..., et agit dans le sens de la consommation, de la sécurité, du patriotisme, etc.
Ces études comportementales montrent par ailleurs, comment le groupe, l'avis des autres, peuvent agir sur certains individus, et développent l'esprit grégaire dans la masse. Et oui, en groupe on aurait une tendance à suivre l'avis général, mais néanmoins je pense que la peur de la réaction des autres peut agir beaucoup à ce niveau-là. Ce que je veux dire, c'est que l'esprit grégaire peut se développer en cas de danger ou de manque de confiance en soi, je ne pense pas de fait qu'il faille tout mettre sur le compte du groupe et donc considérer ces études pour acquises.
La propagande ce n'est bien sûr pas que de la science, des recherches, c'est aussi du concret dans la vie de tous les jours. C'est ce que l'historien va montrer, en exposant les différentes manières d'expression de cette dernière. Il y a la publicité bien entendu qui est intimement liée avec la propagande, puisque s'est éveillé un désire, un besoin, la sécurité, l'exigence. Mais elle s'exprime aussi par l'art de la rhétorique ou dans les journaux en vidéo, en dessin, en photo, par exemple quand des illustrations agrémentent des phénomènes en utilisant des images d'autres époques, ou des images choc, ou prisent sous un certain angle, ou encore quand ils jouent sur des histoires à faire pleurer dans les chaumières (l'affect a pour faciliter d'amoindrir l'esprit critique).
Dans le domaine journalistique d'ailleurs, en ce qui concerne le visible et l'invisible, on a fini dans les conflits militaires par imposer une censure et un contrôle en amont de ce qui est possible à présenter au spectateur. La chose n'est pas nouvelle, on le voyait notamment durant la Première Guerre mondiale où les images du front étaient contrôlées et les dessins représentés des blessés heureux tout en critiquant l'allemand qui visait mal, mais la chose n'a pas disparu dans nos démocraties contemporaines. Et quand la politique s'en mêle, le détournement d'images présentées au journal télévisé ou à la presse, et donc au public, peut prendre des proportions énormes car ça peut favoriser des conflits en préparant l'opinion. La guerre en Irak par exemple.
Enfin, des choses bien plus anciennes indiquent que la propagande est vieille comme le monde, en atteste la vituperatio, le fait de jeter le discrédit sur l'adversaire, pour le discréditer lui, son parti et ses idées. « Calomniez, calomniez, il en restera toujours quelque chose ». Effet qui peut être toutefois aggravé par la presse à la botte des lobbys et du pouvoir, et du « terrorisme intellectuel » qui acceptent difficilement les idées divergentes.
Bref ! La propagande c'est l'art de s'exprimer sur tous les supports - même ceux qu'on n'imagine pas (BD, film) - et l'art de se renseigner sur les dernières recherches sur le cerveau, afin de manipuler et préparer l'opinion.

Propagande : désinformation, rumeur, complot :

La désinformation, c'est cacher, amoindrir des faits, pour diverses raisons : militaire, économique, politique, comme par exemple lors de la crise de la vache folle que la commission des consommateurs a cherché à amoindrir pour éviter le mauvaise impact de la peur de cette maladie sur le marché. Pour la rumeur, qui ne part pas toujours d'une base fausse, elle peut être un outil de propagande en étant utilisée comme une arme de guerre pour déstabiliser l'ennemi. Le hic avec la rumeur, c'est qu'elle peut vite prendre de grosse proportion notamment grâce aux médias qui la relaient. Participant ainsi eux-mêmes à la fausse nouvelle. Le complot ne fonctionne pas vraiment différemment, ça part de vieilles histoires, de vieux fantasmes, et des groupes ou des personnes s'en resservent pour leur cause.
Pourquoi je vous parle de tout ça ? Parce que ça existe et que c'est bien des armes au service de la propagande. Mais aussi parce que les études sur l'impact de ces « informations alternatives » indiquent un hyper-scepticisme ambiant et un manque d'esprit critique important dans le monde contemporain. Rien d'étonnant, car dans un monde où tout le monde ment et a partie liée avec quelque chose, la population a de plus en plus de mal à faire la part des choses.
La force de ces nouvelles alternatives, qui n'émanent pas forcément de groupes puissants et officiels, trouvent aussi leur force dans le fait qu'il n'y aurait pas de fumer sans feu, et aussi parce que l'exagération et la désinformation dans le camp qui dénigre existe aussi. Ceci instaure donc un climat de méfiance, et dans la complexité du monde, dont plus personne ne comprend rien (même pas les politiques) il est difficile de s'y retrouver. Et ça le livre va bien le mettre en avant.
Après je pense aussi qu'on peut expliquer cet intérêt pour « l'information alternative », car il arrive parfois que la personne ou le groupe qui sont discrédités régulièrement plus pour des idées qui dérangent et qui ont été exposées trop succinctement par manque de temps et pour garder intact l'intérêt de l'audimat, seraient victimes du règne de la bien-pensance. Outre ceci, je pense aussi que les gens en ont peut-être un peu marre de se voir commander ce qu'ils doivent penser. (Après c'est juste mon avis.)

