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Citations sur La classe de rhéto (13)

Pris au dépourvu, nous nous tenions au garde-à-vous au pied des lits tandis que nos gardes-chiourme farfouillaient dans nos affaires, remuaient des couvertures imparfaitement pliées, confisquaient des livres non signés, repéraient des brodequins mal cirés ou des boutons détachés, jetaient par terre des provisions de bouche interdites, et distribuaient généreusement les privations de sortie, voire les arrêts de rigueur. Le dernier trimestre de la rhéto commençait mal. Presque tous les dimanches, nous prenions part à la "balade des crantés", les privés de sortie que l'on promenait dans l'après-midi, sous bonne escorte, sur les coteaux de Saint-Germain-du-Val, pour leur faire prendre l'air.
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Pendant des mois, des années, nous étions entre nous, séquestrés entre hommes. Il nous manquait la moitié du monde. Entrés dans l'armée à dix ans (..) nous étions des mutilés psychiques, des tarés affectifs, certains plus que d'autres, mais pas un seul n'en sortirait indemne. On avait acquis pour toujours une certaine dureté sentimentale, une certaine rigidité mentale, contre lesquelles il fallait lutter sans cesse et pied à pied pour qu'elles ne reprennent pas le dessus. Tous mettraient longtemps à se rétablir et beaucoup ne se rétabliraient pas.
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Au bahut, la plupart des élèves n’avaient de passion pour rien, ou bien s’ils avaient une admiration, ils la gardaient secrète pour qu’elle ne fût pas profanée par la collectivité. L’internat avait privé la plupart des élèves de tout enthousiasme. L’un ou l’autre s’intéressait bien au modélisme ou à la philatélie, mais les tocades de ce genre évoluaient en manies de vieux garçon auxquelles j’étais peu sensible et qui même me répugnaient, telles des variantes licites de l’onanisme. Comme tous les gamins de l’époque, j’y avais été poussé autour de dix ou douze ans, après le Meccano, mais je les avais vite délaissées. J ‘aurais eu honte de glisser des timbres sous du papier cellophane dans un album ou de décorer des maquettes d’avion avec des pinceaux minuscules. Or j’avais rencontré en Petitjean un rare ñass qui fût fanatique de quelque chose d’avouable, qui avait un amour chevillé au corps, et qui savait le communiquer, qui pouvait être intarissable à son sujet : Petitjean était fou de cinéma, tenait obsessionnellement la liste de tous les films qu’il avait vus, achetait des revues de cinéphilie, à la fois Les Cahiers du Cinéma et Positif, parce que sa générosité naturelle excluait qu’il prît parti et que, de toute façon, les nuances de l’opinion parisienne lui échappaient encore.
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Une curieuse sensation de bonheur m'envahit, me transporta soudain loin de là, mais j'ignorais le sens de cette impression et je n'eus pas le loisir d'approfondir l'expérience. Deux ans plus tard, me lançant témérairement dans la lecture de Proust, je compris mieux après une trentaine de page ce qui s'était passé le soir de mon arrivée au bahut (...)
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(...) Elle me touche car nous y avons l'air si calmes, détendus, sereins. Rien ne peut mentir comme une photo.
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Au bahut, on était au bout du monde, enfermé, isolé,sans contact avec le dehors, réduit à un face à face souvent tendu avec les gradés. Pourtant, nous nous y sentions chez nous...
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Je n'ai jamais réussi à le persuader que je n'avais pas subi de sévices à mon arrivée en rhéto. L'incompréhension est aujourd'hui semblable quand je dis que j'ai suivi la messe entre huit et treize ans, en France, aux Etats-Unis, ailleurs, sans jamais rencontrer un prêtre pedophile. Personne ne le croit, si bien que je finis par penser que j'étais particulièrement ingénu, ou aveuglément complice.
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Nous étions serrés sur la banquette arrière, moi entre mes deux sœurs, à califourchon sur l'arbre de transmission, dans la vieille 203 lie-de-vin à lunette plate et à plaques anglaises avec laquelle nous étions revenus de Londres et dont les essuie-glaces, au lieu de se mouvoir parallèlement comme dans les voitures modernes, pivotaient l'un vers l'autre, se rapprochaient au point se se toucher au milieu du pare-brise, au sommet d'un triangle que, juste devant moi, leur balayage n'entamait pas, puis s'écartaient, se repoussaient comme sous l'effet d'une antipathie aussi puissante que leur attirance antérieure, répétant à l'infini un ballet ou un duel dont le battement avait pour moi quelque chose d'inexplicablement voluptueux et me semblait imiter le rythme même de la vie, faite d'attraits et de répulsions, d'élans vers l'autre et de replis sur soi, de générosités et d'égoïsmes, si bien que, hypnotisé par leur oscillation ambivalente, leur corps à corps d'amants ou d'adversaires, je me racontais - à l'époque, il pleuvait toujours, en tout cas dès que nous prenions la route - des histoires d'amour et de guerre pendant toute la durée de nos voyages vers Bruxelles ou Compiègne.
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La lecture se pratiquant dans le silence et la solitude, elle était jugée aussi dangereuse qu'une drogue par nos gradés, car qui a lu lira.
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On est toujours sidéré, tel Ulysse pleurant en entendant Démodocos chanter ses exploits, quand nous est renvoyée l'image que les autres se font de nous et qui correspond si peu à la manière dont nous nous voyons, comme s'il était possible de surprendre, à travers un miroir sans tain, l'oreille tendue derrière la porte, ou dans une lettre volée, ce que les autres disent de nous en notre absence, ce qu'ils pensent vraiment de nous.
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