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EAN : 9782864328889
128 pages
Verdier (18/08/2016)
5/5   1 notes
Résumé :
Daech filme ceux qu'il torture jusqu'à la mort en recourant à un usage maniaque d'effets visuels les plus spectaculaires, dignes des films d'action hollywoodiens. Daech possède des studios, et maîtrise parfaitement toutes les techniques de diffusion numérique. Contrairement aux nazis qui, par précaution, avaient choisi de ne pas filmer les chambres à gaz. Par là, l'ennemi se tient au plus près de nous. Il achète et vend, exploite, spécule et asservit, entre autres p... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Jean-Louis Comolli est un réalisateur, et aussi un théoricien du cinéma ; il a été rédacteur en chef des Cahiers du cinéma de 1968 à 1971... riche d'un parcours multiple, il nous donne une analyse à chaud des films de propagande de Daech. En filmant l'horreur et en le diffusant avec les moyens de l'Occident, cet Occident que Daech déclare vouloir détruire, il propage la terreur et l'effroi. Plutôt que de céder à cette modalité partagée de l'extension de la peur, il conviendrait que chacun puise dans son propre champ d'expérience pour mener ses propres analyses (p108). C'est ce que Jean-Louis Comolli fait dans ce livre.
Dès ses débuts, le cinéma filme la vie. On peut dire que le cinéma recrée la vie. La succession des images fixes nous fait voir le mouvement et le mouvement nous dit la vie (p52). le fait que les choses et les personnes apparaissent en noir et blanc n'a pas impressionné les premiers spectateurs des premiers films ; ils y ont vu la vie. Cependant, le cinéma, comme le théâtre, est jeu : on fait semblant. S'il y a des morts, ce sont des vivants qui miment les morts. Après la prise, ils se relèvent et vont boire un verre. D'un autre côté, on peut voir des acteurs décédés jouer, longtemps après leur mort, avec une fraîcheur impeccable. le cinéma se présente d'une certaine façon, de ces deux façons, comme un pied-de-nez à la mort. Filmer le meurtre réel est un irrespect envers le cinéma, emblématique de l'irrespect fondamental qu'a Daech envers la vie.
C'est le cadre qui fait l'essence du cinéma, selon Comolli (p11). le cadre signifie la volonté de dire ou de faire ressentir. Daech fait donc bien du cinéma. Ils ont une maison de production al Hayat Media Center, qui signifie vie en arabe ! (p15) L'auteur pose très vite quelques remarques fondamentales : les films ne sont pas sous-titrés, ce qui signifie qu'ils sont destinés beaucoup aux musulmans arabes, même s'ils sont envoyés à la terre entière ; ils sont pornographiques, c'est-à-dire qu'ils éliminent tout hors champ. En effet, le cinéma, du fait de son nécessaire cadre, cache autant qu'il montre : ici, comme dans le cinéma pornographique, rien n'est caché ; est montré le détail des actes, sans contexte.
Il est un style de cinéma dans lequel le hors-champ compte presqu'autant que ce que l'on voit sur l'écran, et un cinéma dans lequel compte surtout, voire exclusivement, ce qui est montré, qui, du coup, doit être fait d'exploits, d'actions rapides, d'effets spéciaux... Daech et Hollywood partagent d'appartenir à ce cinéma de contenus, l'autre style étant un cinéma de forme (p94). le cinéma de Daech est une coproduction, qui s'appuie sur une inhumanité des humains constitutive.