Perte de confiance, où se trouve la vérité ?

Tout ceci fait cependant remarquer une chose. Il y a bien et belle une perte de confiance envers la doxa officielle, où l'on a tendance à voir des mensonges partout dans toutes les sources d'information possibles, sauf si on se sent proche des idées émises (et encore). Ceci s'explique notamment par le fait que les politiques paraissent toujours plus éloignés des réalités ce qui ne joue pas en faveur de la confiance, et s'explique aussi par le fait que les mensonges des journaux, leurs partis pris, les mensonges des politiques (exemple Tchernobyl), les lobbys, ont cassé la confiance des peuples favorisant de fait tout ce qui est complotisme, désinformation…
La contre-propagande, la désinformation, le complotisme, sont donc vraiment le symbole d'un manque de confiance et selon l'auteur une envie de se réapproprier le monde, le débat, l'histoire.
Toutefois, il ne faut pas oublier que dans le domaine de l'information et de la désinformation tout n'est pas coupé net. David Colon précise bien qu'un journal national peut dire un mensonge et pas un site considéré comme moins fiable, l'inverse est vrai aussi. Donc il ne faut pas basculer dans l'aveuglement et se dire : " c'est officiel, c'est donc forcément vrai " ou " forcément faux ".
Enfin, selon moi, ce qui favorise aussi la nouvelle force de l'information alternative qu'elles soient fausse ou vraie, c'est que souvent elles ne sont pas dirigées par des grands groupes fortunés. Du coup je pense qu'on a un peu plus de mal à sentir la propagande, le matraquage d'idée, sans compter qu'ils paraissent plus proche du peuple que les grands médias. (Ce n'est que mon avis je le rappelle).
Finalement, pour combattre tous les effets pervers de la propagande et de la contre-propagande, et retrouver la confiance, l'auteur préconise de rétablir l'honnêteté, la transparence, l'esprit critique, mais n'est-ce pas se montrer naïf ? Il y aura toujours des intérêts qui nous dépassent, donc l'honnêteté et la transparence…

Menace sur la démocratie :

Cette propagande et ses dérivés sont bien sûr des menaces pour la démocratie, et ce même si elle est fille de la démocratie. Par exemple dans le monde journalistique la propagande s’exprime par la censure ou l’autocensure, donc on cache des choses, et ceci est dû au fait que les groupes qui injectent de l’argent dans les journaux nationaux - et souvent dans plusieurs - imposent des silences si ça ne va pas dans leur sens. C’est ainsi que Libération aura l’ordre de ne pas parler du film Merci patron de François RUFFIN. Enfin, cette profession étant en crise, à la propagande s’ajoute aussi la peur du chômage, car très peu de journalistes aujourd’hui osent aller contre les intérêts qu’imposent les groupes afin de garder leur emploi.
Cependant, et s'il est vrai que les journaux ne sont pas parfaits et souvent pas ou peu pluriels, nous citoyens sommes aussi responsables de cette dérive. Comme l'atteste l'algorithme Facebook qui par exemple présente ce que la personne veut voir selon ses centres d'intérêt, ou la tendance de l'être humain à se rapprocher de ce qui représente ses idées. de plus le contrôle politique, militaire, les communiqués des lobbys, n'aident pas à sortir de l'ère manipulatoire dans laquelle la majorité de la population marche très bien par manque de lucidité.
Quoi qu'il en soit et comme va le montrer David Colon, tout ceci et autre, fait qu'au final ça agit de manière nocive sur « l'espace public » cher à Jünger Habermas qui est un lieu de pluralité d'opinion et de débat ; car aujourd'hui chacun reste avec les gens qui partagent ses idées ou se tait par peur des représailles. Cette attitude fait donc qu'on s'éloigne de la définition même de nos démocraties qui est la pluralité des opinions et le partage de ces dernières.
Cela étant je me pose une question, peut-on en vouloir à l'espèce humaine d'agir ainsi ? Car n'oublions pas que dans le même temps la liberté d'expression est de plus en plus réduite et mal perçue… Et la justice se fait le bras armé des censeurs (surtout quand c'est politiquement incorrect), donc à mon sens il ne faut pas s'étonner non plus de ce comportement "sectaire". La dénonciation est tellement prompte de nos jours, l'hystérie aussi, que rester entre soi c'est moins dangereux au final. Eh oui ! La multiplication des médias alternatifs, Internet, ne veut pas dire pour autant que l'espace public s'est agrandi. Il s'est même réduit à cause de la justice et des communautés.

