«
Cui prodest ? » : « A qui profite le crime ? ».
Voilà la question qu'il faut poser quand on se trouve face à un meurtre.
Pour sa quatrième enquête (j'ai déjà lu les trois tomes précédents :
Cave canem,
Morituri te salutant,
Parce sepulto), le richissime sénateur Publius Aurélius Statius va pénétrer plus avant dans le monde caché de la domesticité, la sienne et celles des autres.
L'esclavage est une constante chez les peuples antiques mais la vision que les citoyens libres possèdent de l'esclave, le servus latin, diffère selon la classe sociale, l'éducation ou les principes philosophiques qui forgent l'individu.
Ce qu'il y a de très intéressant dans cette quatrième enquête du sénateur romain, outre l'intrigue en elle-même, c'est justement la multiplication des points de vue sur l'esclavage à travers le roman.
On peut ainsi voir la vie dorée des esclaves d'Aurélius et sa complicité avec son affranchi Castor (décidément un personnage très attachant) et comparer avec le sort d'indigence subie par les esclaves des classes défavorisées comme ceux qui travaillent dans les chaufferies de thermes miséreux des quartiers mal famés de Rome. le rôle de l'esclave féminin est également bien expliqué : soumise aux volontés de son maître ou de ses enfants mâles, elle devient bien souvent un objet sexuel. Toute l'originalité de cette histoire réside dans le renversement des rôles que l'auteur va effectuer pour mettre, l'espace de quelques jours, son sénateur de détective dans le rôle d'un esclave de basse extraction opérant un travail difficile. Totalement inconcevable dans la réalité des faits historiques et civilisationnels de la Rome antique bien sûr, mais c'est un roman ! Aurelius en ressort évidemment grandi dans sa fonction de riche citoyen romain généreux et bon… c'en est même peut-être un peu trop artificiel.
La dimension philosophique (épicurisme et stoïcisme) est également bien abordée pour permettre au lecteur de comprendre la différence de vision de l'homme libre sur l'esclave :
Sénèque le stoïcien ne dit-il pas en effet que l'esclave est un homme comme les autres, et qu'il ne doit point être considéré comme un objet mais bien comme un être humain qui n'a simplement pas eu de chance ? A cet égard, le sénateur se rapprocherait d'ailleurs davantage du stoïcisme que de l'épicurisme dont il se revendique. Bref, tout le petit monde caché de Rome, le petit monde de l'esclavage sans lequel l'Urbs n'aurait pu fonctionner correctement, est bien rendu, bien décrit.
Quant à l'intrigue, elle se déroule comme d'habitude sans anicroche : l'auteur manipule le lecteur à sa guise, le perdant de fausses pistes en vraies hypothèses jusqu'au dénouement final, assez inattendu finalement.
A qui profite le crime ? Souvent à celui que l'on attend le moins…
Comme dans les tomes précédents,
Danila Comastri Montanari nous gratifie d'une nouvelle : « Une femme pour Publius Aurelius Statius » qui se laisse lire, comme le digestif de ce roman.
Allez, un peu de patience, les autres tomes sont en cours de traduction.
Terminé le 11 juillet 2006.