Voir l'horreur participe d'une concupiscence des yeux (p46 et s.), dont parle déjà Augustin (Saint Augustin 354-430) liée à l'érotisme des corps. En tuant et filmant, en diffusant instantanément, Daech porte une sorte de triomphe du cinéma numérique. Il est notable que certains tueurs portaient une caméra go pro sur eux. Il y a là une sorte de triomphe du cinéma numérique, d'un système global total, dans lequel on ne peut différencier le vrai du faux (les « trucages » numériques sont aisés à faire et irrécupérables). Les précédentes idéologies armées et sans respect pour les autres (le nazisme était celui qui était allé le plus loin) cachaient leurs crimes, ou en tout cas, cherchaient à contrôler la diffusion des images. Ici, l'intransigeance envers l'autre, le mécréant, l'apostat, les homosexuels, les femmes... atteint des sommets plus élevés encore. Daech fait son apologie en se montrant dans le rôle des maîtres et des méchants, en même temps. Daech offre une toute-puissante (tout part d'eux, rien ne vient vers eux, ils atteignent, moralement, tout le monde et disposent de tous et de chacun, rien ni personne ne les atteint en retour (p109).
Jean-Louis Comolli livre toute sorte de réflexions très documentées, invoquant des scènes de mort jouée, des films, des auteurs, Roland Barthes... pour proposer une vision anthropologique de l'état du monde, dont Daech et ses films sont une réalisation extrême.
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Citations et extraits (5) Ajouter une citation
La guerre quelle qu’elle soit met en œuvre un principe de séparation des temps : il y a un avant, il y a un après ; un principe de séparation des corps aussi : nous sommes en guerre mais tous ne sont pas des guerriers ; un principe de séparation des images tel que certaines d’entre elles prennent le nom de propagande. Aucun de ces trois principes n’est vraiment renié, aucun n’est vraiment opérant. Il s’agit donc cette fois (peut-être bien) d’une guerre faite dans la confusion dont l’effet est de faire régner la confusion.
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On tue au hasard, mais le hasard ne vise pas au hasard. Il attaque un présent au nom d’un futur qui n’a pour premier et dernier mot que celui de mort. Le présent, ce sont ceux qui vivent en faisant ce qui leur plaît. Préférer les deux-roues aux quatre. Dîner en terrasse puisque la saison le permet. Aller danser, rouler des joints, écouter de la musique, tous gestes et désirs contraires à la loi du Livre à laquelle chacun est censé obéir. Présent, ici, égale liberté d’être, liberté de l’être. Ce présent de liberté est tenu pour sacrilège. Daech vient du passé et veut du passé. Le présent, qui est nécessairement celui des autres, lui fait horreur. En même temps, il ne veut d’aucun autre « passé » que celui qu’il est en train de fabriquer jour après jour, et notamment en détruisant les traces des autres passés.
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j’appelle « cinéma » toutes les sortes d’images qui sont enregistrées cadrées et sont ensuite, toujours cadrées, montrées sur un écran, soit par projection, soit par diffusion (télévisions, tablettes, téléphones…). Les clips produits par Al-Hayat Media Center (Daech) héritent des paramètres fondamentaux de la prise de vue cinématographique – cadrer + enregistrer + montrer –, tels que les ont définis les « vues » des frères Lumière, mais ils n’en héritent que pour en forger une arme de terreur massive. Telle est la conception du cinéma qu’ont les tueurs de Daech : un cinéma de propagande, que ce soit pour effrayer les spectateurs (musulmans comme non musulmans) ou pour exalter les merveilles de la vie selon la charia dans les villes et territoires conquis. Paradis ici, enfer là.
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Je parlerai de terreur et non de terrorisme. Je ne crois pas que le mot « terrorisme » puisse nous aider à comprendre les événements sanglants auxquels on l’applique aujourd’hui. La terreur n’est pas moins actuelle que le terrorisme, mais je ne parlerai pas de l’actualité. Il faut parfois tenter de se soustraire au bruit, au bruit incessant des nouvelles qui nous arrivent de tous côtés.
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Le cinéma cache autant qu’il montre. Il n’a que faire du « tout », puisque le cadre est d’emblée limité à ne capter qu’un segment du visible. Il n’y a donc pas que les grands cinéastes, les grands artistes, qui portent la responsabilité de ne pas faire des films qui soient les poubelles du visible présent ; tous les « amateurs », tous ceux qui avec leur téléphone ou une petite caméra « font des images » et filment le monde autour d’eux sont comptables, eux aussi, de l’état du visible configuré par le cinéma.
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