Ce que j'en pense :

Je ne suis pas experte en propagande, et donc je ne peux pas dire que l'auteur avance n'importe quoi. Cependant j'ai quelques réflexions à faire sur ce livre.
A commencer par le fait que je le trouve trop occupé par un seul schéma : celui de la réussite de la propagande économique, politique, militaire, citoyenne, alors qu'il existe d'autres masses sur qui elle ne prend pas. Et quid justement des masses sur qui la propagande ne prend pas ? En effet, tout le monde n'est pas concerné par la politique, la consommation, et tout le monde n'a pas été nazi, socialiste ou encore communiste. Preuve qu'il y a des ratés dans cette propagande, qu'elle ne parle pas à tout le monde, et je trouve que cette limite n'a pas été mise assez en avant. L'auteur nous parle un peu de comment sont vus ces gens, quelles critiques ils supportent, mais pas du mécanisme qui fait fonctionner ces personnes qui refusent les codes, les pubs, les discours consuméristes ou alarmistes, et donc par leur comportement ou leur choix ne rentrent pas dans la théorie de masse que l'auteur a abordée. Je trouve qu'il s'est vraiment contenté de parler des gens chez qui ça fonctionne. J'ai eu l'impression en lisant ce livre qu'il n'y avait qu'une masse, or il est admis qu'il existe divers courant de penser, de vivre, de fonctionner, qui fait que l'approche par une masse homogène ne peut pas fonctionner. de fait la thèse de la propagande totale que l'auteur avance moi j'ai des doutes.
Pour continuer sur le sujet, j'aurai apprécié qu'il aborde un peu le monde non-occidental ou pas entièrement occidental. Effectivement, quand j'ai lu ce livre j'ai vu principalement la mise en avant de codes occidentaux, du monde occidental, mais là aussi qu'en est-il des autres parties du monde qui n'ont pas les mêmes codes, la même philosophie, la même religion, le même accès à l'information, etc. alors que la propagande existe tout autant dans ces coins de terre. le ressort est probablement semblable (la peur, la joie, etc.) mais quid des techniques ? Des moyens ? de l'approche ? Est-elle dans ces parties du monde plus ou moins puissante ?
Ensuite, je reste aussi dubitative sur certains arguments avancés. L'auteur, comme je l'ai déjà dit, montre que les sciences humaines font parties des approches de la propagande et notamment la psychanalyse. Or la psychanalyse est réputée aujourd'hui pour être une philosophie peu sérieuse et peu valable, même si elle a évolué depuis il n'en reste pas moins qu'elle est sorti d'un cerveau de dégénéré et ceci quand bien même elle ait marqué son époque. de fait, je me demande si le rôle que l'auteur lui attribue n'est pas faux, et si on n'aurait pas plutôt intérêt de remplacer par exemple, le désir par le paraître, l'inconscient (auquel je ne crois pas, l'homme ne bâtit pas sa vie sur rien) par la persuasion et la manipulation. Pour rester sur le sujet, un argument sur les mangas m'a fait un peu fait tiquée aussi et ce n'est pas le seul.
Enfin, autre critique que j'ai, c'est les sources. Je ne sais pas si elles sont complètes dans le livre et si l'auteur les a bien résumées, mais si c'est le cas je n'ai pas peur de penser qu'il y a des sources discutables. Par exemple page 241, sur le thème de l'insécurité et sur ce que les psy appellent le syndrome du « grand-méchant monde ». D'après l'auteur et ses sources, il a été noté que dans 40% de villages exemptes de problème sécuritaire et sociale (ce que déjà j'ai du mal à croire), le fait de voir des images violentes au journal auraient favorisé en 2002 le vote du Front national. (Notez qu'on s'éloigne de la théorie du vote sanction). Par quel prodige cette étude peut affirmer ça, en se basant sur les votes dans des villages ? Je demande à savoir. Y a-t-il eu une enquête QCM (choix limités et orientés) ? Une enquête approfondie avec un intérêt pour les opinions et la vie de ces gens-là ? Ou alors rien si ce n'est un simple rapport sur le vote et les villages ?
Entre nous, un mec qui habite dans un coin paumé de France, peut très bien avoir lui-même vécu une agression chez-lui ou ailleurs, d'où son vote. Sa famille, ses amis aussi, d'où son vote. Et faut-il vraiment habiter à 10 km d'un fait divers pour se sentir concerner par un problème ? Quand j'ai lu ce passage, j'ai vraiment eu l'impression que oui.
Alors je n'ai pas lu la source de l'auteur, et la source faut la prendre aussi avec des pincettes, mais tout de même j'aurai aimé un peu plus de renseignement dans ce livre, pour ce passage comme pour d'autres. Car ça sonnait trop comme des vérités indéniables et non contestables. Surtout que tout de suite derrière il appuie son exemple avec l'affaire Dreyfus, oubliant que l'antisémitisme était à l'époque déjà séculaire, donc pas besoin de connaître des juifs pour être contre le militaire.

Bref ! En résumé, j'ai survolé ici le livre et il y a encore plein d'autres choses à dire dessus. Alors le mieux pour vous, c'est de le lire car il est utile pour mieux connaître les ficelles de la propagande et de sa némésis, et prendre conscience de cette propagande/communication qui ne sert pas forcément une juste cause. Mais pour moi ce livre en appelle un deuxième afin de montrer les limites de la propagande, car quand on écoute l'auteur c'est propagande à 100%, or je trouve ça très pessimiste et pas forcément vrai. Il y a du monde qui refuse le monde en étant au-delà de l'hyper-scepticisme, du complotisme, etc. Il y a des gens qui vivent le monde selon leurs propres idéaux, leur propre vécu, donc la propagande totale et toute puissante moi j'ai un peu du mal à y croire. On est certes tous un peu mouton mais il y a divers degrés, et cette différence dans la masse je la trouve absente du livre, même si curieusement David Colon montre que les statistiques ne concernent jamais à 100% la population.


Merci aux éditions Belin et Babelio.
Lien : http://encreenpapier.canalbl..
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PORTE BIEN SON TITRE. PROPAGANDE EFFECTIVEMENT, MAIS AU PROFIT DU SYSTEME.
Caricatural et malhonnête.

Les deux premiers tiers sont franchement soporifiques. C'est une énumération fastidieuse d'écrits sur le thème de la propagande. Essentiellement d'auteurs très orientés politiquement. Pas de fil conducteur, pas de lien logique présentant un mécanisme.
On a la pénible impression de parcourir le mémoire médiocre d'un étudiant de maîtrise qui se serait limité à compiler les travaux des autres.

Néanmoins, même dans mon demi-sommeil, mon sixième sens a été mis en éveil. La présentation sur un même plan de la propagande des hommes de l'Etat d'un côté, de la communication et publicité d'entreprise de l'autre, m'a rendu méfiant.
Les hommes de l'Etat ne nous donnent pas le choix. N'oublions pas qu'ils ont le monopole de la coercition.
Ainsi, ils utilisent les médias subventionnés pour nous seriner du matin jusqu'au soir que le virus SARS-COV2 va tous nous tuer si nous ne soumettons pas à leur dictature sanitaire. Et dès que ça leur chante, ils n'ont plus qu'à siffler les moutons terrorisés pour qu'ils s'internent chez eux.
Leur bourrage de crâne menaçant, intime aussi de se faire vacciner contre un virus qui tue 0,05 % de la population (les très vieux et les très malades). Bien sûr, aucun rappel de ce que ces vaccins sont en phase expérimentale. Et qu'ils ont tué par thrombose des jeunes cobayes qui ne seraient pas mort du Covid. Ne parlons pas non plus de tous ces très jeunes atteints de myocardites après vaccination et devant être hospitalisés.
De l'autre côté, rien ne nous force à consommer le produit d'un entrepreneur. Même si nous voyons sur tous les murs les affiches publicitaires de tel ou tel limonadier, celui-ci ne peut nous forcer à boire ses élixirs qui donnent des caries et rendent obèse.

Dans la dernière longueur de l'ouvrage, bingo ! L'auteur tombe le masque et le pressentiment s'avère juste. On a droit à tous les poncifs d'un ennemi juré de la liberté. le camp du bien et de la pensée unique personnifié. Quelques exemples succulents.

D. Trump est comparé à Hitler (rien de moins que ça !) : « Il [Trump] a intuitivement, mis en pratique l'une des règles les plus intangibles de la propagande, énoncée par Adolf Hitler dans « Mein Kampf » » (p. 279).
Toujours à propos de D. Trump, M. Colon s'étend longuement sur l'affaire russe. Il ne sait pas que celle-ci s'est avérée être un canular monté de toutes pièces ? (Il fallait à tout prix déstabiliser le trublion dont la victoire a pris de court l'establishment.)
Pour un spécialiste de la propagande et la désinformation, M. Colon ne creuse pas beaucoup !

Pour l'auteur, le réchauffement climatique est dû, cela va de soi, à l'activité humaine : « peu importe que 99 % des scientifiques soient convaincus de la réalité du réchauffement climatique anthropique : il suffit d'un pseudo-scientifique climatosceptique pour conquérir un espace à la télévision […] » (p. 347). « 99 % des scientifiques », M. Colon n'a pas dû chercher bien loin. Quant à l'espace à la télé, on se souviendra comment ce présentateur météo a été licencié manu militari pour avoir osé émettre une opinion contraire à la doxa officielle.

La liberté d'expression que permet Internet est insupportable à M. Colon : « l'absence de tout filtre, de toute hiérarchie de l'information, favorisent à la fois la dissémination de la propagande complotiste et la dissimulation de ses auteurs véritables ou de ceux qui en tirent profit » (p. 320)
En bref, ce qui n'est pas le discours officiel est « complotiste » et M. Colon ose même le dire clairement : « le propre du complotisme est de remettre en cause des vérités officielles. » (p. 319)
Pour ce monsieur, la pensée unique véhiculée par les grands médias subventionnés, c'est la diversité des opinions, tandis que les médias alternatifs ce sont des « outils de propagande russe ou de la fachosphère » (p. 333). Autrement dit, la liberté c'est l'esclavage.
« Climatosceptique, complotiste, fachosphère ». On retrouve sans surprise les termes en usage chez les propagandistes du système.

M. Colon enseigne à Sciences Po. Avec lui, les étudiants sont entre de très bonnes mains.
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Une formidable synthèse de tout ce qui est manipulation dans notre monde contemporain. L'auteur balaie l'histoire du XXè siècle en ayant assimilé la littérature sociologique et les connaissances sur le sujet.
La propagande façonne nos vies d'une manière qu'on ne soupçonne pas. Ce livre nous fait prendre conscience de tous ces messages que nous gobons à longueur de journée et qui, inconsciemment, dictent notre conduite...En réveillant notre esprit critique, il constitue, à sa manière, un petit guide de d'auto-défense intellectuelle.


La propagande, produit de la démocratie qui s'adresse à un public plutôt éduqué à qui elle donne un cadre explicatif, occupe le terrain et les esprits. Au cours du siècle, elle va s'enrichir de la recherche dans les sciences humaines et cognitives et profiter de chaque medium, de l'imprimerie (affiches) à internet (fakes news, les réseaux sociaux et leurs bulles de filtre) en passant par la photographie (du Leïca au smartphone), le cinéma (de Naissance d'une nation à Top Gun).

1906. Un train déraille. 53 passagers sont tués. Nous sommes aux tous débuts du chemin de fer. Au lieu de dissimuler les faits, la compagnie fait appel à une des toutes premières agences de communication, Parker & Lee, qui les incite à la transparence et « pose les bases de la communication de crise »...C'est le début des professionnels des relations publiques.
1917. Les Etats-Unis entrent dans la Première guerre mondiale. Il faut convaincre un peuple isolationniste de soutenir l'effort de guerre. Création de la Commission d'information publique, dite Commission Creel.

Ensuite...
Trois hommes de l'ombre auront une influence méconnue sur notre civilisation contemporaine:
• Edward Bernays est le plus connu et le plus cité tout au long du livre. Celui qui organisera une campagne victorieuse pour que les femmes puissent fumer dans l'espace public.
• Walter Lippman invente le stéréotype (nous n'avons qu'une vue parcellaire du monde et nous le réduisons à un stéréotype) et la fabrique du consentement.
• Harold Lasswell qui a compris qu'il faut contrôler les techniques de communications qui peuvent modifier notre vision du monde. Comme l'écrit Tocqueville: Il n'y a qu'un journal qui puisse déposer au même moment dans mille esprits la même pensée.

Les techniques américaines de propagande fascineront Goebbels qui s'en inspirera. David Colon l'affirme: la propagande est l'outil déterminant qui propulse les nazis au pouvoir. L'esthétisation de leur campagne, les torches flamboyantes, le son du tambour, arriver en avion, un slogan court et efficace, un symbole facilement reconnaissable, l'exaltation des foules par les chants, leur confère cette impression d'une force irrésistible.
Au même moment en Allemagne, Serge Tchakotine a pris la mesure du danger propagandiste organisé par Goebbels. Il invente un symbole, les Trois flèches qui s'oppose et permet de couvrir sur les murs la svastika lévogyre, des slogans mais il est trop seul et peine à convaincre.
Il écrit le viol des foules par la propagande politique.

Après la seconde guerre mondiale, les États-unis continuent à être précurseurs, la propagande politique est utilisée à grande échelle, pour les élections de présidents.

Dans l'espace public, le consumérisme se développe, il faut vendre le surplus de production. Pour cela, on va utiliser les connaissances en psychologie pour générer des besoins chez les citoyens transformés en consommateurs. Et, plus tard, la manipulation prendra la forme d'un lobbyng agressif pour empêcher les lanceurs d'alertes de lancer leur message (sur les méfaits du sel, du sucre, du tabac). Cette invention des besoins va loin, jusque dans l'industrie pharmaceutique avec l'accent mis sur les dangers du choléstérol...
Les journaux dépendent d'annonceurs puissants, les journalistes sont précarisés. D'ailleurs en France, 10 milliardaires détiennent les principaux médias. Ils peuvent décider d'amputer un journal récalcitrant d'une mâne publicitaire (exemple de Bernard Arnauld/LVMH et le Monde).

Les sciences sociales et cognitives apportent de précieuses informations sur les pulsions de l'âme humaine. Il s'agit de manipuler sans en avoir l'air. On distingue 4 pulsions:
• parentale
• sexuelle
• alimentaire
• violence

4 types de leviers:
• la vertu
• le rejet
• l'autorité
• la conformisation

Ernst Dichter a la conviction que les actes d'achat reposent sur des motivations symboliques liées aux propriétés symboliques d'un objet (118). Louis Cheskin s'est consacré au rôle de la couleur, des emballages et a mis en évidence le transfert de sensations opéré chez les consommateurs, de l'emballage au produit (119).
Page 150, David Colon décrit aussi les 7 techniques les plus courantes de la propagande: l'injure, la banalité, le transfert, le témoignage, l'appel aux gens ordinaires, l'empilement de cartes et l'effet du train en marche.

Dans les années 60, le fameux Stanley Milgram se désole: les gens se soumettent trop facilement à une figure d'autorité. le coût de l'obéissance est moins élevé que celui de la désobéissance car on ne se sent pas responsable: on n'a fait qu'obéir...

L'auteur étudie chaque medium en détail:
- La photographie objective le réel et semble plus authentique qu'un simple dessin, même si on peut facilement la retoucher. Une iconographie se développe, les images s'inspirent les unes des autres.
Elle devient de plus en plus légère et accessible et devient l'arme du faible dans les guerre grâce au smartphone.
- le cinéma est très tôt un outil de propagande, de Naissance d'une nation, en passant par Léni Riefenstahl ou aux documentaires de Capra pour l'armée américaine. Dans les années 50, le code Hays et son puritanisme dicte les conduites sociales.
- La télévision. En France on va passer d'une ORTF aux ordres du pouvoir (Peyrefitte qui se vante d'avoir des sonnettes dans son bureau pour convoquer les directeurs de chaînes) à la dictature de l'audimat des chaînes privées. Il s'agit de vendre du temps de cerveau disponible. Mais, en insistant sur les faits divers, on en vient à fausser le résultat d'une élection: en 2002, le thème de l'insécurité repris à outrance favorise le Pen au second tour et l'élimination du candidat socialiste...Et le lecteur de taper le nom de Paul Voise sur un moteur de recherche, pauvre vieil homme passé à la postérité. Propagande de l'audimat...

C'est un livre qui fourmille de tellement de détails, d'anecdotes et d'informations historiques qu'on en sort étourdi. Des images surgissent à notre insu et se téléscopent: une publicité des années 50 pour promouvoir les robots ménagers et la femme au foyer en Amérique, la « Cave » de Chicago où 66 000 machines et 50 data analyst oeuvrent à la réélection d'Obama en 2014, le visage éructant de Trump reprend sans vergogne les canulars, court-circuite les médias traditionnels avec twitter mais bénéficie du ciblage précis d'informations tirés d'utilisateurs de Facebook. Hitler: Peu importe qu'on vous traite de polichinelle ou de criminel, l'important c'est qu'on parle de vous. Et on se souvient de Sarkozy omniprésident qui passait tous les jours à la télé...
On reste sidéré par le cynisme de certains dirigeants politiques. Comme si l'histoire bégayait : en 1965, alors qu'on sait que la guerre du Vietnam ne peut être gagnée, ce qui compte pour l'administration Johnson c'est de convaincre l'opinion publique. Il faudra le courage des journalistes des Pentagon Papers pour dévoiler l'affaire. En 2003, c'est l'affaire des produits chimiques soi-disant détenus par l'Irak...Même quand la vérité éclate, le mal est fait: le livre note que notre esprit croit plus facilement à un mensonge argumenté qu'à la vérité...
Je sors de chez moi. Dans la rue, les panneaux publicitaires qui me dominent de la taille me vantent les produits d'une chaîne de restauration rapide.
Dans le bus, des petites affichettes s'adressent à moi « Je suis en mode détente » « Je suis en mode actif » et je pense au Nudge, cette technique de manipulation douce pour inspirer la bonne décision et qui s'appuie sur des biais cognitifs aux effets prouvés (p.137). Je marche en me posant des questions: quels sont les moments où j'ai eu peur d'avoir l'air idiot parce que je ne portais pas les bons vêtements ? Qu'est-ce-qui provoque en moi la jalousie sociale ? Est-ce-que je ne ferais pas preuve de conformisme social ? Quelle est la mauvaise décision dans laquelle je persévère parce que j'y suis engagé ?
Ils ne sont pas si courant les livres d'histoire qui vous apportent un tel décryptage du monde, dans un style clair et bien écrit.
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David Colon est professeur agrégé d'histoire et chercheur permanent à Sciences Po, où il enseigne notamment l'histoire de la propagande, les techniques de persuasion et l'éthique de la communication. Avec cet ouvrage, sous-titré La manipulation de masse dans le monde contemporain, il présente les fondements et les techniques de communication de masse dans notre époque. Son étude permet également de mieux cerner les ravages de la désinformation, hier comme aujourd'hui.

Dès la première page, le décor est planté : « La propagande est fille de la démocratie. L'expérience totalitaire d'une propagande poussée à son paroxysme, en conférant à ce mot une connotation péjorative, a longtemps masqué cette réalité. C'est dans la démocratie athénienne et la République romaine qu'est apparue la première forme de propagande - en tant qu'effort organisé pour propager une croyance ou une doctrine particulière -, c'est la Révolution française qui a posé les jalons de la propagande politique moderne, et ce sont les démocraties en guerre entre 1914 et 1918 qui ont inventé la propagande de masse, reprise ensuite par les régimes autoritaires et totalitaires. »

Nous devons comprendre que « la fin de la guerre froide et la victoire apparente des démocraties libérales ont signé, en même temps que la fin des idéologies, la relégation dans l'opinion publique de la notion de propagande au rang de propriété spécifique aux régimes totalitaires ». En réalité, et à bien y réfléchir, la propagande démocratique a parfaitement réussi son entreprise, car nous sommes peu à savoir que « la propagande est fille de la démocratie ».

Très souvent, nous entendons malheureusement le contraire. La propagande serait le propre des régimes durs qui l'auraient inventée pour étendre leur domination politique après avoir conquis le pouvoir grâce à son utilisation. L'auteur y insiste avec raison : « La propagande n'est donc pas le propre des régimes autoritaires et encore moins l'envers de la démocratie. Non seulement la propagande est née dans des régimes démocratiques, mais elle y a longtemps été perçue de façon positive. » Nul doute que ce soit encore le cas de nos jours.

De fait, les ambitions de l'auteur sont clairement exprimées : « Ce livre entend démontrer non seulement que la propagande et la manipulation de masse ne sont pas le propre des régimes autoritaires mais que leurs progrès suivent ceux des sciences et des techniques. L'histoire de la propagande est celle d'une science appliquée qui se nourrit à la fois des progrès du système technicien, qui dote les propagandistes d'outils de communication de masse, et de ceux des sciences humaines et cognitives, qui offrent les clés de la persuasion de chaque individu. »

En fin de compte, il convient de saisir « que ce à quoi nous assistons aujourd'hui, à l'ère du numérique, n'est pas le simple retour de la propagande, mais l'avènement d'une propagande d'un type nouveau, à la fois massive, individualisée et d'une efficacité redoutable. » Pour autant, nous ne sommes qu'au début de ce phénomène très inquiétant pour la sauvegarde de nos libertés, alors que le transhumanisme fait déjà plus que pointer le bout de son nez.

Il nous faut expliquer les raisons pour lesquelles « la propagande est indissociable de la démocratie. C'est parce que, depuis l'Antiquité, son essor est lié à celui de la participation politique : il s'agit d'obtenir l'adhésion du plus grand nombre à des valeurs, à des mythes politiques et à des idéologies ». Pour se faire élire, il faut obtenir le plus de suffrages possibles et pour cela, les futurs élus sont prêts à tout : mensonge, corruption, démagogie et bien sûr propagande.

Il nous semble important de citer un des représentants des Lumières - qui n'ont jamais aussi mal porté leur nom - en la personne de Condorcet : « Quand on parle d'opinion, il faut en distinguer trois espèces : l'opinion des gens éclairés, qui précède l'opinion publique et qui finit par lui faire la loi ; l'opinion dont l'autorité entraîne l'opinion du peuple ; l'opinion populaire, enfin, qui reste celle de la partie du peuple la plus stupide et la plus misérable. »

Ainsi, comme le mentionne l'auteur à juste titre, les élites de la Révolution en France méprisaient bien souvent le peuple et « se méfiaient de la populace ». En conséquence, les révolutionnaires au pouvoir « ont mis en place des procédés de surveillance de ce qu'on appelle couramment l'esprit public, ainsi de limiter la liberté de la presse, qu'Edmund Burke a qualifiée, avec une dérision teintée de crainte, de quatrième pouvoir ».

Ce n'est pas tout, car cette peur de l'opinion publique « se traduit dès 1792 par la création au sein du ministère de l'intérieur d'un Bureau de la correspondance relative à la formation et à la propagation de l'esprit public, qui est la première officine moderne de propagande politique ». Cependant, la propagande ne s'utilise pas que pour la conquête du pouvoir. Une fois arrivé à la tête d'un pays ou d'un gouvernement, Colon stipule avec pertinence que « la propagande est, en même temps, indissociable de l'exercice du pouvoir, puisqu'il s'agit pour le chef d'obtenir le consentement, formel ou réel, à l'impôt, à la guerre et à toute autre décision lourde de conséquences ».

L'auteur cite Etienne Augé qui définit en termes très simples la propagande : « Elle est une stratégie de communication de masse, ayant pour objectifs l'influence de l'opinion et des actions d'individus ou groupes, au moyen d'informations partiales. » Augé précise que la « propagande peut se définir comme un effort cohérent et de longue haleine pour susciter ou infléchir des événements dans l'objectif d'influencer les rapports du grand public avec une entreprise, une idée ou un groupe ».

A ces deux définitions complémentaires, l'auteur ajoute le témoignage de Jacques Ellul qui écrit : « La propagande est l'ensemble des méthodes utilisées par un groupe organisé, en vue de faire participer activement ou passivement à son action une masse d'individus, psychologiquement unifiés par des manipulations psychologiques et encadrés par une organisation. »

Ces explications sont claires et précises. La propagande vise à manipuler autrui en vue d'un objectif à atteindre. Cependant, pour bien appréhender la nature profonde de la propagande, Colon définit les idées reçues, et donc fausses, à son endroit :

La propagande est l'apanage des régimes autoritaires

La propagande n'est que politique

La propagande a pour but de modifier les opinions du public cible

La propagande se fait à coups de mensonges et de désinformations

La propagande est un mal en soi

La propagande touche en priorité les milieux les moins instruits et les moins formés

Dans l'ouvrage, chaque point, parfois surprenant de prime abord, se voit parfaitement détaillé par une démonstration imparable. Par exemple, nous lisons avec intérêt que « selon une dernière idée reçue, la propagande toucherait les individus les moins instruits et les moins informés, l'éducation apparaissant comme le meilleur rempart aux propagandistes. Or tout indique au contraire que la propagande touche en priorité les milieux les plus cultivés et les plus à même d'accéder à l'information ».

Jacques Ellul posait en effet le constat suivant : « Pour que l'homme puisse être propagandé, il faut qu'il ait atteint un minimum de culture. » Néanmoins, il précise : « Cela ne signifie pas que les masses paysannes ne soient pas sujettes à la propagande et n'y soient pas sensibles, mais elles y sont moins exposées que les masses urbaines. » Les dernières élections européennes confirment cette analyse. le parti présidentiel a réalisé ses meilleurs scores dans la capitale et les grandes agglomérations.

Ceci étant dit, Colon rappelle que « l'un des ressorts fondamentaux de la propagande est du reste le recours à l'émotion, qui vise à contourner ou affaiblir le jugement. La propagande agit davantage sur le subconscient ou l'inconscient que le conscient ». Il ajoute que « la propagande consiste plus souvent à conforter, renforcer et instrumentaliser une opinion préexistante - ou des préjugés - qu'à en faire changer et qu'il est même souvent contre-productif de chercher à convaincre quelqu'un qu'il a tort ». de même, et notre époque le prouve presque chaque jour, « la propagande a souvent pour but moins de convaincre que de détourner l'attention du public ».

Bien souvent, la propagande ne repose pas que sur un mensonge. Pour avoir l'apparence de la vérité, les propagandistes mélangent le vrai et le faux. Elle vise aussi à démoraliser l'adversaire ou à le décrédibiliser aux yeux de l'opinion. En définitive, avec l'explosion du numérique et des réseaux sociaux, la propagande ne se limite plus au champ politique. Elle envahit tous les aspects de notre vie en société, parce que tous les grands acteurs de notre époque - gouvernement, médias, grandes marques - usent et abusent du marketing, du storylling, du nudge, pour influencer nos choix et nos comportements.

Colon décrit à merveille les nombreux piliers de la propagande et cette fameuse « fabrique du consentement ». Il analyse l'impact des nouvelles technologies de l'information et de la communication sur la propagande ainsi que ses conséquences sur les publics visés. L'ouvrage se veut démonstratif et pédagogique. Il est également très percutant car il bouscule certaines certitudes établies… par la propagande. Il mérite d'être lu par le plus grand nombre afin de comprendre que « face au chaos que nous connaissons à l'ère de la post-vérité, la meilleure riposte est peut-être une communication éthique, visant en particulier à redonner de l'espace à une histoire partagée, à des discours fédérateurs et à des promesses crédibles d'avenirs meilleurs… »



Franck ABED
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Citations et extraits (21) Voir plus Ajouter une citation
Nous consentons volontiers à croire en des idées fausses, dès lors qu'elles émanent de quelqu'un en qui nous croyons, pour lequel nous nous sommes engagés ou en qui nous nous projetons. Notre crédulité est accrue par un certain nombre de biais cognitifs, à commencer par le biais de confirmation en vertu duquel nous sommes enclins à retenir les arguments qui confirment notre opinion et à rejeter ceux qui pourraient venir la contredire. Toute information, vraie ou fausse, confirmant notre vision préalable du monde, sera mieux reçue que toute information venant la remettre en cause.
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La peur de l'accident cardiaque est soigneusement entretenue par l'industrie pharmaceutique dans des publicités, dont la plus célèbre est celle réalisée à la demande de Pfizer en 2003, qui met en scène un homme d'âge mur qui meurt d'une crise cardiaque. A la suite de la diffusion de cette publicité, le chroniqueur de France Inter, Martin Winckler, médecin et écrivain, dénonce à l'antenne cette publicité qui vise à encourager la prise de médicament contre le cholestérol à titre préventif. Il est licencié dans les semaines qui suivent et le principal lobby de l'industrie pharmaceutique, Les entreprises du médicament (LEEM), obtient un droit de réponse.
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Aux Etats-Unis, le nombre de journalistes a baissé d'un quart entre 2008 et 2017 et de 45% dans la presse écrite. En France, le nombre total de journalistes baisse depuis 2016 et plus du quart des journalistes sont pigistes ou demandeurs d'emploi. En réduisant le nombre d'actionnaires, la concentration réduit du même coup le nombre d'employeurs potentiels et donc les possibilités pour les journalistes au chômage de retrouver un travail, ce qui accroît du même coup la propension à l'autocensure des journalistes en place.
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Enfin, la publicité est un puissant levier pour encourager l'autocensure des médias à l'égard des annonceurs. Le milliardaire Bernard Arnault en a fait la spectaculaire démonstration en novembre 2017 lorsque, après la publication de ses avoirs offshore dans le journal "Le Monde", il a retiré des pages du quotidien toutes les publicités du groupe LVMH jusqu'à la fin de l'année, ce qui représentait un budget d'environ 600 000 euros.
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Des chercheurs ont ainsi montré récemment que des produits perçus inconsciemment sur Internet pouvaient influencer les consommateurs à leur insu : nous naviguons sur le Net sans faire attention aux publicités qui paraissent sur notre écran, et nous achetons parfois une semaine plus tard un produit auquel nous avons été exposés. La connaissance de l'inconscient cognitif encourage par conséquent tant les publicités que le placement de produit.
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David Colon vous présente son ouvrage "La guerre de l'information : les Etats à la conquête de nos esprits" aux éditions Tallandier.
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